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S3, la navette suisse à la conquête de l’espace

L’entreprise helvétique Swiss Space Systems (S3), basée à Payerne, s’apprête à révolutionner la mise sur orbite des petits satellites, un marché en pleine expansion. Elle construit pour cela une navette aux caractéristiques uniques au monde. Reportage.

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Le 13 mars 2013, à l’occasion de son lancement officiel, la petite société Swiss Space Systems S3, basée à Payerne, annonce sans frémir l’objectif suivant: devenir le leader mondial de la mise en orbite de mini-satellites au moyen d’une navette drone qui sera développée, assemblée et opérée par ses soins.

Voilà plus d’une année que S3 a rendu public son objectif, mais il faut admettre que l’écho médiatique reste limité, l’entreprise concentrant l’essentiel de son énergie au développement technique de la navette, à l’abri des regards. Installée dans des locaux d’une surface de 2’000 m2, juste au-dessus d’un centre de fitness, la société passe complètement inaperçue vue de l’extérieur. Un simple escalier mène vers la porte d’entrée, où seul un petit écriteau confirme que l’on ne s’est pas trompé de destination.

La présence d’un lecteur d’empreintes digitales signale néanmoins qu’à l’intérieur, il se passe quelque chose de sérieux… Car oui, S3 entend bien construire sa navette spatiale. Et oui, le projet avance comme prévu, ainsi que le confirme le CEO Pascal Jaussi (lire son interview ci-dessous): «Nous sommes parfaitement dans les temps et maintenons notre objectif d’un premier lancement commercial en 2018.»

L’aventure de Swiss Space Systems tient quasiment du miracle suisse, la formule magique résidant ici dans la capacité à fédérer au sein du même projet des entreprises et institutions du monde entier, parmi lesquelles des références comme Dassault ou l’Agence spatiale européenne, et venant de pays aussi divers que les Etats-Unis, la Russie, les Etats-Unis ou l’Espagne.

S3, qui dispose d’un budget de 250 millions de francs, se positionne non pas en créateur de technologies, mais en agrégateur inédit du meilleur des solutions existantes. Chaque entreprise partie prenante au projet apporte sa pierre à l’édifice dans son domaine de compétence spécifique, sous la forme de pièces fournies pour la navette ou d’une mise à disposition d’ingénieurs.

Ces entreprises y trouvent toutes leur compte, dans la mesure où les débouchés commerciaux sont bien réels: S3 prévoit d’emblée un chiffre d’affaires de 100 millions de francs par an, mais le potentiel de ce marché en pleine croissance, estimé dans son ensemble à 50 milliards de francs à l’horizon 2020, permet de viser beaucoup plus haut encore.Et que l’on ne s’y trompe pas, si le projet fédère de multiples acteurs, c’est bien S3 qui assemblera sa navette à Payerne et qui la pilotera. Elle assurera aussi la maintenance de la navette, laquelle reviendra sur Terre après ses vols et sera donc totalement réutilisable.

On touche là du doigt le modèle économique ingénieux de l’entreprise suisse, et qui constitue une petite révolution dans l’industrie aérospatiale. En effet, lors de lancements traditionnels de satellites, les fusées classiques à décollage vertical ne peuvent servir qu’une seule fois, ce qui induit des coûts élevés pour chaque lancement. En optant pour un système de décollage — et d’atterrissage — à l’horizontal, S3 change de paradigme. A la clé, un tarif unitaire par lancement quatre fois plus avantageux, soit 10 millions de francs pour un poids de 250 kg, contre 40 millions actuellement.

Les futurs clients se composent notamment d’institutions académiques — dont certaines sont partenaires du projet — ou d’entreprises spécialisées dans l’observation de la Terre, par l’imagerie ou encore la réalisation de projets scientifiques. L’entreprise de Payerne a d’ores et déjà signé un contrat à plusieurs millions avec la start-up suisse SpacePharma, basée à Delémont, qui se profile comme un futur leader dans le domaine de l’exomédecine (cette discipline en plein essor consiste à explorer et à développer de nouvelles solutions médicales en situation de gravité zéro). Le contrat porte sur le lancement de 28 mini-satellites de 5 kg chacun, à raison d’un lancement par mois en moyenne dès 2018.

Dans les locaux payernois de S3, l’enthousiasme est palpable. Déjà plus de 60 employés — contre une trentaine au moment du lancement de la société — se consacrent à l’achèvement de la phase de développement de la navette. La passion suffit très largement à motiver les troupes: «Les horaires de travail sont entièrement libres, mais je dois régulièrement forcer les gens à rentrer chez eux le soir», explique Pascal Jaussi, tout en nous faisant découvrir les locaux de la société. Le CEO de S3, très impliqué, avoue n’avoir pas pris de vacances depuis 2007, date des premières ébauches du projet.

Arrivée devant une lourde porte en acier, et nouveau contrôle d’empreintes digitales: «Je n’ai moi-même pas accès à cette partie des locaux», sourit Grégoire Loretan, responsable de la communication de l’entreprise. Tout en déverrouillant le lecteur d’empreintes, Pascal Jaussi évoque le très haut niveau de sécurité auquel est soumise la société, qu’il s’agisse de la protection des serveurs informatiques ou de la surveillance du bâtiment, sans livrer davantage de détails. On notera que les ouvriers impliqués dans l’aménagement des locaux ont tous signé un contrat de confidentialité. Une ambiance digne du meilleur James Bond.

De l’autre côté de la porte s’étend le vaste hangar où sera construite la navette dès 2016. Pour l’heure, seuls quelques ingénieurs occupent les lieux, installés devant leurs écrans. «Le niveau de surveillance et de sécurité va encore augmenter à mesure que l’on s’approchera de la phase de test et de commercialisation de la navette, dit Pascal Jaussi. Nous disposerons à partir de 2015 d’un nouveau bâtiment en bordure de l’aérodrome, mais la phase d’assemblage de la navette aura lieu ici même.»

Les plans détaillés du futur bâtiment sont affichés sur l’un des murs du hangar. Juste à côté, des affiches au format XXL représentent la future navette ainsi que l’avion qui lui servira de tremplin, tous deux peints en noir et ornés du logo de la société. «Nous disposerons cette année déjà de notre Airbus A300 aux couleurs de l’entreprise», relève au passage le CEO. Bigre! Le projet S3, que l’on imaginait encore confiné à de la recherche, apparaît subitement extrêmement concret. «Le point de non-retour a déjà été atteint, insiste Pascal Jaussi. S’il avait fallu renoncer, nous aurions jeté l’éponge il y a longtemps.»

La multiplication des communiqués de S3, au cours des dernières semaines, atteste de sa montée en puissance: partenariat avec l’Université technique d’Etat de Moscou, collaboration avec le Spaceport Colorado, fondation d’une filiale aux Etats-Unis, nouveau réseau de partenaires en Espagne…

Il reste quatre années complètes à la petite société suisse pour réussir son pari dans les temps. D’ici là, l’effervescence autour du projet devrait encore monter de plusieurs crans. La machine est lancée.
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Un concept qui revisite le lancement de satellites

S3 a comme objectif la mise sur orbite de mini-satellites (moins de 250 kg) en orbite basse, c’est-à-dire jusqu’à une altitude maximale de 700 km. Contrairement aux lancements de satellites traditionnels, qui s’effectuent avec une fusée classique à décollage vertical, le système de la société suisse s’inspire directement de l’aéronautique. La navette sera en effet portée sur le dos d’un Airbus A300 jusqu’à une altitude de 10 km, dont elle se détachera ensuite pour se propulser jusqu’à 80 km, avant de libérer finalement une petite fusée qui emmènera le satellite à 700 km.

La navette, pilotée comme un drone depuis le sol, utilisera un moteur au kérozène et à oxygène liquide. Elle sera capable de regagner sa base en planant, permettant ainsi d’importantes économies d’énergie. S3 prévoit dans un second temps d’équiper son engin d’une capsule pour le transport de passagers. Cette déclinaison ouvrira la voie aux voyages suborbitaux à grande vitesse, d’un point à un autre du globe.
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Les étapes du projet

2013
Lancement officiel de S3

2014
Développement de la navette

2015
Inauguration du spaceport de Payerne

2016
Assemblage de la navette

2017
Premiers vols tests

2018
Premiers lancements commerciaux

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«Nous voulons ouvrir de nouveaux marchés»

Rencontre avec le CEO de Swiss Space Systems (S3) dans les locaux payernois de la société.

Pascal Jaussi est un homme occupé. Le CEO de Swiss Space System n’a pas pris de vacances depuis 2007. Il consacre l’essentiel de son temps au projet de navette spatiale qui doit permettre à S3 de démocratiser l’accès à l’espace. Nous l’avons rencontré à la fin du mois de décembre au siège payernois de sa société. Accueillant et visiblement très confiant dans l’avenir du projet, il en expose les objectifs et les détails.

Plusieurs firmes prestigieuses, tels que la française Dassault ou l’espagnole Elecnor, collaborent au projet S3. De quelle manière êtes-vous parvenu à les convaincre?

Nous avons dû persuader ces entreprises une par une de la validité de notre projet. Je m’efforçais dans un premier temps de convaincre un responsable technique d’une branche bien particulière, afin qu’il puisse lui-même convaincre son chef, et ainsi de suite, jusqu’à atteindre le sommet du niveau technique de chaque firme. Les entreprises en question devaient trouver un intérêt à collaborer avec nous. Elles refusaient de prendre des risques mais se disaient prêtes à accepter si nous parvenions à rassembler en même temps tous les acteurs nécessaires à la réalisation du projet. Il a donc fallu progresser sur plusieurs fronts simultanément. Cette première étape aura duré plus de quatre ans.

Face à ces firmes aérospatiales renommées et qui disposent de moyens considérables, comment avez-vous réussi à positionner votre petite société suisse comme un interlocuteur crédible?

Pour apparaître légitime vis-à-vis de ces sociétés, il s’agissait d’abord de connaître parfaitement leurs systèmes et la manière de les utiliser. Dans un deuxième temps, c’est la perspective de réutilisation commerciale de leurs technologies dans un nouveau produit qui les a convaincues. Car en l’état, aucune de ces entreprises ne dispose à elle seule de toutes les pièces nécessaires. Nous jouons un rôle de rassembleur de technologie et d’intégrateur. Nous faisons en sorte que toutes les pièces du puzzle s’imbriquent.

Le fait que S3 soit basée en Suisse a-t-il eu une influence positive dans ces démarches?

Oui, car nos partenaires savent que la Suisse n’est pas en situation d’utiliser ces techno­logies à mauvais escient. L’étiquette de la neutralité, mais aussi les arguments tels que la stabilité politique et économique jouent en notre faveur.

Pourquoi d’autres entreprises ne se lancent-elles pas dans un projet similaire, si le marché existe?

Très peu d’entreprises industrielles se trouvent dans la situation de S3, qui joue à la fois le rôle de développeur, d’assembleur et d’opérateur. Nous avons comme avantage notre grande flexibilité pour réagir aux nouvelles opportunités. Souvent, les mastodontes ne sont pas très agiles. A contrario, on voit actuellement éclore une multitude de start-up innovantes dans le domaine spatial, mais qui elles n’ont pas d’argent. S3 fait en quelque sorte le pont entre ces deux mondes, en mettant des technologies éprouvées au service de l’innovation.

Quels intérêts trouvent vos partenaires à collaborer avec S3? Pouvez-vous donner quelques exemples?

Certaines entreprises mettent leur technologie à disposition pour en retirer un bénéfice d’image. D’autres s’associent à nous car elles n’ont pas encore trouvé leur marché et cherchent à mieux monétiser leur technologie. Certaines entreprises de grande taille ont, par exemple, beaucoup investi depuis des années dans la R&D et veulent capitaliser certains de leurs développements. Nous offrons à toutes ces entreprises une plateforme et un projet commercial concret.

Comment est financé le projet?

En partie grâce aux investisseurs, le reste via nos partenaires. Certains développements fonctionnent sur le modèle du troc: des entreprises et institutions partenaires nous prêtent des ingénieurs ou des équipements en échange d’un rabais sur le prix de futurs lancements de satellites, par exemple.

Vous avez déclaré que le niveau de sécurité de votre système serait supérieur à celui des lancements traditionnels, à la verticale. Comment pouvez-vous être aussi affirmatif à ce stade du projet?

Au contraire d’un lancement classique, où il n’est plus possible de faire machine arrière après la mise à feu, notre système nous offre plusieurs «portes de sortie» en cas de problème technique. Il est possible d’interrompre le lancement à différents stades de la procédure. Par exemple, en cas de problème après le largage de la navette depuis l’avion, nous serions en mesure de stopper le processus à tout moment, cela jusqu’à 100 km d’altitude et 10 fois la vitesse du son. La navette qui a la capacité de voler pourrait aisément revenir vers la Terre et atterrir.

Quel est le plus gros challenge que vous rencontrez actuellement?

L’un des défis consiste à coordonner notre action avec chaque partenaire. Mais dans la mesure où les technologies existent déjà, nous ne sommes pas dans la situation de devoir attendre un saut technologique pour mener à bien notre projet. Par exemple, nous n’avons pas à développer un nouveau moteur. C’est un aspect qui nous différencie des projets américains en cours. Il nous faut aussi apprendre à collaborer dans des langues différentes, avec des cultures différentes. C’est la première fois qu’un tel projet voit le jour dans l’économie privée. Quand un gouvernement lance un tel chantier, il développe une stratégie à long terme. Dans le privé, il faut un retour sur investissement dans les cinq à huit ans.

Parvenez-vous à recruter facilement vos collaborateurs?

S3 compte actuellement 58 employés. Le fait que nous soyons basés en Suisse permet à beaucoup de nos concitoyens qui étaient partis à l’étranger pour travailler dans l’industrie spatiale ‒ notamment aux Etats-Unis ‒ de revenir. Nous n’avons jamais eu besoin de publier une seule annonce pour recruter du personnel. L’enthousiasme engendré dans le milieu spatial suffit largement. Des avalanches de CV nous arrivent de partout.

Où situez-vous S3 dans la course au leadership par rapport aux projets pharaoniques des CEO stars de la Nouvelle Economie, tels que SpaceX (Elon Musk) ou Virgin Galactic (Richard Branson)? Les temps de passage annoncés par ces derniers vous semblent-ils réalistes?

Ces projets disposent en tout cas de financements très importants. S’ils arrivent à le faire avant nous, qu’ils sont motivés et enthousiastes et ouvrent ainsi une nouvelle voie, très bien… Partons de l’hypothèse que ces sociétés sont nettement meilleures que S3 — quand bien même elles ont démarré de zéro —, il leur reste à démontrer qu’elles peuvent atteindre leur but avec une réelle fiabilité. De notre côté, nous disposons déjà de toutes les solutions techniques éprouvées de nos partenaires. Et si des géants tels que Dassault ou Meggit, en possession de technologies déjà existantes, jugent pertinent de s’allier à nous, c’est qu’il n’est pas évident pour une société seule de maîtriser toutes les composantes d’un tel projet. Ce que je sais, c’est que malgré tout le savoir-faire de nos partenaires, il n’est pas possible d’aller plus vite.

Etes-vous dans les temps par rapport au planning de développement et de tests que vous vous êtes fixé?

Nous travaillons sur des cycles de deux ans. 2013-2014 est consacré au développement, 2015-2016 à l’assemblage de la navette et 2017-2018 aux vols tests. Pour l’instant, nous sommes parfaitement dans les temps par rapport à cette planification, et tous les indicateurs sont également au vert du côté de nos partenaires. Nous maintenons notre objectif d’un premier lancement commercial de satellites pour la fin 2018 ou le début 2019.

Une entrée en Bourse de la société est-elle envisagée?

Cette option n’est pas à l’ordre du jour car nous tenons à conserver une maîtrise totale sur le développement du projet, donc sans avoir à rendre de comptes.

Concernant le transport de passagers, que vous souhaitez également proposer dans un second temps, quelles seront les adaptations nécessaires sur la navette?

Les travaux portent sur le caisson originellement destiné à accueillir le satellite. Nous sommes en train de développer une variante pressurisée adaptée au transport de passagers, avec le concours de notre partenaire Thales Alenia Space. Ce caisson, qui mesure environ 5 m de long et 3 m de large, pourra accueillir jusqu’à huit personnes. L’idée est de permettre le déplacement d’un continent à l’autre à très haute vitesse, mais pour un prix raisonnable.

Les tarifs actuellement annoncés par nos concurrents sont démesurés, mais ils correspondent à leurs coûts de développement gigantesques. Dans notre cas, le prix du ticket devrait se rapprocher de celui d’un vol de ligne en classe business. Il reflétera uniquement le coût additionnel de développement du caisson pressurisé, les autres coûts étant déjà intégrés dans notre business plan pour le lancement de mini-satellites.

Pour S3, quels seront les premiers débouchés commerciaux du transport de personnes?

Le domaine de la recherche médicale en microgravité est un axe important. Le vol suborbital permet en effet de maintenir un état de microgravité durant plus de sept minutes, contre vingt-cinq secondes seulement dans un Airbus. Mais il existe d’autres perspectives prometteuses comme le transport d’organes pour les besoins d’une greffe urgente, ou le déplacement rapide d’équipes de spécialistes.

Dans le cas d’un transport de passagers, la navette sera-t-elle pilotée par un humain?

Oui. La navette est conçue pour être contrôlée depuis un poste de pilotage au sol, mais ce poste de pilotage a été pensé pour pouvoir être transféré facilement dans la navette. Nous utilisons la technologie appliquée aux drones, exploitée avec succès par notre partenaire Dassault pour son modèle Neuron. Il s’agit là d’un exemple caractéristique d’une technologie performante déjà existante que nous réutilisons et implémentons dans notre navette.

En décembre dernier, vous avez annoncé la concrétisation de partenariats avec plusieurs firmes espagnoles. L’Espagne constituera également votre base principale pour les lancements commerciaux de satellites. Pourquoi ce choix?

L’Espagne s’est imposée à nous. D’abord parce que les entreprises espagnoles disposent d’un savoir-faire très pointu en matière aérospatiale, mais aussi pour des raisons pratiques de localisation: la région des Canaries nous servira de centre de lancement européen, car elle offre un accès rapide à l’orbite souhaitée. Un Spaceport adapté y sera construit avec le concours de notre partenaire Elecnor. Par la suite, nous devrions disposer de différents lieux d’opérations afin de nous rapprocher des clients concernés.

Où se situent vos principaux clients?

Aujourd’hui, le plus grand marché réside potentiellement aux Etats-Unis, raison pour laquelle nous disposons également, depuis octobre, d’une filiale à Georgetown, dans l’Etat de Washington. Occulter les Etats-Unis serait une erreur, alors même que l’innovation en matière spatiale y est foisonnante. Cela étant, notre objectif consiste à créer et à ouvrir de nouveaux marchés, ce qui sera rendu possible par la baisse drastique du prix de lancement des satellites. Le boom à venir se produira dans les continents qui, jusqu’ici, n’avaient pas accès à l’espace, tels que l’Amérique du Sud ou l’Afrique. On peut donc vraiment parler d’une démocratisation de l’accès à l’espace.

Y a-t-il lieu de craindre une délocalisation de S3 à l’étranger?

Je ne vous cacherais pas que l’on reçoit en ce moment des ponts d’or pour aller ailleurs… Nous tenons néanmoins à rester en Suisse.

Les offres risquent de se faire plus pressantes et alléchantes à mesure que s’approchera le stade de la commercialisation. L’un de vos partenaires pourrait chercher à vous racheter…

Nous nous battrons pour rester en Suisse. D’ailleurs cette volonté figure explicitement dans le nom de notre société. Je me porte garant de ne pas écouter le chant des sirènes.
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Pilote, ingénieur et manager

Le parcours de Pascal Jaussi reflète de façon limpide sa passion pour l’aérospatial. Le CEO de S3, qui possède une licence de pilote de ligne, a travaillé huit ans comme ingénieur d’essai en vol pour les forces aériennes suisses. Agé de 37 ans, marié et père d’une fille, cet ingénieur EPFL, qui a également accompli différents masters à l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE) de Toulouse, se consacre aujourd’hui à 100% au développement de la navette.

Les prémices du projet remontent à 2005, quand Pascal Jaussi intègre l’équipe du Space center de l’EPFL, sous l’égide de Claude Nicollier, célèbre astronaute suisse. Le team du Space center a alors comme objectif de réutiliser certains développements de la navette européenne Hermès — un projet abandonné en 1992. Après quatre ans de travaux académiques, l’idée émerge d’une implémentation industrielle, qui débouchera finalement sur la création de S3.
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Une version de cet article est parue dans Swissquote Magazine (no 1 / 2014).