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L’autre gaz miracle

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Trois ans après qu’un tremblement de terre, un tsunami et une fermeture de centrale nucléaire eurent mis à mal ses réserves énergétiques, le Japon tente de produire un carburant domestique venu des profondeurs: «la glace qui brûle», une forme congelée de méthane combustible. Les réserves nipponnes pourraient satisfaire les besoins en énergie du pays pour un siècle.

Des chercheurs de la Japan Oil, Gas and Metals National Corporation ont pour la première fois extrait ces hydrates en mars 2013. Ils vont désormais explorer la fosse de Nankai (à 80 km de la côte pacifique) à l’aide d’un navire de forage en haute mer et de robots capables de plonger à 7 km de profondeur.

Ces composés très concentrés en méthane sont contenus dans des structures de glace qui se forment à très haute pression: 1m3 d’hydrates contient l’équivalent de 164 m3 de méthane. On les trouve près de la surface sous le pergélisol arctique ou dans les fonds marins, où les dépôts forment des sédiments le long des failles géologiques. On estime les réserves mondiales à 20 millions de milliards de m3 (soit plus du double des réserves connues en charbon, pétrole et gaz naturel réunies), mais celles-ci sont en grande partie inaccessibles.

Le Canada, la Russie et la Nouvelle-Zélande espèrent exploiter leurs réserves au plus vite, mais restent derrière le Japon, qui prévoit d’exploiter ses puits d’ici à 2018. Un objectif optimiste selon les analystes. Jusqu’ici, la production est issue de tests à petite échelle menés sur le terrain. Il faudra attendre au moins une dizaine d’années avant d’atteindre une production commerciale, selon Geoffrey Maitland d’Imperial College London, qui étudie le potentiel des hydrates de méthane depuis plus de dix ans.

Projet à haut risque

«Pour libérer le gaz, il faut déstabiliser les hydrates, explique Geoffrey Maitland. Soit en augmentant la température, soit en abaissant la pression dans le puits de forage. Mais les hydrates sont contenus dans des sédiments meubles du fond marin et il faut bien doser la pression pour ne pas déstabiliser le terrain et faire exploser le méthane. Cela pourrait engloutir le puits, causer des glissements de terrain sous-marins et déclencher un tsunami. La marge de manœuvre est très réduite. Les risques sont plus importants et la production plus chère que pour le gaz de schiste.»

Le méthane est également un gaz à effet de serre dont l’impact sur le réchauffement climatique sur un siècle est 25 fois supérieur au dioxyde de carbone. Des fuites de ce gaz concentré seraient désastreuses. L’histoire de la Terre le démontre: il y a 55 millions d’années, à la fin du Paléocène, la «libération» d’hydrates de méthane a mené à un rapide réchauffement climatique qui a dévasté les récifs coralliens.

Ces risques n’entravent guère l’élan nippon. Le reste du monde les observe.
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Une version de cet article est parue dans le magazine Technologist (no 1 / 2014).