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Produire un foie avec un rein, bientôt une réalité

Une équipe lausannoise a créé de la peau à partir de cellules du thymus. Une réussite qui ouvre la porte à de nouvelles applications dans le domaine de la médecine régénérative. Explications.

large111111.jpgCréer un nouveau foie à partir d’un morceau de rein, un pancréas à partir d’un testicule? Cette idée étonnante — produire un organe à partir d’un autre — nourrit les espérances de la médecine régénérative, qui par tous les moyens cherche à résoudre le problème de la rareté des dons ainsi que celui du rejet des greffes.

C’est aussi le rêve d’une équipe réunissant des chercheurs du CHUV, de l’UNIL et de l’EPFL. «Nous avons créé l’an dernier de la peau à partir de cellules du thymus», explique Yann Barrandon, qui dirige le Laboratoire de dynamique des cellules souches.

Pourtant, le thymus n’a à priori rien en commun avec la peau. Cet organe situé dans la cage thoracique joue un rôle clé dans le système immunitaire. Pour réaliser leur prouesse, les biologistes ont d’abord prélevé sur le thymus d’un rat quelques cellules souches, ces cellules génériques trouvées dans certains organes et capables de renouveler leurs tissus. Ces dernières ont ensuite été injectées dans la peau d’un bébé souris. «Des signaux présents dans ce milieu ont transformé les cellules thymiques en cellules souches de la peau, capables à leur tour de créer des poils, de l’épiderme et des glandes», décrit le chercheur.

Meilleure peau artificielle

Cette avancée pourrait à l’avenir améliorer les greffes pratiquées pour traiter les grands brûlés. Les brûlures au troisième degré tuent les cellules souches de la peau, qui en temps normal renouvellent l’épiderme en permanence. Un traitement déjà couramment utilisé consiste à cultiver des cellules souches prélevées sur le patient pour créer un épiderme artificiel, puis à le greffer. Seulement, cette technique ne permet pas de reconstituer trois composants essentiels: les glandes sudoripares qui font transpirer la peau, les glandes sébacées qui la graissent pour éviter son dessèchement, ainsi que les poils. Etonnamment, cette limitation ne touche pas les cellules souches tirées du thymus, rendant leur potentiel médical d’autant plus important.

L’expérience lausannoise démontre qu’il est possible de reprogrammer intégralement des cellules souches en les exposant à un nouvel environnement. «De nombreux chercheurs essaient de changer la nature des cellules souches en manipulant directement leurs gènes, dit Yann Barrandon. Cette procédure risque de provoquer des effets secondaires comme des tumeurs. Pour les applications cliniques, il sera plus prudent d’agir sur l’environnement.»

A terme, la technique pourrait être utilisée pour créer d’autres tissus. Yann Barrandon compte transformer les cellules souches du thymus en cellules souches du pancréas. L’enjeu: guérir le diabète en régénérant les cellules qui produisent l’insuline.
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Une version de cet article est parue dans CHUV Magazine.