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Twitter, nouvel outil sur les marchés financiers

Twitter est devenu un instrument largement utilisé par les traders et analystes financiers. Les bénéfices apportés par le réseau social surpassent les risques d’être trompé par de fausses informations.

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Une nouvelle fenêtre s’est généralisée sur les nombreux écrans d’ordinateurs qui occupent les places de travail des analystes financiers et traders: une session Twitter. Et lorsque les employeurs empêchent l’accès aux réseaux sociaux, les smartphones prennent le relais.

«Je m’en sers comme d’un outil fondamental permettant de suivre le marché, confie Lars Christensen, analyste financier chez Danske Bank à Copenhague et utilisateur régulier de Twitter. Reuters et Bloomberg (ndlr: deux agences de presse financières historiques) font dorénavant face à un sérieux concurrent.»

Devenu indispensable pour les journalistes qui suivent l’actualité au plus près, le réseau social Twitter et ses messages limités à 140 signes s’est donc aussi assuré une place de choix dans les salles de marché, avides de «breaking news». Traders et analystes financiers sont aux aguets des événements influant potentiellement sur le cours des Bourses, qu’il s’agisse d’un attentat, de résultats d’élections ou des dernières rumeurs sur les plans de sauvetage européens. La réactivité et les possibilités de prises de contacts offertes par Twitter représentent des atouts auxquels les professionnels de la finance renoncent désormais difficilement.

«Prenez la crise chypriote et la taxe sur les dépôts bancaires: les spécialistes de ce dossier ne courent pas les rues, lance Lars Christensen. Grâce à Twitter, j’ai immédiatement pu commencer à suivre des journalistes locaux et des gens directement concernés par les événements en cours. Une telle opportunité aurait auparavant été inimaginable.»

Malgré ces avantages, des doutes subsistent quant à l’utilisation des réseaux sociaux par les acteurs présents sur les marchés. La principale raison tient au risque de fausses nouvelles. «Je me suis fait avoir une fois par une prétendue «headline», soi-disant de Bloomberg, qui s’est révélée être un faux», raconte un analyste d’une grande banque française, préférant rester anonyme.

Ce dernier estime pourtant, malgré cette expérience négative, que l’avènement des réseaux sociaux dans les salles de marché «est une lame de fonds contre laquelle on ne peut pas lutter. «Twitter deviendra l’outil prédominant pour les analystes, pour la simple et bonne raison que c’est gratuit et efficace, prophétise l’analyste. Les rumeurs, les tentatives de manipulation, cela a toujours existé et existera toujours. Il faut être prudent partout.»

Une opinion largement partagée par Lars Christensen de Danske Bank: «Je n’utiliserai jamais Twitter comme unique source d’information, mais il ne faut pas oublier que les agences professionnelles se trompent elles aussi. La problématique n’est pas nouvelle. Grâce à Twitter, on assiste à une démocratisation de l’échange d’information, qui permet à n’importe qui, du moment qu’il a des choses intéressantes à partager, de toucher un nombre potentiellement illimité de personnes.»

Ces interactions sociales sur internet et leurs effets sur les investisseurs ont été étudiées par Yaniv Alshuter, chercheur du MIT à Boston. Avec l’aide du professeur Alex Pentland, il s’est penché sur eToro, une plate-forme de «trading social» axée sur le partage d’informations et la création de communautés et, selon l’universitaire, disposant de caractéristiques similaires aux réseaux sociaux.

«En comparant les transactions de traders isolés avec celles de traders impliqués dans un échange avec d’autres utilisateurs, nous nous sommes rendus compte que les retours sur investissements de ces derniers étaient en général largement supérieurs, avec un bénéfice en moyenne 5% plus élevé», explique Yaniv Altshuler, pour qui «la variété des échanges et opinons est un bénéfice évident».

Pour Lars Christensen, la clé d’une utilisation efficace se situe également dans la diversité des sources: «Il faut chercher les visions économiques hétérodoxes, celles qui se détachent de l’opinion générale. J’ai beaucoup de contact avec lesquels je peux ne pas être d’accord, mais leur avis m’éclairent.»

Pourtant, l’évolution n’est pas toujours comprise par les strates supérieures des institutions financières, comme le raconte un trader employé d’une banque genevoise. «Lorsque je partage une info en provenance de Twitter, je m’abstiens de mentionner la source; je préfère parler “d’une rumeur de marché”. J’évite ainsi que l’information ne soit directement ignorée, ainsi que les moqueries du type “et sur Facebook, ils en disent quoi?”.»

En attendant, l’institutionnalisation est en marche. Alors que la SEC — le régulateur américain — a décidé début avril que les annonces financières des entreprises pourront désormais se faire en toute légalité sur les réseaux sociaux, Bloomberg a commencé à intégrer à ses terminaux un accès à certains messages en provenance de Twitter. Des signes qui montrent que les temps changent et que les adaptations deviennent nécessaires.
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Ces tweets mensongers qui font bouger la Bourse

Le 23 avril, le compte Twitter de l’agence Associated Press (AP) annonçait que des explosions avaient eu lieu à la maison blanche, blessant Barack Obama. Instantanément, le cours de Wall Street a piqué du nez, démontrant ainsi l’impact du réseau social parmi les acteurs des marchés financiers, la nouvelle n’ayant pas circulé par d’autres canaux. Problème: AP avait vu son compte piraté, le tweet était donc faux.

En début d’année, un événement a impliqué un trader basé à Zurich. Caché derrière le pseudonyme @russian_market, cet habitué des rumeurs a mis en ligne en janvier un tweet annonçant la probable démission de Jens Weidmann, président de la Bundesbank — la banque centrale allemande. Résultat: un important mouvement de la valeur de l’euro face au dollar, au point que l’autorité financière allemande a annoncé vouloir s’assurer qu’aucune tentative de manipulation des cours n’avait eu lieu.