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Le mot du jour: xénophobie

L’UDC ne prend quasiment plus de précautions dans sa manière de stigmatiser l’altérité. Elle dissout ainsi le concept de xénophobie dans celui de racisme. Notre chroniqueur dénonce.

L’UDC possède une vertu qu’on lui reconnaît trop rarement. Elle crée du sens. En poussant les lexiques au renouvellement. Voilà le bénéfice collatéral de ses initiatives récurrentes sur le thème des immigrés. Ces jours-ci, par exemple, quelques jours avant le 28 novembre, elle achève de dissoudre le concept de xénophobie dans celui de racisme.

Dans l’Encyclopædia Universalis, l’essayiste franco-tunisien Albert Memmi donne une définition vigoureuse de ce dernier terme. Il désignerait «la valorisation généralisée et définitive de différences biologiques, réelles ou imaginaires, au profit de l’accusateur et au détriment de sa victime, afin de justifier une agression.» Le racisme serait donc chargé d’une violence dépassant largement l’ordre symbolique: il induirait des actions collectives ou guerrières aux dépens de populations disqualifiées par leur nature présumée.

La xénophobie, de son côté, serait plus douce. Nous ne serions pas ici, comme avec le racisme, en présence d’un phénomène postulant une hiérarchie des races. Le Petit Robert la définit simplement comme «une hostilité à ce qui étranger». Et Robin Oakley, expert en migrations mandaté par le Conseil de l’Europe, comme un rejet «systématique autant qu’irrationnel à l’égard d’une ou plusieurs personnes, essentiellement motivé par leur nationalité, leur culture, leur genre, leur religion, leur origine géographique ou leur idéologie».

C’est à ce stade que l’UDC revient dans notre sujet, en nous faisant comprendre que son action tend depuis des années à pousser les foules helvétiques dans le racisme pur et simple. On peut imaginer l’évolution des choses d’étape en étape. A la première d’entre elles, vous avez la Suisse en tant qu’Etat démocratique idéal: il réserve certains droits à ses citoyens, bien sûr. Mais il le fait en conséquence de sa compétence territoriale et des droits de propriété dont ses citoyens disposent. Nous sommes dans le juste et dans le naturel. Pour le reste, les principes de l’accueil et de l’ouverture à l’Autre règnent.

A la deuxième étape, des xénophobes apparaissent. Ils préfigurent ce qui deviendra le fonds de commerce électoral de l’UDC. Leur action? Infléchir la culture de l’Etat démocratique idéal pour instituer une forme de patriotisme sous-tendue par la détestation de l’homme pour l’homme du dehors. On proscrit tout ce qui ne semble pas de chez soi. Des stéréotypes s’établissent alors dans l’esprit collectif, nés de généralisations sans fondement, de rumeurs et d’incompréhensions.

La troisième étape est celle que nous connaissons depuis quelques années, et dont la gravité ne cesse de s’aggraver. Elle donne à voir l’UDC manipuler, avec une violence croissante, les motifs de la méfiance populaire vis-à-vis de l’étranger. Par exemple, en ne prenant quasiment plus de précautions dans sa manière de stigmatiser l’altérité — qu’elle insulte d’une part indirectement, en trafiquant le matériau photographique de ses images pour instituer ces dernières en archétypes du répulsif, d’autre part directement, en accablant les immigrés problématiques de «Dehors!» hurlés.

C’est l’aboutissement du travail sémantique accompli par le parti de Blocher: dissoudre les nuances langagières dans la haine réflexe. De quoi ratatiner aussi les dictionnaires.