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Ces jeux vidéo qui soignent et éduquent

De plus en plus utilisé comme outil de formation ou dispositif thérapeutique, le 10ème art a acquis ses lettres de noblesse. La Suisse cherche à se positionner sur ce marché prometteur.

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Minecraft: ce nom résonne dans le cœur de tous les cyber-connectés. Crée par le programmeur suédois Markus «Notch» Persson en 2009, ce jeu vidéo est devenu en l’espace de quelques mois un phénomène de société. Avec son graphisme vintage, composé de cubes pixélisés, il détonne dans l’industrie digitale qui mise principalement sur les effets 3D. Classé dans la catégorie «bac-à-sable», il permet à l’utilisateur de tout créer, mais aussi de tout détruire. A l’image de Dieu, le joueur maîtrise son monde et jouit d’une liberté totale dans la conception: certains afficionados se sont même amusés à reproduire la Cité interdite de Pékin ou les paysages de la série Game of Thrones.

Son principal attrait, contrairement à des jeux comme Little Bit Planet ou Half-Life 2, est qu’il permet aux joueurs de partager leurs créations, développant à terme des communautés unies. Outre l’aspect social, Minecraft peut également être modelé en «serious game», soit en jeu éducatif. C’est la nouvelle tendance de l’industrie et le nouvel adjectif qu’il faut associer aux jeux vidéo.

Car de plus en plus d’entreprises choisissent les jeux vidéo pour former leurs employés. «A titre d’essai, un groupe de travail du Swiss Game Center (centre de compétences dédié à l’exploration des interactions ludiques — SGC) a collaboré avec une grande chaîne de magasins pour repenser leur formation de caissier, raconte Maurizio Rigamonti, chargé de cours à l’Université de Fribourg en design et programmation graphique de jeux vidéo et intervenant au SGC. Grâce à l’aspect ludique, les collaborateurs n’ont pas réalisé qu’ils complétaient leur apprentissage. Un vrai succès.»

Le filon prometteur des serious games appâte également les entrepreneurs. Une start-up neuchâteloise, Witchlake, a décidé de développer des jeux vidéo éducatifs depuis 2006. «Au départ, nous voulions faire avaler la pilules des codes informatiques complexes en mettant au point des interfaces dynamiques», explique Stéphane Donnet, CEO de la compagnie. Depuis, les objectifs ont évolué: il s’agit plutôt de concevoir des programmes utiles dans le but de faire passer un message. Le dernier né de Witchlake s’appelle Sam’s Chronicles. Inspiré des théories jungiennes et freudiennes, il explique de manière originale le rapport entre le conscient et l’inconscient.

Depuis peu, les jeux vidéo sont d’ailleurs utilisés par des psychologues à but thérapeutique. Pour soigner les joueurs compulsifs, mais également pour traiter d’autres troubles. «Les vertus sont multiples, précise Niels Weber, psychologue à Lausanne. Je peux observer les comportements des patients, voir quelles compétences intellectuelles et émotionnelles ils développent lors des séances. Tous les jeux ont leur intérêt, même les blockbusters comme Tomb Raider.»

Conscients de l’importance croissante du marché des serious games, plusieurs partenaires académiques et privés fribourgeois souhaitent développer les activités du SGC. Ils travaillent à la création de formations complètes et interdisciplinaires pour les futurs développeurs helvétiques.

«La Suisse a manqué le virage des grosses productions, mais elle peut se faire une place sur la scène indépendante du jeu vidéo et dans les serious games notamment, assure Maurizio Rigamonti. Notre pays bénéficie déjà de designers et d’entrepreneurs reconnus dans le milieu. Ensemble, nous pourrons casser l’image réductrice du jeu vidéo nocif. Mais il faut créer un cursus adéquat et de qualité.» Le SGC, déjà en activité, devrait être officiellement lancé cet été.