- Largeur.com - https://largeur.com -

Un bon coup de LAT

La nouvelle loi sur l’aménagement du territoire fait couler des larmes de colère, surtout en Valais. Beaucoup de gémissements pour rien?

image_LAT.jpg

C’est entendu: la nouvelle loi sur l’aménagement du territoire (LAT), en votation le 3 mars, n’est qu’un mauvais coup, encore un, porté par l’hydre fédérale contre le plus valeureux, le plus authentique, le plus admirable et le plus martyrisé, pourtant, de tous les cantons. J’ai nommé ce beau Valais où le Rhône a son cours, ce noble pays de nos amours.

Notons quand même d’emblée qu’on trouve des opposants aussi ailleurs, même si la diatribe anti LAT s’y fait moins ardente, plus technique, quoique rarement plus intelligente. La syndique de Payerne et députée PLR Christelle Luisier, fonde ainsi son rejet sur un argument plutôt original et qui sonne furieusement contemporain. A savoir que pour les cantons, cette LAT «ce sera un boulot énorme, nécessitant des négociations avec toutes les communes».

On retiendra donc qu’aux yeux de certains élus, devoir mouiller sa chemise pour le bien public est considéré désormais comme quelque chose de parfaitement répulsif.

Quant à la farouche et quasi unique résistance du Valais, mêmes certains autochtones, tel le biologiste Raphaël Arlettaz, commencent à trouver qu’elle émane d’un «déni cantonal». D’une réelle difficulté à sortir de «l’ère des bâtisseurs» pour entrer dans celles de «l’exploitation», du «secteur tertiaire» de «l’accueil», de la «qualité du paysage», toutes notions mieux assimilées par exemple dans les Grisons.

Tandis que le Vieux-Pays, lui, resterait entre les mains de «constructeurs focalisés sur la vente du neuf», l’activité certes «hautement lucrative de la construction de résidences secondaires» mais qui fait «pousser les chalets comme des champignons tout azimut». Plutôt que d’un déni, plutôt qu’une attitude larmoyante à la Calimero, plutôt que se percevoir comme une victime désargentée et incomprises d’une arrogance urbaine lémano-alémanique, le Valais aurait besoin d’un bon coup de LAT. Qui serait, assène le professeur Arlettaz «autant une réponse juste à un vrai problème de gestion de l’espace que l’initiative Weber fut un électrochoc salutaire».

Dans des médias lémaniques et donc évidemment vendus à l’idéologie verte, mais venus recueillir leurs doléances, les irréductibles bétonneurs valaisans, déguisés en sympathiques notables villageois, usent d’une vieille technique éprouvée. D’abord concéder que de menues erreurs ont peut-être bien été commises dans le passé, mais c’était le passé justement et c’était menu. Cela donne, dans Le Temps: «Il se peut que le village ait mis à l’époque trop de terrains en zone constructible. Mais je ne vois pas en quoi quelques villas en plus enlaidiraient le paysage».

Dans un deuxième temps, et pour bien souligner qu’on se trouve du côté lumineux de la force, on dégaine les grands principes, on brandit le petit manuel de l’humanisme pour les nuls: «Le paysage ne doit pas passer avant l’intérêt de l’homme». Quant à imaginer que l’un et l’autre puissent coïncider, ce serait vouloir couper les raclettes en quatre.

Enfin, on prédit, en cas d’acceptation de cette satanée LAT, une espèce d’apocalypse. On parle de «tsunami», de «spoliation générale». Une tactique si peu nouvelle que Chappaz déjà l’avait tournée en bourrique contre les maquereaux des cimes blanches avec son fameux aphorisme, souvent cité ici: «Confiance dans la catastrophe!»

Et puis les Valaisans pourront toujours se consoler en répétant avec le vieil arpenteur Houellebecq, que la carte sera toujours plus grande que le territoire.