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Décryptage ADN pour tous: la course est lancée

Une poignée de firmes luttent sur le marché des analyses génétiques, où les innovations se succèdent à une vitesse effrénée. En ligne de mire: la médecine personnalisée et le génome individuel. Présentation d’un marché qui définira notre futur.

Trois milliards de dollars en 2000, 10’000 dollars en 2010. La réduction extraordinaire du coût du décryptage de l’ADN complet de l’homme préfigure une révolution à la hauteur de l’arrivée d’internet: l’ère de la génétique et de la médecine personnalisée, un nouveau paradigme qui fait saliver les pharmas. Ce bond technologique devrait permettre de déterminer chez quels patients un certain médicament peut fonctionner.

Le nerf de la guerre est le décryptage (ou séquençage) de l’information génétique. Les instruments de nouvelle génération parviennent désormais à lire rapidement non pas seulement des génomes partiels, mais des ADN entiers composés de milliards de bases (les molécules encodant l’information génétique et baptisées A, C, T et G). Pour équiper les labos de recherche qui tournent à plein régime, une poignée de firmes américaines développent et vendent des machines complexes, dont la valeur dépasse le demi-million de dollars: Illumina, Life Technologies ou encore 454 Life Sciences (acquise en 2008 par Roche).

Un secteur à haut risque
Le marché est actuellement estimé à quelque 2 milliards de dollars. Pour qu’il grandisse encore, le volume doit augmenter plus rapidement que les prix ne chutent… Entre 2003 et 2006, sa valeur avait d’ailleurs stagné en dessous du milliard. «Le marché va se développer mais il est difficile de déterminer à quelle vitesse, estime Derik de Bruin, analyste biotech chez UBS. A court terme, c’est un domaine à haut risque. Les labos de recherche publique, par exemple, dépendent de financements gouvernementaux qui sont touchés par la crise.»

Les avancées technologiques sont extrêmement rapides et la compétition est ardue. Les rachats, fusions et spin-out se sont succédé avec un rythme soutenu. «D’après la taille du marché, je pense qu’il y a de la place pour deux ou trois acteurs principaux, commente Chris Mc Leod, CEO de 454 Life Sciences. Mais la technologie n’est pas tout, et elle continuera d’évoluer de toute façon. Il faut surtout se pencher sur le management et la stratégie de l’entreprise.» En l’occurrence, l’entreprise de Chris Mc Leod a rejoint le giron de Roche, une pharma qui a clairement annoncé son intérêt pour le domaine du diagnostic, en particulier basé sur l’ADN.

«Nous voulons systématiquement incorporer les techniques de diagnostic dans le développement de nos médicaments, indique Claudia Schmitt, porte-parole de la firme helvétique. La médecine personnalisée se positionne au cœur de notre stratégie». Si ce nouveau paradigme soulève d’énormes espoirs, ils tardent néanmoins à se concrétiser, car la génétique s’avère plus complexe que prévu… Mais de toute manière, les labos de recherche continueront à séquencer à tour de bras, en particulier en oncologie pour analyser systématiquement les tumeurs chez des milliers de patients, cela dans l’espoir de trouver des nouvelles cibles thérapeutiques.

Boom des besoins informatiques
La génétique ne se développe de loin pas uniquement dans le domaine de la santé. Les biologistes séquencent espèce après espèce, les compagnies d’agro-business se penchent sur l’ADN des plantes et les éleveurs s’intéressent aux races de cochons qui s’engraissent rapidement…

«C’est une véritable arche de Noé qui est décryptée», résume Derik de Bruin d’UBS. «Le séquençage joue également un rôle important en bio-ingénierie, avec le but de développer des bactéries capables par exemple de produire du bio-fuel ou des plastiques», ajoute Chris Mc Leod de 454 Life Sciences.

Ce mouvement entraîne une activité secondaire: le traitement informatique nécessaire pour interpréter les résultats. «L’analyse par ordinateur est devenue un goulet d’étranglement, souligne Chris Mc Leod. Les vrais coûts du séquençage se sont déplacés des opérations chimiques à l’analyse des énormes quantités de données produites.» Ce marché reste encore aux mains des logiciels libres d’accès développés par les universités. Mais les titans de l’informatique sont déjà en embuscade. Google a investi en 2007 dans 23andMe, une compagnie qui commercialise des analyses génétiques rudimentaires. En ligne de mire du géant californien — et d’autres mammouths tels que General Electrics et IBM –, le marché de la santé électronique et des gigantesques bases de données de patients qu’il faudra gérer.
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Cap sur le génome à 1000 dollars

En janvier 2010, Illumina annonce la sortie de sa nouvelle machine capable de lire 25 milliards de bases d’ADN par jour, ce qui, selon son CEO Jay Flatley, placera le génome humain à moins de $10’000. Soit 100’000 fois moins cher qu’il y a dix ans…

Le coût des deux premières séquences quasi complètes du génome de l’homme, publiées simultanément en 2001, est estimé à 3 milliards de dollars pour l’effort public (le Human Genome Project) et 300 millions de dollars pour son concurrent privé menés par Craig Venter.

En 2007 sont annoncés les premiers génomes à la fois complets et individuels, obtenus à partir de l’ADN des deux pères fondateurs, qui s’offrent ainsi une place dans la postérité. Leurs coûts? Deux millions pour le génome de James Watson (qui avait lancé le Human Genome Project en 1990 et découvert la structure de l’ADN en 1953), décrypté par une machine de 454 Life Science. Le génome de Craig Venter, lui, revient à 70 millions et se fait sur un instrument d’Applied Biosystems, une firme qui deviendra Life Technologies en 2008.

Depuis, les annonces se succèdent: premier génome complet d’un Asiatique (par Illumina en 2008) et d’un homme de Néandertal (par 454 Life Sciences en 2008) ou encore d’une «femme non anonyme» (l’actrice Glenn Close, 2010, par Illumina). Avec l’effondrement des prix, les expériences de ce type vont redoubler. Complete Genomics annonce vouloir séquencer 5000 génomes en 2010, alors que le directeur d’Illumina, James Flatley, prédit qu’en 2019, une lecture complète de l’ADN sera devenue une routine pour chaque nouveau-né. Le coût d’un génome reste indicatif – il s’agit avant tout d’effets d’annonce. «On ne sait pas toujours ce qui est exactement compris dans ces prix: souvent, il s’agit uniquement du coût des réactifs sans inclure l’analyse des résultats», note Chris Mc Leod, CEO de 454 Life Science. Mais même si ces jalons restent arbitraires, la barrière psychologique de génome à 1000 dollars se rapproche à grands pas. Elle symbolise une chute des prix probablement sans précédent dans l’histoire de la technologie. Surtout, elle préfigure l’avènement du «génome pour tous».
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L’avis de Derik de Bruin, analyste chez UBS

«Avec l’acquisition de Solexa, la société Illumina a été la première à proposer des appareils de séquençage de nouvelle génération, qui offrent des rythmes de production élevés. Elle se trouve aujourd’hui en tête de ce secteur, avec la plus grande part de marché et une technologie de pointe. Illumina a récemment annoncé la commande de 51 nouveaux appareils par le Board Institute d’Harvard et le MIT. Nous maintenons notre recommandation d’achat.»

«Nous conseillons aussi Life Technologies, qui vend également des plateformes de séquençage de nouvelle génération. Cette entreprise est mieux diversifiée: 80% de ses ventes sont réalisées avec des réactifs chimiques utilisés non seulement dans ses appareils, mais également pour de nombreuses opérations effectuées lors de la recherche en biologie moléculaire, ce qui représente un marché plus stable. Life Technologies est également très solide dans le domaine du séquençage partiel, utilisé pour les analyses forensiques et les tests diagnostics.»

«Nous avons un rating neutre pour Affymetrix. Ils ont été pionniers du décryptage partiel avec leurs produits basés sur les microarrays, mais ils ne démontrent pour l’instant aucune perspective pour se se tourner vers les instruments de séquençage de nouvelle génération. Ceux-ci ne remplaceront probablement pas les microarrays, mais devraient en tout cas empêcher leur croissance.» «De manière générale, il s’agit d’un marché risqué où les technologies évoluent très rapidement. Les commandes d’appareils dépendent en partie des financements de la recherche publique, mis à mal par la crise financière. La transition vers un marché commercial plus appliqué que la recherche est encore balbutiante et les consolidations représentent un risque supplémentaire.»
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Une version de cet article est parue dans Swissquote Magazine (no 4)