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Les cartographes suisses apprivoisent la 3D

L’Atlas géologique de la Suisse sera disponible en version numérique dès l’an prochain. Il couvrira l’ensemble du territoire au 1:25’000. Visite dans les locaux de Swisstopo, où des cartographes achèvent ce travail de haute précision.

Qu’elles soient routières ou topographiques, nombreuses sont les cartes qui représentent le territoire suisse. Enfin sa surface. Jusqu’ici, la géologie n’y avait pas droit à une large échelle. Une lacune qui s’apprête à être comblée avec la mise à disposition en 2013 de jeux de données géologiques vectorielles pour chaque carte nationale au 1:25’000. Ces données proviennent à la fois de l’Atlas géologique de la Suisse, qui contient actuellement 140 feuilles, et de nouvelles recherches. Au total, 220 feuilles cartographiant enfin l’ensemble de la Suisse.

Mais comment s’établissent ces cartes? «Swisstopo ne fait pas les relevés sur le terrain. Ce travail est dévolu à des chercheurs des hautes écoles (EPF, HES, unis), ainsi qu’à des géologues confirmés que nous mandatons», répond Olivier Lateltin, responsable du service géologique national à l’Office fédéral de topographie (Swisstopo). Un travail de fourmi. «Pour réaliser une carte de 200 km2, les personnes mandatées passent 400 à 500 jours sur le terrain pour récolter les données, auxquels s’ajoutent trois mois de dessin à la main, estime Yves Gouffon, rédacteur à la cartographie géologique chez Swisstopo. Chaque carte compte 80 à 120 couleurs, chacune représentant un type de roche ou de sol. Sur le plateau suisse, récolter toutes ces informations n’est pas très difficile. Mais dans les Alpes, cela s’avère plus complexe.»

Une fois réalisés, ces manuscrits sont envoyés à Wabern (BE), en périphérie de la capitale. C’est là qu’une dizaine de collaborateurs établissent les cartes géologiques au sein de Swisstopo, qui compte en tout près de 340 employés. De renommée internationale, le complexe bernois abrite différents départements (géodésie, topographie, cartographie et géologie, notamment) ainsi qu’une imprimerie. D’anciennes cartes et autres appareils de mesure ornent les couloirs du bâtiment de verre et de béton que des centaines de visiteurs souhaitent visiter chaque année (il y a un an de liste d’attente!).

«Une fois que nous avons reçu les données relevées sur le terrain, la première étape pour nous consiste à contrôler qu’elles sont exactes», raconte Yves Gouffon. Cette vérification se fait en superposant les cartes numérisées à un modèle numérique du terrain et à des photographies aériennes prises par des avions, à 4’000 m d’altitude. Une trentaine de clichés permettent ainsi de composer une carte au 1:25’000. Il en faut 7000 pour couvrir toute la Suisse. «Mais la principale vérification reste l’œil du géologue, tempère Olivier Lateltin. Grâce à leur expérience, ils réussissent à détecter des incohérences à l’œil nu.»

Les cartes sont ensuite redessinées à l’ordinateur, sous forme vectorielle, puis imprimées. Swisstopo conçoit, dessine et imprime ainsi chaque année une centaine de cartes en tout genre, vendues à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. Ces dernières années, toutes les cartes ont vécu un profond bouleversement avec la démocratisation des nouvelles technologies: elles se déclinent désormais sur CD et DVD, se consultent sur internet et feront leur apparition ces prochaines années sur les smartphones et autres tablettes.

Mais à quoi servent au juste les cartes géologiques? Un des objectifs de Swisstopo est de sensibiliser le grand public à la géologie. «Jusqu’ici, nos clients sont principalement l’administration (50% du chiffre d’affaires), les hautes écoles (HES, EPF, unis) et les privés, révèle Olivier Lateltin. Mon objectif est de faire passer la part du grand public à 50%, en proposant des cartes simplifiées. Nous travaillons actuellement sur des apps androïd pour smartphones et sur 150 itinéraires géologiques. Il y a une grosse demande des touristes pour ces produits.»

Mais l’intérêt des cartes géologiques demeure bien entendu la construction: «Bien connaître la structure géologique de notre territoire permet de mieux appréhender l’avenir, affirme Olivier Lateltin. Pour exploiter le sol, prévenir les catastrophes naturelles et adapter notre milieu de vie dans une perspective durable.»

Concrètement, la conception des grandes infrastructures (tunnels, parking souterrain, etc.) nécessite de très bien connaître les propriétés géologiques du sous-sol. Dans le domaine de l’écologie, les connaissances géologiques sont importantes notamment pour la protection des eaux souterraines, ainsi que pour l’exploitation de l’énergie géothermique, le stockage du CO2 dans des roches profondes et même des déchets nucléaires, comme expérimenté actuellement dans le laboratoire du Mont-Terri (JU). «Dans ce domaine, des modèles tridimensionnels (3D) sont réalisés à partir des cartes géologiques corrélées à des carottes de forage, explique Olivier Lateltin. Ils permettent de visualiser des structures géologiques complexes avec l’avantage de présenter à la fois la surface et le sous-sol.»

A l’Université de Lausanne, l’équipe du professeur François Marillier vient de réaliser des cartes géologiques tridimensionnelles de l’ensemble du bassin molassique suisse, c’est-à-dire une région de 700 km longeant les Alpes. «Nous avons utilisé les données des compagnies pétrolières, qui ont réalisé dans la région de nombreux forages et échographies du sol à partir des années 1970, explique François Marillier. En réunissant toutes ces informations, nous avons dessiné des cartes qui donnent une bonne connaissance du sous-sol jusqu’à 7’000 m de profondeur. Ce travail reste essentiellement scientifique, puisqu’il nous permet de mieux connaître la géologie suisse dans son ensemble.»

Les cartes pourraient même à l’avenir afficher quatre dimensions, puisqu’une donnée importante de la géologie est le temps: comment était un sous-sol il y a cent ans, comment est-il maintenant et comment sera-t-il dans un siècle? Une question importante avant de stocker en grande profondeur des déchets nucléaires dont la radio­activité perdurera pendant des millions d’années.
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Densifier les villes sous terre?

Ces cinquante dernières années, les villes suisses se sont développées de manière spectaculaire. D’après les prévisions de l’Office fédéral de la statistique, la population de Genève augmentera selon les scénarii de 13 à 33% d’ici à 2040. Idem dans le canton de Vaud où le nombre d’habitants devrait atteindre 940’000 personnes en 2040, soit une progression de 33% par rapport à 2010. Comment loger et faire travailler tous ces habitants sans transformer les villes en petits Shanghai?

L’une des possibilités serait d’exploiter davantage le sous-sol. C’est la conclusion du projet Deep City, mené dans le cadre du Programme national de recherche 54 (PNR54), auquel participent plusieurs HES. Il n’est pas question ici de construire des habitations et bureaux sous la surface, la lumière du jour étant capitale au bien-être des personnes. Mais en plus des parkings souterrains, il serait possible d’implanter sous la surface du sol des commerces et des bâtiments récréatifs tels que les salles de sport, les cinémas et les théâtres. Un gain d’espace qui nécessitera une connaissance approfondie du sous-sol.
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Genève en 3D

Le canton de Genève se dévoile désormais en trois dimensions. Plus de 70’000 bâtiments sont accessibles sur le cadastre en trois dimensions «Geo 3D». Retour en arrière: depuis 1985, le canton accumule un grand nombre de données géographiques 2D cialis approved for benign prostatic hyperplasia. Grâce à un partenariat avec le pôle de recherche de la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture – hepia, Genève, ces données 2D ont été transformées en profil tridimensionnel. Cette nouvelle visualisation permet de mieux appréhender les projets de développement urbain.
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Une version de cet article est parue dans la revue Hémisphères (no 3).