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L’échec des riches et des xénophobes

Quand les enjeux sont concrets et les questions pertinentes, le bon peuple ne cède pas à la peur. La preuve par les scrutins régionaux.

011210.jpgMalgré certaines apparences le week-end électoral du 26 novembre a tout de même accouché de deux bonnes nouvelles: la défaite des xénophobes et celle des riches.

Bon d’accord, c’est dans des scrutins locaux qu’il faut chercher ces deux évènements contraires à la tendance nationale ayant plébiscité le renvoi automatique des criminels étrangers et renoncé, encore plus largement, à surtaxer les gros contribuables.

On note d’abord à Saint-Gall, où l’initiative UDC atteint allègrement les 59%, l’échec pourtant très net essuyé par le candidat UDC à une élection partielle au Conseil d’Etat: 40% contre 60% à son adversaire démocrate-chrétien.

Comme si au moment de confier les responsabilités réelles, exécutives du pouvoir, le bon peuple se mettait soudain à prendre les représentants de l’UDC pour ce qu’ils sont. Des opportunistes tout sauf fiables. Des bravaches qui sonnent fort mais creux. Des Tartarin des urnes déconnectés de la réalité, eux qui accusent sans cesse leurs adversaires de ce péché majeur.

Pour les têtes pensantes de l’UDC, les étrangers ne sont pas des gens, mais, selon le mot même d’Yvan Perrin, «une thématique porteuse», modulable dans tous les sens au gré du vent et du moment.

A venir donc et à bouillir dans la marmite UDC, selon un inventaire établi par «Le Temps»: «La question de la libre circulation des personnes et des conséquences de l’accord de Schengen sur l’augmentation de la criminalité, notamment à Genève.» Ou encore «le lancement possible d’initiatives pour renforcer les conditions de la naturalisation, limiter l’immigration ou serrer encore la vis à la politique d’asile». Sans oublier une possible «initiative sur le durcissement du code pénal avec la réintroduction des courtes peines privatives de liberté».

Autre indice de ce déni blochérien de réalité: l’aveu dans «24 heures» du concepteur — allemand! — des fameuses affiches aux moutons noirs, qui revendique en matière de communication le joli principe du KISS — Keep it simple and stupid, à savoir «reste simple et stupide». On comprend mieux dès lors pourquoi les UDC échouent régulièrement à se voir confier les clefs très, trop concrètes des ménages cantonaux. Pas sérieux s’abstenir, leur signifient chaque fois ou presque les électeurs. Porter au Conseil d’Etat un poète de pissoir ou un rustre incapable de respecter une conseillère fédérale à Infrarouge, vous n’y pensez pas.

Quant aux riches, que le peuple n’a pas voulu ponctionner au niveau national à travers l’initiative fiscale socialiste, ils ont passé en revanche un sale quart d’heure du côté de la Tour-de-Peilz. Avec un oui franc à l’initiative prônant un accès libre aux rives du Lac.

La municipalité était contre. Ses membres pleurnichent aujourd’hui avec une remarquable pusillanimité devant la tâche qui les attend. A savoir se coltiner la mauvaise volonté de 28 propriétaires pieds dans l’eau: «Il va être extrêmement difficile d’obtenir l’assentiment de tous, ce sera un très long cheminement.»

Ah ben oui, malheureusement: la politique ne consiste pas à défendre à tout prix les intérêts d’une infime minorité de privilégiés contre le reste de la communauté.

Ce vote boéland montre aussi que lorsqu’il s’agit de vraies, de saines valeurs — l’accès libre aux rives de nos lacs, dont 50% en Suisse sont accaparées par des privés — le bon peuple ne craint pas de faire la nique aux puissants. Mais dès qu’on touche à des questions d’argent ou de sécurité, le même peuple frondeur se met à trembler comme un lapin, ou plutôt un mouton blanc.

D’ailleurs même les ténors de l’UDC ont aussi deux faces. On en voit même, redescendant de leur estrade idéologique, redevenir soudain des gens normaux, c’est-à-dire pensant contre l’UDC. Et prenant les êtres pour des êtres, non plus pour «des thématiques porteuses».

Ainsi Oskar Freysinger, dimanche soir, se laissant aller, au milieu des fanfaronnades habituelles, à cet petit constat: «Je suis pour le mélange qui apporte enrichissement culturel et génétique à la Suisse. En Valais on sait ce qu’est la consanguinité.» On ne dira jamais assez, en effet, tout le bien qu’une pinte de bon sang autrichien a pu faire chez les crétins saviésans.