Un million de visiteurs par mois et des dizaines de propositions de collaborations par jour. Deux ans après son lancement en janvier 2011, le blog cialis male enhancement pills de Kristina Bazan n’a plus rien d’amateur. Dans la rue, à l’hôtel, au café, la jeune femme s’y met en scène dans des tenues tout droit sorties des magazines de mode. «Au début, mon site servait de vitrine pour mes activités de mannequinat, puis l’audience a grimpé et les marques ont commencé à s’intéresser à moi», raconte la Vaudoise de 19 ans.
Désormais, les créateurs la rémunèrent pour qu’elle mette en avant leurs produits dans ses articles, à travers notamment ce que l’on appelle des billets sponsorisés, et tous ses vêtements lui sont prêtés ou offerts. Elle est en outre régulièrement conviée aux showrooms et galas de marques comme Ralph Lauren, Dolce & Gabbana ou encore Yves Saint Laurent. «Je reçois entre 30 et 40 demandes de projets chaque jour. Le tri est vite fait, car les bonnes marques ne sont pas si nombreuses.»
Surfant sur la vague du succès, Kristina Bazan a lancé fin octobre son propre sac à main et vient de créer un bracelet pour la marque Diio Senses. Un travail à temps plein. Pour s’y consacrer, elle a décidé de mettre ses études en stand-by. Elle est épaulée par son compagnon, le photographe James Vyn, et par sa mère, qui s’occupe des contrats. Bien qu’elle habite encore chez ses parents, la blogueuse parvient à vivre de son activité. Un fait rarissime en Suisse.
Régulièrement, la marque de bijoux genevoise Rita & Zia convie par exemple Kristina Bazan à essayer ses nouvelles créations. Depuis trois ans, la griffe accorde une place importante aux blogs dans sa stratégie marketing en Suisse. «Nous considérons ces plateformes comme des médias à part entière, souligne Caroline Marinoff, responsable de la communication. Nous apprécions le fait que les produits soient présentés avec conviction par les blogueurs. De plus, les informations sont mises en ligne très rapidement et relayées ensuite sur les réseaux sociaux.»
La maison Chopard mise, elle aussi, sur les blogs comme outils promotionnels. Au mois d’octobre dernier, elle a ouvert les portes de sa manufacture genevoise à une sélection de blogueuses suisses, dont Kristina Bazan, pour leur présenter une nouvelle collection. Les chroniqueuses ont pu librement visiter les ateliers, essayer les bijoux et prendre des photos, avant de déguster un repas gastronomique. L’opération a porté ses fruits: de longs articles élogieux consacrés à cette journée ont été publiés sur les sites internet de toutes les invitées.
«Les blogueurs sont aujourd’hui des influenceurs incontournables, qui nous permettent d’élargir notre cible en touchant un public plus sensible aux nouveaux médias», commente-t-on au département communication de Chopard. La société indique ne pas rémunérer ses hôtes: «L’intérêt premier du blogueur est de pouvoir être libre d’expression, de poster ce qu’il souhaite et à sa manière. A nous de leur faire découvrir quelque chose d’intéressant.» Même son de cloche chez Rita & Zia: «Les blogueuses sont libres d’écrire un article ou non lorsqu’elles viennent chez nous», précise la responsable de la communication Caroline Marinoff. Des «récompenses», dont la nature exacte reste floue, les encouragent toutefois à prendre la plume.
Rita & Zia collabore également avec une autre blogueuse romande en vogue, Soraya Bakhtiar. Son blog éponyme, lancé au mois de mai dernier, reçoit entre 2000 et 3000 visites quotidiennes. Pour l’heure, elle gagne uniquement de l’argent grâce aux bannières publicitaires qui figurent sur son site. Mais elle se dit ouverte à des opérations rémunérées dans le futur: «Jusqu’à présent, j’ai refusé. Peut-être l’année prochaine.» Pas question cependant de tout accepter. «Il y a deux mois, une agence qui représente des blogueurs m’a contactée pour m’aider à obtenir des partenariats avec des marques, explique la Genevoise de 23 ans. J’ai dit non. Nous sommes des blogueuses, pas des stars. Je veux pouvoir rester maître de mes activités.»
Trouver l’équilibre entre passion et monétisation, c’est là toute la difficulté. Pour Sarah Jollien-Fardel, qui a animé pendant quatre ans le blog Sarah Babille et lancé en novembre dernier le site Révérencieux avec Anne Niederoest (ex-responsable marketing du magazine Edelweiss), l’argent tend aujourd’hui à l’emporter sur tout le reste: «Au début, les blogs étaient spontanés, ce n’était que du partage. Il y avait peut-être un rêve de se faire repérer, sans plus. Cette innocence a disparu. En France, certaines filles contactent des régies publicitaires avant même d’ouvrir leur blog!»
Il faut dire que dans l’Hexagone, et dans d’autres pays comme la Suède, où l’interaction entre les blogs et l’industrie de la mode est bien plus développée qu’en Suisse, les blogueuses jouissent d’une énorme influence. Les plus lues empocheraient jusqu’à 15’000 euros par mois, sans les cadeaux. «Certaines agences de publicité françaises ne font plus aucune campagne sans blogs», commente Sarah Jollien-Fardel. Mais des dérives sont constatées. «Beaucoup de blogueuses acceptent d’écrire sur n’importe quoi par appât du gain», constate Caroline Marinoff, de chez Rita & Zia.
Sarah Jollien-Fardel, journaliste freelance, refuse d’entrer dans ce jeu-là: «J’ai accepté deux fois de rédiger des billets sponsorisés sur Sarah Babille. J’ai ainsi touché plusieurs centaines d’euros pour promouvoir American Vintage. Mais j’ai tout de suite arrêté, pour ne pas vendre mon âme.» Elle continue de recevoir des demandes chaque semaine, ainsi que des produits envoyés gracieusement. «On en parle ou pas, selon notre bon vouloir.» Son objectif est désormais de faire de Révérencieux un magazine en ligne, financé uniquement par de la publicité traditionnelle, balisée comme telle.
Est-il possible de promouvoir les marques tout en restant indépendante? Kristina Bazan en est convaincue: «Pour ne pas basculer dans la corruption, je travaille seulement avec des créateurs avec qui j’ai une bonne entente et dont les produits me plaisent vraiment. L’essence de mon blog est quand même de donner mes vrais conseils. L’objectif est de trouver un équilibre entre ce que j’ai envie de montrer et le message que la marque souhaite faire passer. J’ai vécu de mauvaises expériences, mais j’ai la chance de vivre chez mes parents et de pouvoir sélectionner les partenariats qui me plaisent.»
Du point de vue des lecteurs, impossible néanmoins de distinguer entre les «vrais articles» et les autres, car les billets promotionnels ne sont généralement pas signalés comme tels. En Suisse, rien n’oblige en effet à indiquer leur présence sur les blogs. Et pour brouiller les pistes, les chroniqueuses parsèment tous leurs articles de liens cliquables. Kristina Bazan ne fait ainsi aucune différence entre les billets sponsorisés et les autres: «Je ne veux pas que mon blog ait l’air commercial. Le but est de vendre du rêve. Même si ce n’est pas un secret, tout cela doit rester un mystère.»
_______
Une version de cet article est parue dans L’Hebdo.