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Le Genevois devenu numéro un de PayPal

David Marcus s’est hissé jusqu’à la présidence d’une des plus importantes sociétés technologiques du monde. Portrait.

La nouvelle n’a pas surpris ceux qui suivent le jeune entrepreneur depuis ses débuts. Elle résonne pourtant comme le couronnement d’une incroyable success-story. A 39 ans, le Genevois David Marcus a été choisi par le conseil d’administration de Ebay pour présider PayPal, la célèbre filiale de paiement en ligne du site de vente aux enchères. Basée à Palo Alto dans la Silicon Valley, PayPal emploie plus de 12’000 personnes dans le monde et figure parmi les sociétés les plus connues d’internet. L’arrivée au sommet de la hiérarchie a été fulgurante pour David Marcus, entré chez PayPal en août 2011 seulement. Il avait alors hérité du poste de vice-président du département mobile à la faveur du rachat par PayPal de Zong, sa start-up de micro-paiement, pour 240 millions de dollars.

Il faut dire que l’entrepreneur genevois n’a pas la réputation de perdre son temps ni de manquer d’ambition. Né à Paris d’un père roumain et d’une mère iranienne, il passe à Genève une enfance et une jeunesse dorée de fils de banquier privé. Au lieu de suivre les traces paternelles, il quitte son job d’employé de banque, emprunte 100’000 francs et avec le culot de ses 23 ans, décide de s’attaquer au monopole de Swisscom en créant l’opérateur de téléphonie GTN. On est en 1996, au temps héroïque et échevelé de la libéralisation du marché des télécoms. Les usagers ont l’embarras du choix pour appeler moins cher. Il faut s’y retrouver parmi les offres tarifaires d’une dizaine d’opérateurs alternatifs qui se livrent une guerre des prix sans merci. Rapidement, GTN se hisse parmi le trio de tête de cette légion de casseurs de prix. Une place que l’opérateur gagne grâce à son astuce plus qu’à ses tarifs plancher. David Marcus développe notamment un système qui dispense l’utilisateur de composer le code d’accès à son service.

Ce souci de simplicité et d’innovation est au cœur de la future réussite de l’entrepreneur. Des qualités inspirée de Steve Jobs, l’un de ses modèles avoués. Stéphane Pictet, directeur de la société de venture capital Virtual Network qui a été l’un des premiers investisseurs dans Zong, connaît bien l’entrepreneur. Le portrait qu’il en trace aurait aussi pu convenir au fondateur d’Apple. «David est un grand visionnaire et un créatif perfectionniste ayant un sens aigu de l’esthétisme. Son ascension chez PayPal ne m’a guère surpris vu son charisme hors norme et son aptitude à révolutionner l’approche du monde numérique actuel. »

Comme Steve Jobs, la déveine ne l’épargne pas non plus. En 2000, il vend GTN à World Access, une entreprise de télécommunication américaine. Hélas, la transaction se fait sous formes d’échanges d’actions. Avec l’éclatement de la bulle internet, il perd tout le fruit de l’opération. «Il a dû vivre comme un demi-échec de voir la société qu’il a fondée disparaître, mais il a su rebondir immédiatement», commente Julian Cook, le fondateur de Flybaboo qui le connaît depuis l’adolescence.

Il crée Echovox la même année. Cette nouvelle société, basée à Carouge (GE), profite de l’essor de la distribution de contenus sur les téléphones mobiles. Avec Echovox, David Marcus développe une technologie de SMS surtaxés qui va séduire les chaînes de télévisions. Leurs téléspectateurs votent grâce à ce système pour les candidats des émissions de téléréalité à l’aide d’un numéro unique, quel que soit leur pays de résidence. Echovox développe même une filiale avec la chaîne française M6, qui finance en partie les productions des émissions comme Nouvelle Star grâce à ces SMS surtaxés. L’entreprise permet également de télécharger des sonneries et des jeux. Elle gagne aussi beaucoup d’argent en fidélisant des utilisateurs à des services quotidiens d’horoscope ou de météo par exemple. Un commerce que l’arrivée des smartphone va évidemment rendre moins lucratif.

Mais c’est à travers Zong que David Marcus devient un personnage incontournable de la Silicon Valley. Conçue comme une spin-off d’Echovox, cette société lancée en 2008 développe un système de micro-paiements sur internet via le téléphone mobile. L’utilisateur n’a qu’à introduire son numéro de téléphone. Il reçoit alors un code par SMS qu’il insère dans la page pour obtenir le produit convoité. Une solution particulièrement adaptée aux achats d’objets virtuels comme des accessoires ou des cadeaux dans les jeux en ligne, pour lesquels les internautes se montrent réticents à sortir leur carte de crédit et à noter leurs coordonnées. La start-up a fait les gros titres lorsque Facebook s’y est intéressé en 2010 pour faire payer à ses membres des cadeaux virtuels dans ses jeux ou pour acquérir des crédits.

Surtout Zong marque l’exil de David Marcus. Pour se rapprocher de ses clients et trouver le personnel nécessaire à son développement, il choisit d’émigrer aux Etats-Unis. Il s’installe dans la Silicon Valley. Ebay ne tarde pas à reconnaître le potentiel de sa société qui avait déjà noué des partenariats avec 250 opérateurs téléphoniques dans 45 pays. Au sein de PayPal, le succès semble toujours le poursuivre, puisque l’entreprise voit le montant des transactions quasiment doubler dans l’unité qu’il dirige. Le défi sera désormais pour cet incurable innovateur de réussir à transmettre cet esprit à une structure d’une structure cent fois plus lourde que celles qu’il avait l’habitude de diriger.
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INTERVIEW

«Je voulais juste réussir ce que j’entreprenais»

David Marcus revient sur les grandes étapes de sa carrière et raconte son rêve américain.

Lorsque vous avez lancé GTN en 1996, vous attendiez-vous à une telle carrière?

On ne se pose pas tellement ce genre de question, on avance et on fait ce qu’on à faire. Je n’avais pas nécessairement de vision très précise d’où je comptais atterrir.

Diriger une grande entreprise n’était donc pas un rêve de jeunesse?

Pas nécessairement. Je voulais juste réussir ce que j’entreprenais. A l’époque de GTN, cela consistait à obtenir une place dominante sur le marché libéralisé des télécoms. Avec Echovox, c’était de fournir des services innovants sur le mobile. La direction d’une grosse société dans le paiement ne faisait alors pas partie des plans.

Comment expliquez-vous le succès de Zong, qui vous a permis de parvenir là où vous êtes aujourd’hui?

C’était une question de timing. Les opérateurs de téléphonie se sont mis à lâcher du lest et à autoriser l’emploi du téléphone pour des contenus et des services comme le paiement, qui n’étaient pas directement liés au mobile. Au même moment, les jeux en réseaux décollaient. La solution Zong réduisait les frictions causées par l’acte de paiement dans ce type d’environnement. Je suis arrivé au bon moment, au bon endroit avec le bon produit. Mais pour l’anecdote, j’ai dû batailler pour convaincre le conseil d’administration d’Echovox d’accepter mon départ aux Etats-Unis. La société venait de tripler son chiffre d’affaires et j’annonçais qu’il était temps de tout quitter pour lancer un produit que personne ne connaissait et dont on ignorait s’il allait marcher.

Il fallait quitter la Suisse pour y parvenir?

La Silicon Valley est un endroit unique au monde dans notre secteur. Même les gens de New York n’ont pas le même impact s’ils restent à New York. La décision d’emménager là-bas était donc vraiment déterminante.

Qu’est-ce que vous y avez trouvé?

En pourcentage de la population, on y trouve probablement autant d’entrepreneurs technologiques que de banquiers à Genève. L’environnement a été créé de toute pièce pour favoriser l’innovation technologique. La Silicon Valley réunit des investisseurs, des ingénieurs, des responsables produits, venus du monde entier pour changer le monde.

Comme vous?

Oui!

Qui sont vos modèles en la matière?

Quand on est ici, il est difficile de ne pas revenir à la figure de Steve Jobs. Je me sens proche de sa manière de refuser les concessions sur la vision et l’expérience utilisateur. C’est un facteur très important à mes yeux, surtout dans une grande entreprise où la tendance à faire des compromis sur la qualité du produit est plus prononcée.

Partagez-vous aussi son style de management?

J’aime bien montrer l’exemple. Je ne peux pas demander à mes employés de faire des sacrifices que je ne suis pas prêt à assumer moi-même. J’essaie de rester à leurs côtés durant les périodes chargées.

Faut-il impérativement quitter la Suisse pour réussir si l’on est un jeune entrepreneur technologique suisse?

Le premier problème avec la Suisse, c’est la taille du marché et son multilinguisme. Je l’avais bien compris à l’époque de GTN, quand on avait lancé le service résidentiel. Gérer trois langues et trois cultures différentes dans un pays qui ne compte pas plus d’habitants que la baie de San Francisco, c’est compliqué. Or, l’innovation a besoin de se déployer à grande échelle pour atteindre le succès. En Europe, il faut donc trouver un territoire plus étendu comme la France ou l’Allemagne. Mais cela implique de faire des choix, car une petite entreprise ne peut pas couvrir une multitude de marchés. Interviennent aussi dans l’équation les questions de capitaux et de talents. La Suisse forme des talents en ingénierie de pointe mais ceux-ci ne privilégient généralement pas les start-ups.

Est-ce pour autant aisé pour un étranger qui ne parle pas forcément parfaitement la langue de s’intégrer dans la Silicon Valley?

J’ai la chance que l’anglais soit ma deuxième langue maternelle. Mais on trouve ici beaucoup d’exemples d’immigrés qui ont réussi, à commencer par Max Levchin, le fondateur ukrainien de PayPal. Une multitude d’événements permettent de nouer des contacts entre entrepreneurs technologiques. On croise les mêmes personnes à plusieurs reprises, qui vous présentent leurs connaissances. Le réseau se développe donc assez rapidement. Il y a aussi une forme de solidarité entre entrepreneurs technologiques et notamment entre expatriés.

Dans une réussite comme la vôtre, quel rôle la chance joue-t-elle?

Dans une carrière, différentes opportunités se présentent. Il s’agit alors d’être suffisamment clairvoyant pour les reconnaître. On voit souvent des gens qui sont passés à côté. Je lisais récemment un article consacré à une des associés d’Apple, qui était là au tout début et qui a vendu ses actions pour 200’000 dollars à l’époque. Elles en pèseraient aujourd’hui 5 ou 6 milliards…

Pour quelles raisons John Donahoe, le patron de Ebay, vous a-t-il choisi pour ce poste?

John et le conseil d’administration de Ebay voulaient ramener un esprit entrepreneurial et d’innovation au sein de PayPal. L’entreprise fonctionne bien mais elle se trouve à une étape cruciale de son développement et doit relever un certain nombre de défis stratégiques. Il faut notamment trouver le moyen de capter le marché du paiement hors ligne en magasin et innover de manière plus agressive autour du mobile.

Ce seront vos principales missions à la tête de l’entreprise?

L’une des principales tâches que je m’assigne c’est de développer une expérience utilisateur disruptive qui provoque un effet d’émerveillement lors de l’utilisation de nos produits, ce qui n’est pas nécessairement évident dans le domaine du paiement. Faire du shopping, c’est agréable, mais passer à la caisse ça l’est moins. Il s’agit donc de rendre cette expérience la plus transparente possible et débarrassée de toute friction. Ce type d’expérience concernera aussi bien internet, que le téléphone, ou les magasins hors ligne. Notre tâche consiste à permettre aux PME de développer leurs affaires.

S’agit-il vraiment de donner du plaisir ou juste de supprimer les désagréments de l’acte de payer par davantage de fluidité et de rapidité ?

Dès le moment où l’expérience est améliorée, on peut ressentir une forme de plaisir. C’est déjà le cas aux Etats-Unis, en Australie et à Hong Kong, avec le lancement de PayPal Here. Celui qui possède l’application sur son mobile peut faire un check-in dans le magasin où il s’apprête à entrer. Nous avons par exemple un partenariat avec une chaîne de stations-services où le client peut réserver sa pompe à l’avance. Grâce à la géolocalisation, celle-ci se débloque au moment où on s’en approche avec son véhicule. Plutôt cool non?

Diriger une grande entreprise américaine quand on a travaillé au sein de petites structure en Suisse, j’imagine que cela change la vie, à quoi ressemble la vôtre aujourd’hui?

Le principal changement a été mon déménagement aux Etats-Unis, qui s’est révélé plutôt facile. La seule complication réside dans les formalités d’immigration. Mais de manière générale, les gens d’ici sont accueillants et on y retrouve beaucoup d’expatriés. J’ai emménagé pas loin de Palo Alto. La vie californienne est plutôt agréable même si on travaille beaucoup, ce qui en fait n’a pas représenté un changement fondamental pour moi.

Combien d’heures par jour?

Je ne calcule plus. Surtout qu’il est difficile de dire quand on s’arrête. L’environnement est en ce sens très différent de ce que je connaissais en Suisse. Le travail fait vraiment partie intégrante de la vie. Ainsi, même dans la vie sociale, on a tendance à parler travail plutôt que politique étrangère par exemple.

Et à la tête de PayPal?

Ce qui change quand on passe d’une petite à une plus grande entreprise, c’est le programme quotidien. L’agenda se remplit très vite. Je m’en étais déjà rendu compte quand j’ai vendu Zong à PayPal et que j’ai rejoint le département mobile. Le rythme des rencontres devient beaucoup plus élevé. L’autre différence c’est que dans une start-up, on garde le contrôle sur tous les éléments de l’entreprise. Dans une grande entreprise, il faut influencer, donner la stratégie, le ton, et faire en sorte d’avoir les bons talents aux bons postes. L’innovation se fait davantage à travers les collaborateurs que par soi directement.
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David Marcus en quelques dates

1973: Naissance à Paris.
1981: Arrivée à Genève avec sa famille.
1996: Fonde l’opérateur télécoms GTN à Genève.
2000: Vend GTN et lance Echovox.
2005: Lancement d’echo6, une joint-venture avec la chaîne de télévision M6.
2008: Part en Californie et lance Zong.
2009: Zong signe un contrat avec Facebook pour gérer les paiements sur le réseau social.
2011: Vente de Zong à Ebay par l’intermédiaire de sa filiale PayPal. Devient vice-président du mobile chez PayPal.
2012: Nommé nouveau président de PayPal en remplacement de Scott Thompson, parti chez Yahoo.
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PayPal: une caisse enregistreuse lucrative

Fondée en 1998 par le jeune surdoué Max Levchin, le célèbre homme d’affaires Peter Thiel et Elon Musk, PayPal entre en bourse en 2002 et ne tarde pas à être racheté par le site de vente aux enchères Ebay. Sa solution offre un environnement de paiement sécurisé qui facilite le commerce en ligne. La société, qui annonce un chiffre d’affaires de 4,4 milliards de dollars en 2011, emploie 12’000 collaborateurs. Elle a traité l’an dernier un volume de transaction de 118 milliards de dollars, en progression de 30% par rapport à l’exercice précédent. 18% du commerce électronique mondial fonctionne avec PayPal. Les paiements via téléphone portable sont en forte croissance: ils sont passés de 150 millions de dollars il y a quatre ans, à 4 milliards en 2011 et devrait s’élever à 7 milliards en 2012.
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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.