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D’une armée de pacotille à une justice laxiste

Au moment où Ueli Maurer voit fondre le nombre de ses militaires, pas sûr, l’émotion passée, que le drame de Payerne débouche sur un durcissement des procédures judiciaires.

On conçoit qu’entre «la liberté personnelle du condamné» et la «protection de la société» il ne soit pas toujours facile de trancher. On le conçoit mais à peine, et de moins en moins, comme un épouvantable fait divers vient de le montrer.
Au point d’imaginer que désormais, magistrat, cela pourrait devenir une activité à risques. Surtout pour ceux qui continueront de porter l’essentiel de leur réflexion sur les droits d’un prévenu plutôt que sur le sort de ses putatives et futures victimes.

Il est heureusement des choix de société plus légers à arbitrer et des professions redoutées, et redoutables, devenues au fil de l’histoire bien inoffensives — chef militaire par exemple. Ainsi du dilemme actuel qui agite le DDPS (Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports). Entre d’une part une armée qui en soit une, prête à repousser sans frémir ni mollir l’ennemi d’où qu’il vienne, qui qu’il soit, au-delà de nos fleuves et montagnes, et d’autre part une armée qui n’en ait plus que le nom, plus civile qu’autre chose, affectée à des taches d’une trivialité extrême, comme la gestion des catastrophes naturelles.

Le choix est d’ailleurs vite fait: même Ueli Maurer, patron de la Défense nationale, s’est résigné en présentant son projet «Développement de l’armée». Oui, diminution des effectifs il y aura bien, et tant pis si cela s’accompagne — c’est toujours le ministre qui le dit — «d’une diminution de la sécurité».

Et de concéder dans la foulée que bon, sans conflits majeurs en vue, sans argent dans les coffres, mais avec la volonté défaitiste, pour ne pas dire embusquée, d’un parlement de pékins qui a déjà réduit le nombre de soldats de 180’000 à 100’000, il ne reste aux galonnés que cette sinistre perspective-là: «Subvenir aux besoins des autorités civiles qui pourraient être débordées en cas de menace terroriste, de catastrophes naturelles ou de pandémies.» Merci donc, sous-entendu, aux terroristes de tout poil, aux divers virus aviaires et porcins et aux indomptables éléments de nous permettre d’exister encore.

S’agissant de la justice, l’affaire se présente sous des auspices évidemment différents. Après le sinistre couac vaudois, la sécurité, la sévérité, et les moyens qui vont avec semblent désormais à l’ordre du jour. Sauf que l’impression pourrait être trompeuse.

On peut supposer — et certainement déplorer — que passés les moments d’intense émotion qui ont suivi l’exécution de Marie, le temps à nouveau va faire pencher la balance vers le sort du condamné plutôt que la sécurité publique. Ce drame n’est pas le premier du genre. Epouvantable à écrire: on avait déjà oublié le prénom de la jeune fille fribourgeoise tuée en 2009 dans des conditions parfaitement similaires.

Il faut la mort de Marie pour se souvenir de celle de Lucie. Comment dès lors ne pas suspecter que très vite le calme des prétoires, l’inertie des parlements, des commissions, la «sagesse» des magistratures et des cercles de réflexion, vont reprendre le dessus. Et avec, la recherche d’une justice tout en rationalité, équilibre, arguties juridiques et médicales.

Bref une justice cyniquement laxiste, diront aujourd’hui la plupart d’entre nous, avant de se rendormir, jusqu’au prochain cauchemar. Si l’on veut en effet vraiment chercher le premier grain de sable d’un engrenage débouchant sur le drame de Payerne, on pourrait bien le trouver dans cette sérénité tranquille, code pénal en main, qui avait décrété qu’on ne condamne pas à la perpétuité un jeune homme de moins de 24 ans. C’était en l’an 2000 lors du procès du futur assassin de Marie.