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Comme un vol de Gripen au-dessus d’une résidence secondaire

A défaut d’une Suisse sans armée, une armée sans Rafales pourrait apparaître comme un moindre mal. A l’image d’un pays discret, retrouvant sa modestie et un tourisme à visage humain.

Est-ce vraiment folie que de choisir la variante la moins chère d’un objet dont on est à peu près sûr qu’il ne servira à rien? L’incurie n’aurait-elle pas été plutôt d’opter pour les avions hors de prix proposés par des pays qui nous sont de plus en plus hostiles, comme la France et l’Allemagne? Et hostiles sur des questions autrement plus vitale pour notre économie – secret bancaire, autonomie fiscale – que le bon plaisir de quelques cheffaillons galonnés et d’une poignée de lobbyistes aussi gourmands que cyniques?

Ueli Maurer n’est peut-être pas un politicien à l’aura éclatante ni à la vision spécialement large et subtile, mais sur cette question précise s’est-il vraiment comporté, comme il a été dit partout, en dernier des zozos? A défaut d’une Suisse sans armée, une armée sans Rafales ne pourrait-elle pas apparaître comme un moindre mal?

Et le Gripen comme un avion à notre taille, à notre image. Poussif peut-être mais sérieux, neutre, économe, sans chichi ni tape-à-l’œil. Modeste, en somme, avec son réacteur unique, quand ses bravaches concurrents en arboraient virilement et bruyamment deux.

Cette même voracité capricieuse, ce même syndrome des yeux plus gros que le ventre, on le retrouve à l’œuvre chez les promoteurs valaisans. Rendus quasi fous, nos maquereaux des cimes blanches, par une initiative Weber sur la limitation des résidences secondaires rédigée certes au rouleau décompresseur. Est-ce une raison pour crier à longueur de pages, dans un Nouvelliste transformé en organe officiel des bétonneurs associés, à la fin du monde ou quasi en cas de oui le 11 mars?

Pour l’attentat en tout cas perpétré contre de malheureuses et valeureuses hordes de montagnards, on repassera. Cela fait longtemps qu’une écrasante majorité de valaisans habitent la plaine et ne vivent pas du tourisme intensif. Ceux qui ont à perdre lourd dans cette histoire? Une poignée de promoteurs, d’architectes, d‘entrepreneurs et de notaires se partageant l’essentiel du gâteau de la surchauffe.

Avec en sus, très rodé, l’habituel chantage à l’emploi, tarte à la crème de l’argumentation politique et manière sans réplique d’interdire tout débat. La mafia aussi crée des emplois. En demeure-t-elle pourtant une fatalité recommandable?
En attendant, les hardis bâtisseurs hurlent, au nom du fédéralisme, au droit de faire ce qui leur chante sur leurs alpages. Comme si le Valais n’était pas aussi, oh rien qu’un petit peu, une partie du territoire suisse.

Comme si, aussi, les communes n’avaient pas largement fait la démonstration de leur faible capacité à mettre en place un développement maîtrisé. Non pas par atavisme ni par vilenie foncière mais par le simple fait de se retrouver très souvent, en matière immobilière, juge et partie. Avec comme à Nendaz, qui semble s’être lancé le défi de rattraper Verbier dans la frénésie bâtisseuse, un président de commune à la tête, dans le privé, d’une grosse entreprise …d’échafaudages.

C’est d’ailleurs de Nendaz que vient le seul parlementaire fédéral valaisan à soutenir l’initiative Weber, le conseiller national Stéphane Rossini. Un oui tout sauf tonitruant, un «oui de désaccord » comme il le dit lui même, concédant que «l’initiative est mauvaise» mais qu’il y a pire: le canton «qui ne fait pas son travail et les autorités communales non plus, car elles défendent des intérêts particuliers».

Ce oui plus que mesuré de Rossini, c’est encore trop pour un Christophe Darbellay, qui l’assimile quasi à de la délinquance: «Je regrette qu’il y a autant de Nendards…et de Nendards PDC, qui aient voté pour lui. Son attitude relève de la traitrise.» A lui seul Darbellay semble prouver les effets sévères et stupéfiants que provoque en Valais l’initiative Weber sur les cerveaux supposés pourtant les plus tempérés.

Le président du PDC suisse va ainsi jusqu’à dépasser dans l’outrance ses vieux ennemis de l’«Alliance des Alpes», – l’aile droite et montagnarde du PDC valaisan – dont il reprend soudain les poncifs les plus paranoïaques: «La plus grande attaque contre la montagne depuis longtemps… la prochaine étape sera la nationalisation des eaux.» En attendant sans doute l’obligation de repeindre les vaches d’Hérens en rouge Simmenthal.

Le plus désolant dans cette affaire est de voir l’élite politico-économique de tout un canton se montrer incapable, unanimement, d’imaginer un tourisme autre qu’intensif, forcené, à rendement maximal et immédiat et de présenter cette brutale façon de faire comme la seule alternative au chaos. De la même manière que sans Rafales, l’armée suisse ne serait plus qu’une amicale de joyeux guignols.