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Logitech mise sur la télévision du futur

Le leader mondial des périphériques tourne une nouvelle page de son histoire en s’associant à Google et Intel pour le lancement d’une plate-forme de télévision numérique. Daniel Borel, fondateur, raconte ce qui fera le succès de son entreprise demain.

«Google s’attaque à la télévision!» Il y a quelques semaines que la rumeur bruissait sur le web. Le 20 mai dernier à San Francisco, Eric Schmidt, CEO de Google, présentait enfin la Google TV, un système intégrant un accès internet et une interface facilitant la consultation — et bien sûr la recherche — de vidéos et de programmes à la demande, sur son téléviseur. Schmidt n’était pas seul sur scène. Il était entouré des représentants de Sony, Intel, et de Logitech. La plate-forme Google TV, qui fonctionne sur le système Android et le navigateur Chrome développés par Google, sera intégrée dans les futurs téléviseurs Sony. Elle sera aussi commercialisée par Logitech sous la forme d’un «Companion», un petit boîtier compatible avec n’importe quel téléviseur HD. Relié à l’internet, le Companion fonctionne avec les accessoires sans fil de la marque (télécommandes, claviers, etc.), et permettra aussi de brancher une caméra HD pour transformer sa télé en système de vidéo-chat. Le leader mondial des périphériques, dont le siège est à Morges (VD), compte développer ainsi sa présence dans la maison digitale. Daniel Borel, fondateur de l’entreprise, détaille cette stratégie.

Pourquoi est-ce important que Logitech se profile dans le secteur de la télévision numérique?

Tout simplement parce que la Google TV va révolutionner notre façon de regarder la télévision. Aujourd’hui, on doit se contenter de passer d’une chaîne à l’autre, au mieux d’enregistrer un programme. Reliée à l’internet, la télévision permet de faire bien plus: films à la demande, vidéos sur YouTube ou sur Facebook, jeux en ligne… Avec la souris, Logitech avait simplifié l’accès au monde digital par l’intermédiaire du PC. Dans le même ordre d’idée, et grâce à l’expérience que nous avons acquise, Logitech facilite l’accès aux contenus numériques du web par l’intermédiaire du boîtier Companion, qui rend n’importe quel téléviseur HD compatible avec Google TV.

Cela va-t-il repositionner Logitech dans un nouveau secteur?

Dans le monde numérique, on assiste souvent à des changements rapides d’acteurs industriels. Le monde du jeu vidéo a été redéfini par l’iPhone qui s’impose désormais comme une console portable. Même chose pour la musique qui, en se numérisant, fait la richesse d’Apple et non plus celle de Sony. On peut imaginer que le téléviseur devienne désormais un produit commercialisé par de nouveaux acteurs qui ne sont plus des fabricants d’écrans mais des intégrateurs de logiciels et de contenus. Depuis trente ans, Logitech poursuit la même vision: faciliter l’accès au monde digital par le biais de périphériques simples à utiliser. Cela s’est révélé concluant pour le PC et l’audio, il en ira de même pour la télévision.

Mais des produits comme l’iPhone ou l’iPad ne vont-ils pas fonctionner comme des sortes de «télécommandes universelles» de notre vie numérique, permettant de piloter musique, vidéos, puis toute la maison numérique? Ne sont-ils pas les nouveaux concurrents des produits Logitech?

Au contraire, ils représentent une opportunité formidable pour nos accessoires. Par exemple, les haut-parleurs Logitech sont l’accessoire iPhone le plus vendu dans le monde. Tout ce qui contribue à numériser la vie quotidienne est bénéfique pour nos produits. Nous ne jouons donc pas «contre» les acteurs de la vie numérique, mais «avec». Le succès de l’iPhone est clairement bénéfique pour nous, comme l’a été l’essor de l’internet autrefois.

L’entreprise a bien tenu face aux difficultés du secteur, notamment l’explosion de la «bulle internet» du début des années 2000. Par contre, la crise de 2008 l’a durement affectée.

L’internet a transformé l’ordinateur en produit de masse, et les accessoires, notamment les souris sans fil et les caméras, ont surfé sur cette vague. Pendant dix ans, nous avons accumulé les trimestres record. Par contre, nous avions subi une crise très importante au début des années 1990, quand Windows est arrivé sur le marché. Soudainement, les PC étaient vendus avec des souris, ce qui était une bonne nouvelle pour nous, mais le problème est que les prix ont chuté, car les clones fabriqués à Taïwan ont envahi le marché. Nous avons dû produire trois fois plus pour des prix divisés par deux. Le «Wall Street Journal» a annoncé notre «mort» en 1992. En 2008, nous avons pu bénéficier de notre expérience face à la crise. Nous avions déjà vu le mur une fois et nous avons réagi très vite, avant tout le monde. Nous sommes passés d’une progression du chiffre d’affaires de +18% sur avril-juin à -16% sur octobre-décembre. Les canaux de distribution ont rapidement cessé de s’approvisionner afin de limiter les stocks, avec une conséquence immédiate sur nos ventes. L’OEM (vente à des constructeurs d’ordinateur) ne représente plus que 10% de nos ventes, donc nous dépendons énormément des distributeurs. Nous avons licencié 650 colla-borateurs en janvier 2009.

Quel a été l’impact de la restructuration sur la stratégie?

Nous avons procédé à un recentrage de nos lignes de produits. Par exemple, nous avons arrêté les oreillettes sans fil pour les téléphones mobiles, un marché difficile pour nous car les canaux de distribution ne sont pas les mêmes que pour l’informatique, et les usagers achètent généralement des accessoires de la marque de leur téléphone. Nous avons aussi analysé nos différentes gammes, et réalisé (comme tout le monde) que 20% de nos produits génèrent 80% du chiffre d’affaires. Donc on s’est concentrés sur ceux-là, en réduisant l’offre. Nous proposons un nombre beaucoup plus restreint de déclinaisons de nos claviers et souris.

Avec l’essor des écrans tactiles, le futur de la souris semble incertain. A part la télévision, quels sont les autres produits sur lesquels mise Logitech?

Nous continuons d’investir dans l’audio: casques, haut-parleurs, etc. Nous avons par exemple racheté en 2008 l’entreprise Ultimate Ears, spécialisée dans les écouteurs haut de gamme. Et puis nous croyons à la démocratisation de la visioconférence, notamment pour les PME. Il y a longtemps qu’on en parle, mais elle devient une réalité. Des entreprises comme Cisco visent des systèmes haut de gamme pour plus de 200’000 dollars. Et Polycom des solutions à 20’000 dollars. Nous tablons sur l’entrée de gamme avec un produit intégré à partir de 2’000 dollars. Les internautes utilisent massivement Messenger et Skype, mais notre système va plus loin, et permet de dialoguer sur grand écran — y compris en intégrant plusieurs personnes sur un écran partagé — avec une qualité audio-vidéo très supérieure, toujours en utilisant une ligne internet classique. Nous avons racheté l’an dernier, pour 400 millions de dollars, l’entreprise LifeSize, au Texas, spécialisée dans ces plate-formes de visioconférence. Logitech va démocratiser cette technologie, en plein essor depuis que les considérations écologiques et économiques interviennent désormais en matière de voyages d’affaires.

Ecouteurs (Ultimate Ears), visioconférence (LifeSize), mais aussi Interface multiaxiales (3DConnexion), webcams (Labtec), télécommandes (Harmony), streaming audio (Slim Devices)… Le développement de Logitech passe presque toujours par des rachats. Est-ce à dire que c’est devenu votre force que d’intégrer des entreprises au lieu de développer des produits en interne?

Souvenez-vous que la souris a été développée à l’EPFL: depuis le début de son histoire, Logitech achète des technologies à des laboratoires ou des entreprises, et en industrialise ensuite la production. Le timing est devenu déterminant dans notre industrie. On ne peut plus se permettre de redévelopper entièrement une technologie. Les années que nécessite le développement suffisent pour que l’on perde pied face à la concurrence. Nous l’avons vu avec la souris optique: en 1996, on aurait pu racheter une filiale de Hewlett-Packard qui avait développé cette technologie. On a préféré mettre au point notre propre solution en collaboration avec le CSEM de Neuchâtel, et nous avons perdu beaucoup de temps. Cette expérience nous a appris à ne plus devenir otage de nos ingénieurs. Notre force, c’est de prendre une technologie, y compris venant d’une entreprise rachetée, et de la transformer en un produit de grande consommation, fiable, fabriqué en masse, et de le vendre à des prix compétitifs dans le monde entier. Nous produisons 100 millions d’appareils par année, dont nous assurons la fiabilité absolue (on ne se sépare jamais d’un appareil Logitech parce qu’il ne marche plus, mais parce qu’on en achète un nouveau). On se concentre sur cette compétence.

Vos équipes scannent-elles donc en permanence le marché pour déterminer les opportunités de rachat?

Avec le temps, cela devient plus facile car les entreprises et les ingénieurs qui ont des projets et des idées viennent nous voir spontanément. Mais nous gardons aussi les yeux ouverts. Notre approche consiste à racheter des entreprises pour acquérir des technologies novatrices et accéder à de nouveaux marchés. Pas pour faire des économies d’échelle en procédant à des licenciements massifs.

L’action Logitech est passée de près de 42 francs en janvier 2008 à moins de 18 francs au printemps 2009, soit une chute de plus de 55%… Comment jugez-vous la santé boursière de l’entreprise?

Comme vous le savez, la santé économique d’une entreprise ne se reflète pas toujours dans sa valeur sur les marchés… Il y a six ans, les analystes doutaient grandement de nos perspectives, et ils sont rassurés aujourd’hui. Je respecte leurs opinions, mais leur échelle de temps n’est pas la même que la nôtre. Nous avons pu faire croître la société en traversant une crise importante tous les quinze ans… donc on devrait être bon pour une quinzaine d’années!
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«De bonnes perspectives»

Les chiffres du quatrième trimestre ont conforté l’opinion favorable d’Alexander Peterc, analyste auprès d’Exane BNP Paribas. «Les résultats présentés en mai ont agréablement surpris, notamment avec une marge nette de 24 millions de CHF sur le trimestre, supérieure aux prévisions. Logitech anticipe un chiffre d’affaires de 2,3 milliards de dollars sur 2010/2011, et une marge brute de 34%, avec un résultat d’exploitation doublé. Des chiffres qui me semblent réalisables. Les coûts opérationnels importants sur la période se justifient par d’importants investissements en recherche et développement. Nous restons prudents pour les perspectives sur l’année, notamment car l’entreprise réalise 40% de son chiffre d’affaires dans la zone euro, fragilisée. Il faut aussi tenir compte de l’évolution du prix des matières premières (pétrole, cuivre), qui a des répercussions sur ses marges. Cependant, les perspectives sont bonnes pour Logitech, notamment en matière d’accessoires liés au monde de la télévision, ainsi que le secteur prometteur de la visioconférence. Par ailleurs, les stocks sont bas et les points de vente devront se réapprovisionner. Nous pensons que le titre devrait atteindre 25 CHF dans une perspective de neuf à douze mois. A moyen terme, Logitech devra compenser les baisses de vente de webcams, désormais intégrées dans la plupart des PC et laptops.»
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Logitech: carte d’identité

Fondation: 1981
CEO: Gerald P. Quindlen
Employés: 6’400
Chiffre d’affaires: 2 mias $
Capitalisation: 2,8 mias $
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Une version de cet article est parue dans Swissquote Magazine (no 3).