«Je trouve Jörg Haider terriblement sexy», par Gisela Studer

En dévisageant le leader d’extrême droite à la télévision, Gisela Studer l’a trouvé tonique et sensuel, et même plus. Elle raconte.

L’image de Jörg Haider nous poursuit partout depuis quelques jours. Une image qui, au-delà du message politique, trouble et intrigue: qui est donc vraiment ce muet si visuel? Dans les actualités télévisées, la traduction couvre immédiatement les paroles martelées par le leader d’extrême-droite. Comment se faire une idée de l’homme quand on est privé d’accès direct au timbre de sa voix, à son élocution, au rythme et au choix de ses mots?

Ceux qui espèrent découvrir un peu plus ce personnage déjà figé par l’Histoire se mettent donc à scruter le visage de sa femme, l’allure de ses compagnons. On cherche à décrypter les signes extérieurs de l’homme, le langage de son corps. Certains se facilitent la tâche en lui collant une petite moustache au carré: le modèle est connu, donc plus facile à cerner et à combattre.

D’autres s’arrêtent sur son style vestimentaire, notent les complets mode à trois boutons, le ventre plat, le bronzage, le bracelet brésilien, la bonne longueur du pantalon (contrairement à ce dépenaillé de Tony Blair), le bon goût des tenues de sport (contrairement à Chirac). On en oublie presque la politique.

Moi, je zoome avant arrière. Je me dis «tiens, ce type a quelque chose de tonique et de sensuel». J’apprécie sa démarche sportive, ses pantalons bien choisis, parfois en cuir noir moulant, son allure générale nette et dynamique. Je le trouve même terriblement sexy.

Et puis, aussitôt, je me reprends, «attention, ne nous laissons pas égarer aussi bêtement, n’oublions pas ce sourire carnassier, ces yeux froids, ce nez pointu», en espérant ainsi diaboliser plus facilement ce bel animal, tellement photo- et télégénique.

Si Christoph Blocher avait lui aussi l’allure d’un play-boy dur et fringant, quels auraient été son électorat et sa trajectoire politique en Suisse? Les mêmes, différents? S’il ne parlait pas français, si nous n’entendions pratiquement jamais sa voix, réagirions-nous de la même façon à son discours politique?

L’apparition en force de Jörg Haider au premier plan politique permet de s’interroger sur la part de séduction physique en œuvre chez les leaders populistes et sur la part angoissante de chacun de nous qui, selon sa culture, est prête à se laisser intriguer, sinon séduire, par une silhouette agréable.

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Sous une autre identité, Gisela Studer est écrivain. Elle travaille occasionnellement, pas assez souvent, pour Largeur.com.