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Le très médiatique Saakachvili débarqué par un inconnu

Dans un Caucase connu pour ses violences, l’alternance pacifique en Géorgie fait rêver. Analyse.

Saakachvili.jpgEn début de semaine, au moment où les électeurs géorgiens se rendaient aux urnes, Philip Gordon, adjoint de Hilary Clinton pour les affaires européennes, déclarait que si les Roumains voulaient se débarrasser de leur président pour cause de manque de popularité ou parce que son mandat ne correspond pas à la volonté de la population, ils n’avaient qu’à le faire dans les règles, selon un processus et des élections démocratiques, pas en violant la constitution comme en été dernier.

La coïncidence est curieuse. On pourrait imaginer que Philip Gordon, dont le déplacement à Bucarest avait été déterminant dans la remise en selle du président Băsescu, savait que de l’autre côté de la mer Noire, en Géorgie, les électeurs étaient en train de liquider «démocratiquement» le président Mikheïl Saakachvili, dont l’élection en 2003 passa pourtant comme une importante victoire américaine.

Souvenons-nous: c’étaient les années où les pachydermes vétérobolchéviques, les Milosevic, Koutchma, Chevanardzé tombaient les uns après les autres suite aux actions non-violentes mais hautement médiatisées de jeunes inspirés par des organisations non gouvernementales financées par le Konrad Adenauer Institute, la Fondation George Soros, le National Democratic Institute, l’USAID, etc. Ces mouvements portaient des noms colorés: en Géorgie (2003), ils prônaient la révolution de la rose, en Ukraine (2004) la révolution se voulait orange. A Bucarest aussi, Băsescu se couvrit d’orange pour emporter le morceau en 2004 avec une coalition qui comptait ses pires ennemis actuels.

La victoire à Tbilissi de Bidzina Ivanichvili (56 ans) à la tête d’une myriade de petits partis d’opposition poétiquement nommée le Rêve géorgien est le résultat d’une prise d’assaut du pouvoir plus digne de cosaques qui campent sur les frontières du pays que de Géorgiens bonasses au verbe et aux verres portés haut. En une année exactement, l’homme s’est révélé capable de forger les instruments de sa victoire. Et de triompher. L’argent compte certainement pour beaucoup, mais cela suppose aussi un sens politique raffiné et une intelligence hors norme.

D’Ivanichvili qui fut Russe pour réaliser sa colossale fortune (5 milliards d’euros) et se fit Français en 2002 lorsqu’il s’est agi de mettre son acquis à l’abri, Poutine ayant décidé de dompter ses oligarques, il est encore bien tôt pour prédire la ligne politique. On le dit proche de Moscou parce qu’il prétend restaurer des relations coupées en 2008 lors de l’humiliante guerre russo-géorgienne. Mais il défend aussi un rapprochement avec l’OTAN et l’Union européenne et vient d’annoncer que sa première visite à l’étranger se fera à Washington.

Le fait est que l’avènement de Bidzina Ivanichvili semble enchanter tout le monde. Pour les observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui sont habitués à surveiller des scrutins plus trépidants, ces élections auraient constitué un pas important pour la démocratie. Les Etats-Unis estiment pour leur part que la Géorgie, par cette alternance pacifique, a franchi une étape décisive vers la démocratie alors que Dimitri Medvedev se réjouit de la victoire d’une opposition qu’il espère lui être plus favorable que la majorité sortante.

Influence russe

Pour l’instant ce qui frappe, c’est la reprise en main par la Russie du pourtour de la mer Noire. Dix ans après l’offensive américaine, le bilan est largement favorable à Moscou. Dans trois semaines, l’Ukraine va procéder au renouvellement de son parlement, mais des trois acteurs de la crise de 2004, seul Viktor Ianoukovytch, l’homme de Moscou, tient encore les rênes du pouvoir. La belle Ioulia Timochenko réfléchit en prison sur les abus de pouvoir qu’on lui reproche et Viktor Iouchtchenko, qui fut président jusqu’en 2010, s’est carrément retiré de la politique active et écrit ses mémoires.

La Bulgarie n’ayant jamais créé de problèmes aux Russes, reste la Roumanie. Or certains observateurs ont cru pourvoir humer une influence russe dans la crise politique qui secoua le pays pendant l’été avec la tentative ratée d’impeachment du président Băsescu. Les sociaux-démocrates revenus au gouvernement défendent une conception de l’Etat très providentielle où l’assistanat (surtout dans les campagnes) pèse lourd. Par ailleurs, un nouveau (et éphémère) ministre des affaires étrangères commit une bévue qui lui coûta sa place dès sa première déclaration officielle en annonçant un rééquilibrage des relations avec Moscou.

Cette refonte des équilibres régionaux se fait — en tout cas pour le moment — sans remettre en cause l’engagement de la Roumanie en faveur du bouclier antimissile américain. Reste le casse-tête des tadalafil raven 20mg, dossier délicat et hautement concurrentiel où les tensions ne cessent de se développer. Le poids lourd russe Gazprom mène toujours une guérilla contre ses concurrents, cela peut se comprendre, mais ne peut durer indéfiniment. Là, le rôle de la Géorgie est de première importance.

Gérard Delaloye anime le blog Carrefour Est-Ouest.