LATITUDES

Les diplômes qui donnent du travail

Les jeunes en quête d’emploi ont avantage à se tourner vers l’informatique ou l’industrie. Enquête sur des secteurs qui embauchent, avec perspectives salariales.

S’il est un secteur où la demande en diplômés qualifiés ne ralentit pas en Suisse, c’est bien l’informatique. «L’économie suisse a un grand besoin de personnel qualifié dans la mise en place de systèmes d’informations avec industrialisation automatisée du développement logiciel, ainsi que d’intégrateurs software», précise Yves Rey, responsable du domaine Economie et Services à la Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO).

Les besoins se révèlent également marqués pour des compétences techniques en matière de gestions des réseaux, ainsi qu’en informatique industrielle et embarquée

Raison pour laquelle la Haute école propose des formations Bachelor et Master en Informatique de gestion (au sens d’architectes de systèmes d’informations) et en Informatique (au sens «Computer Science»). «Malheureusement, en Suisse romande, force est de constater que le marché engage beaucoup de personnel français, car les jeunes Romands ont encore de la peine à se former dans ces secteurs fondamentaux pour le bon fonctionnement des entreprises», poursuit Yves Rey.

En moyenne, le délai pour trouver un premier emploi chez ces diplômés est de l’ordre de 2 à 3 mois. Il est courant que ces derniers se voient proposer un job durant leur dernier semestre de formation, lors duquel ils réalisent leur travail de fin de formation en lien avec une entreprise.

En ce qui concerne les premiers salaires, ils débutent pour les Bachelor entre 70’000 et 75’000 francs annuels, puis évoluent rapidement. Selon l’association des alumni HES pour le domaine, le salaire médian pour la branche informatique s’établit à 88’000 francs et 105’000 francs pour l’informatique de gestion. En ce qui concerne les Master, aucun chiffre n’est encore disponible (les premiers diplômes ayant été attribués il y a deux ans).

Du côté de l’EPFL, le directeur du Centre de carrière Philippe Ory souligne que dans ces domaines, un diplômé Master de l’EPFL touche en moyenne 77’000 francs par an à l’embauche, contre 98’500 pour un docteur. Quant aux stagiaires, ils restent «heureusement rares» et concernent avant tout des diplômés qui s’orientent vers des domaines autres que ceux pour lesquels ils ont été formés.

Ces bonnes perspectives sont confirmées par Hewlett-Packard. La multinationale spécialisée dans l’informatique et le multimédia recherche pour ses succursales helvétiques en priorité des diplômés universitaires et en hautes écoles dans les secteurs des technologies de l’information et de l’ingénierie.

La demande est également forte pour les filières économiques et les apprentis de commerce. Cette année, la société — qui engage en moyenne 15 apprentis par année en Suisse — prévoit d’embaucher au total une douzaine de diplômés.

Du côté d’IBM, les secteurs les plus recherchés sont les branches économiques (commerce finance, comptabilité), les technologies de l’information et l’ingénierie. Avec un préférence marquée pour les jeunes diplômés géographiquement flexibles et aptes à s’exprimer aisément en anglais (l’allemand étant un plus).

L’industrie recrute

Tout comme pour l’informatique, les perspectives dans le secteur de l’industrie sont bonnes. Selon Fariba Moghaddam Bützberger, responsable de la filière Master of Science in Engineering de la HES-SO, les secteurs qui connaîtront à l’avenir la plus forte croissance seront liés aux énergies renouvelables, aux smart grid (réseau «intelligents» de distribution d’électricité), ainsi qu’au développement durable conduisant à des économies d’énergies et à l’utilisation rationnelle de celle-ci, tout en garantissant respect de l’environnement, efficacité, qualité et sécurité.

Dans ce registre, le Master compte 7 filières d’apport Bachelor: l’Informatique (qui compte 31% des élèves), le Génie électrique (25%), la Microtechnique (14%), le Génie mécanique (11%), les Télécommunications (10%), les Systèmes industriels (7%) et l’Ingénierie de gestion (2%).

Une répartition qui correspond, dans les grandes lignes, aux tendances à l’embauche des entreprises. Fariba Moghaddam Bützberger précise qu’il est «très rare» que ces étudiants ne trouvent pas de travail après leur formation en Bachelor ou Master.

Pour rappel, les Bachelor de la HES-SO représentent une formation sur 3 ans (6 semestres en plein temps). Si leurs résultats le leur permettent (50% des meilleurs), les étudiants Bachelor ont ensuite la possibilité d’effectuer une formation Master d’un an et demi à plein temps (3 semestres), ou à temps partiel de 2 ans et demi (5 semestres).

En ce qui concerne les salaires des nouveaux diplômés, ceux-ci varient en fonction du titre et du secteur de travail (recherche appliquée, développement, consulting, vente, enseignement, etc.). La fourchette de départ pour un jeune diplômé Bachelor peut varier entre 5’000 et 7’000 francs bruts mensuels, un revenu qui peut ensuite rapidement progresser avec les années d’expérience. Pour un Master en ingénierie, le premier salaire est légèrement plus élevé (entre 500 et 1’000 francs de plus par mois).

Chez Siemens, les domaines d’expertise les plus recherchés sont l’électrotechnique, les technologies du bâtiment, l’ingénierie, l’informatique, mais aussi le marketing et les filières commerciales (aussi bien en Bachelor qu’en Master). Le groupe spécialisé dans les hautes technologies précise cependant embaucher dans un premier temps de préférence des stagiaires, avec une tendance à la hausse en termes de recrutements fixes à venir.

Pour sa part, le géant suisse de l’électricité Alpiq recherche des diplômés en informatique, des physiciens, des ingénieurs en génie électrique et des économistes.

L’entreprise déclare employer davantage de diplômés que de stagiaires, pour un salaire de départ d’environ 6’660 francs mensuels. Quant aux tendances à l’embauche, elles vont demeurer stables dans les mois à venir.

Nouveaux profils dans le secteur alimentaire

En Suisse, le secteur alimentaire emploie 60’000 personnes avec un chiffre d’affaire annuel de plus de 25 milliards de francs. Il comprend des multinationales comme Nestlé, mais également des entreprises internationales de taille plus modeste comme Emmi et de nombreuses PME locales.

Le secteur n’est pas trop touché par la récession et ses principaux acteurs le confirment, la tendance à l’embauche devrait rester stable, voire même progresser: «Nous engageons entre 600 et 800 nouveaux collaborateurs chaque année, dont au moins 18% de jeunes diplômés», détaille Philippe Oertlé, porte-parole de Nestlé.

Chez Coop, on confirme également que «le nombre d’engagements devrait rester stable». Par ailleurs, l’industrie alimentaire recherche de plus en plus de profils universitaires ou HES. «Le secteur devient très pointu quant aux normes de qualité, explique Denise Stadler, porte-parole de Coop. Le développement de nouveaux produits prend plus d’importance afin de gagner des marchés supplémentaires, notamment dans l’exportation, et de satisfaire des consommateurs de plus en plus avisés.»

Alors que Coop et Migros se basaient essentiellement sur la relève interne pour former leurs cadres, qui ont pour la plupart commencé par un apprentissage, ils s’intéressent désormais aussi aux jeunes diplômés.

«Nous sommes en train de mettre en place un projet de relève des cadres au niveau national, raconte Didier Gasser, responsable de la gestion des RH chez Migros Vaud. Dans les 10 prochaines années, beaucoup de nos collaborateurs partiront à la retraite. Le recrutement en interne ne suffira plus, c’est pourquoi nous devrons engager des universitaires.»

Les deux géants de la distribution s’intéressent principalement aux diplômés en droit et en finance, ainsi qu’aux ingénieurs et aux techniciens en alimentation.

Chez Nestlé, le type de diplômes recherché est encore plus étendu: «Nous engageons des doctorants pour nos centres de recherche, particulièrement en chimie ou en biologie, détaille Philippe Oertlé. Mais également des ingénieurs mécaniciens, avec diverses spécialisations (thermique, fluides…), notamment pour nos centres de production.»

La multinationale veveysane offre en plus un «Graduate Programme» aux jeunes diplômés, qui leur permet de prendre rapidement des responsabilités dans les domaines suivants: ingénierie, marketing et vente, ressources humaines, finance et achat / approvisionnement. «Nous nous intéressions particulièrement aux diplômés des écoles polytechniques, mais également aux ingénieurs HES. Nous recherchons des personnes qui maîtrisent les langues nationales, en plus de l’anglais, et qui ont effectué des séjours ou des stages à l’étranger.»

Si les responsables des ressources humaines affirment ne pas rencontrer de difficulté pour trouver les compétences qu’ils recherchent, certains profils restent particulièrement demandés. Il s’agit des ingénieurs qui acceptent d’être très mobiles, des spécialistes en environnement et des ingénieurs en technologie alimentaire.

Wilfried Andlauer, responsable de l’unité Technologie alimentaire de la Haute école spécialisée de Sion le confirme: «Nous formons une vingtaine de diplômés par an et la plupart sont engagés directement après avoir reçu leur Bachelor, c’est incroyable! Ils grimpent ensuite rapidement les échelons dans les entreprises.»

Au niveau des salaires des diplômés, aucun acteur interrogé n’a souhaité donner de fourchette, tant les profils et les postes sont variés. Mais la tendance qui ressort, c’est qu’ils se situent plutôt au dessus de la moyenne: «Nous n’offrons pas des salaires comparables à l’industrie bancaire, admet Mélanie Prénat Potez, en charge du recrutement chez Nestlé. Nous ne recherchons d’ailleurs pas des collaborateurs motivés uniquement par l’argent. Mais nous offrons un environnement de travail stimulant, qui comporte beaucoup d’opportunités de progression et d’évolution, de même que de la flexibilité.»

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Collaboration: Geneviève Ruiz