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Le putsch des banquiers

large211111.jpgManifestement, le Cavaliere était fatigué ces derniers temps. Les bunga-bunga sans doute. A la longue, ces jeunesses finissent par te pomper les énergies vitales. Mais aussi les misères faites à son ami Kadhafi, pas bonnes du tout pour l’amour-propre. Sans parler des agences de notations qui d’un coup de crayon te vident les caisses d’un Etat aussi sûrement qu’une volée de moineaux les miettes d’une terrasse au moment du café croissant.

Le fait est que Silvio Berlusconi n’a, semble-t-il, pas vu venir le putsch des banquiers. Certes, les Merkozy râlaient sec depuis quelques semaines. Il avait été ostensiblement snobé au dernier sommet du G20. Même le Vatican avait osé quelques réserves morales.

Mais pas de quoi impressionner un homme comme lui, capable de gouverner «à temps perdu» son «paese di merda», comme il aimait à dire. Il avait beau s’esclaffer en remettant à Mario Monti la petite clochette qui gendarme les conseils des ministres, le cœur n’y était pas. Une belle défaite électorale aurait été moins humiliante que ce congédiement tout au plus digne d’un valet. Sous les yeux de son digne et onctueux vainqueur, Giorgio Napolitano, cet horrible communiste devenu président de la République.

Pourtant, Berlusconi avait été averti. Il y a en effet eu putsch, avec le consentement du président Napolitano qui nommait en vitesse Mario Monti sénateur à vie quelques heures avant de lui confier la formation d’un nouveau cabinet.

On en saura plus quand les fils de l’imbroglio auront été démêlés. Pour le moment, c’est le propre journal du Cavaliere, le quotidien Il Giornale, qui dénonce le complot. C’est normal, direz-vous. Ce qui l’est moins, c’est d’avoir consacré sa une le 24 juillet dernier à un complot ourdi par quelques banquiers malintentionnés. En donnant le nom de Mario Monti comme futur président du Conseil. En ajoutant celui de Corrado Passera comme homme fort du nouveau cabinet.

Le journal ajoutait en outre que si le coup marchait bien, ces deux hommes pourraient se partager le pouvoir après les élections présidentielles et législatives de 2013: Monti à la présidence de la République et Passera à la tête du gouvernement.

Le journaliste du Giornale se pose en plus la question qui tue: il ne faut pas nous prendre pour des imbéciles, si Passera quitte sa banque et ses six millions d’euros de salaire, ce n’est tout de même pas pour faire pendant quelques mois par pur patriotisme le ministre à 150’000 euros.

C’est ainsi que l’Italie se retrouve avec un gouvernement «technique» de quinze messieurs et trois gentes dames dont la moyenne d’âge dépasse les 63 ans. C’en est fini des jeunes loups et des affriolantes ministresses.

Pour faire bonne mesure, ce gouvernement prétendument apolitique ne compte pas moins de onze professeurs d’université, dont trois recteurs! En lisant les notices biographiques, on constate qu’ils sont proches d’une mouvance de centre un peu gauche animée par Romano Prodi, ancien président du Conseil, grand spécialiste du développement industriel à l’époque de la démocratie-chrétienne.

D’ailleurs la componction avec laquelle l’équipe pose devant les photographes dénote de manière caricaturale leur empathie pour l’Eglise, ses prélats et ses bénitiers.

Dans cette mouvance, outre la présidente du patronat, on retrouve aussi Carlo Di Benedetti, ennemi intime de Berlusconi, à qui il n’a jamais pardonné de lui avoir piqué il y a vingt ans la maison d’édition Mondadori dans des conditions que la justice cherche encore aujourd’hui à éclaircir. A l’époque, le patron de la Mondadori n’était autre que Corrado Passera, ministre vedette du nouveau gouvernement!

La nouveauté des visages de ce gouvernement (même Monti n’a rien d’un people du gotha politique) suscite de prime abord un trouble qui ne se dissipe qu’au moment où l’on comprend leur origine et ce qui les unit. Ce sont d’authentiques représentants de la vieille bourgeoisie capitaliste italienne.

Il n’est pas étonnant qu’ils nous surprennent: ils ont été éjectés du pouvoir depuis la première guerre mondiale et n’y sont jamais revenus en tant que classe. Certains d’entre eux (les Agnelli) ont certes servi la démocratie-chrétienne à titre individuel, mais c’est tout.

Le fascisme, puis les partis de masse issus de la résistance, le berlusconisme et la Lega chère aux petits entrepreneurs, n’ont politiquement rien à voir avec cette bourgeoisie qui pendant un siècle a cherché à faire fructifier discrètement son patrimoine et à maintenir une certaine idée de l’Italie triomphante du Risorgimento. Il est d’ailleurs intéressant de voir que plus de la moitié de ce gouvernement vient du nord-ouest (Milan/Turin) au détriment de Rome et du Mezzogiorno.

Le Piémont est connu pour sa modération, son aisance et son moralisme. Ce gouvernement de bourgeois «per bene» est à son image. S’il parvient à braver la tempête, à résister aux assauts des marchés comme à ceux des berlusconiens et des léguistes, il redonnera peut-être une certaine joie de vivre à un pays déprimé. Mais cela ne sera pas facile.

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Gérard Delaloye a créé un blog à l’enseigne du viagra and cialis combo pack où il confronte ses expériences suisses et roumaines.