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Bioapply, l’affaire est dans le sac

Avec 6 millions de cabas vendus en 2009, la start-up de Gland est devenue leader suisse des sacs biodégradables. Son développement passe par Abou Dhabi. Histoire.

large260710.jpgSi un sac en plastique met jusqu’à 400 ans avant d’être décomposé, son utilisation effective ne dépasse pas vingt minutes. En découvrant cette absurdité écologique, Frédéric Mauch a eu une réaction double. «J’y ai vu à la fois un challenge éthique et une niche commerciale», raconte le fondateur de BioApply, start-up spécialisée dans les sacs biodégradables qui emploie aujourd’hui six personnes à Gland (VD).

Fabriqués à partir d’amidon de maïs ou de pommes de terre, les cabas de BioApply sont conformes à la norme européenne EN 13432 et certifiés «OK Compost», avec une durée d’utilisation d’environ 24 mois. Contrairement aux produits simplement oxodégradables (qui se fragmentent mais restent présents dans la nature), les sacs BioApply se décomposent complètement après deux mois de compostage, valorisés en humus, ce qui leur procure un réel avantage concurrentiel.

Frédéric Mauch, dont le père possédait une entreprise, s’est toujours imaginé devenir entrepreneur. Après des études à Rolle, à New York University et à Sciences-po Paris, il a d’abord lancé une société d’accessoires de mode fabriqués en Chine. L’idée de créer BioApply lui est venue en 2005. «Au départ, nos sacs suscitaient beaucoup de scepticisme, se souvient-il. Mais aujourd’hui, on observe un changement d’état d’esprit vers le développement durable, comparable à la révolution internet, qui traverse toute l’économie et toute la société.»

Un changement qui se reflète dans le bilan commercial de BioApply. En 2009, la start-up a généré un chiffre d’affaires de 1 million de francs et Frédéric Mauch peut citer des noms tels que Wenger, Alinghi, Le Shop et Switcher parmi ses clients; à partir de septembre, le groupe textile vaudois prévoit d’ailleurs de remplacer ses sacs en plastique par des cabas de BioApply. «Ces produits répondent très bien à notre éthique de développement durable», souligne Ueli Anken, responsable de communication chez Switcher.

Dans un marché des bioplastiques en forte croissance, BioApply prévoit un chiffre d’affaires de 12 millions de francs dès 2015. D’ici là, son effectif devrait passer à 16 personnes. Outre l’Europe et les Etats-Unis, son développement va passer par les Emirats arabes unis, dont la ville de Masdar, à Abou Dhabi, s’est fixé l’objectif d’un bilan écologique neutre. La start-up vaudoise y commercialise déjà ses sacs.

Mais si les cabas de BioApply se composent effectivement d’une majorité d’amidon de maïs et d’une petite proportion d’additifs biocompatibles dérivés de pétrole, elle devra encore convaincre ses futurs partenaires du réel bilan écologique de ses produits, qui dépend beaucoup du processus de compostage. «Nos nouveaux bioplastiques approchent le 0% d’additifs plastifiants. Selon les dernières études, notre sac a un bilan supérieur aux sacs en plastique ou en papier», précise Frédéric Mauch.

«Si le compost est mal aéré, un volume assez important de méthane — puissant gaz à effet de serre — est émis, ce qui peut rendre le bilan carbone pire que celui d’un sac en plastique, estime Vincent Rossi chez Quantis, une spin-off de l’EPFL spécialisée en bilans écologiques. Si au contraire le sac est biométhanisé en récupérant et en valorisant le méthane produit, le bilan sera nettement meilleur.» Au niveau mondial, la large utilisation des sacs en plastique laisse entrevoir un potentiel immense pour le procédé de BioApply. «Notre but ne consiste pas à remplacer tous les sacs en plastique par des cabas en biorésine, précise Frédéric Mauch. Pour un nombre croissant de pays, la France ou l’Italie par exemple, il s’agit plutôt de réduire le volume total de sacs.»

Pour diversifier ses activités, la start-up de Gland vient notamment de breveter un nouveau bioplastique de très faible densité, adapté à l’injection par moule et permettant de produire des articles flexibles. Frédéric Mauch a imaginé un nouveau créneau: les tongs biodégradables.
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Une version de cet article est parue dans l’Hebdo.