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Danse molle autour de la liste UBS

Par sa timidité face au monde bancaire, la droite libérale a mis en péril l’accord signé avec les Etats-Unis. Elle avait montré davantage de fermeté face aux chiens d’aveugle…

large090610.jpgIl a voulu répondre mais aurait peut-être mieux fait de s’abstenir. Tant la politique semble d’abord, dans l’esprit d’un peuple certes jamais assez éclairé, une belle histoire de symboles. Plutôt qu’une affaire de résultats concrets, tangibles. Plutôt qu’un misérable petit tas d’additions comptables, qu’un exercice de pinaillage épicier.

En réponse donc à la polémique sur la diminution des forfaits pour chiens d’aveugle — passant de 190 à 110 francs par mois — et face à une interpellation du député popiste vaudois Zysiadis, le conseiller fédéral Didier Burkhalter a eu cette froide, cette ferme, cette très raisonnable explication: «La consultation des écoles de chiens-guides a montré que les forfaits accordés jusqu’ici étaient trop élevés.»

Il faudrait évidemment être de très mauvaise foi pour dresser ici un petit parallèle. Pour évoquer, dans la foulée des chiens d’aveugle, la tentative des socialistes de conditionner la signature de l’accord sur UBS à la taxation des bonus. Ah les bonus! Cette galette fraîche que ces mêmes banquiers se distribuent allégrement entre eux, comme des grands chenapans ailés quelques morceaux de charogne.

Il faudrait même un peu de perfidie pour paraphraser les amusants tête à queue de l’actualité: «La consultation de l’autorité de surveillance a montré que les bonus accordés jusqu’ici étaient trop élevés.» De la perfidie, de la mauvaise foi et de l’étourderie car tout le monde sait, et l’UDC vient de la rappeler fort à propos: la suppression des bonus équivaudrait à un nouvel impôt sur les sociétés. L’horreur absolue.

Tandis que les forfaits pour chiens d’aveugle, ça n’est rien que de la sale subvention. Un mot qui fait froid dans le dos et qui semble évoquer aussitôt chez des gens comme Didier Burkhalter, ses chefs de services ou ses amis cachés de l’UDC, des milliers de profiteurs avides et prêts à vider les caisses de l’Etat. Tout estropiés qu’ils soient.

D’ailleurs Didier le Dur l’a dit: «Le forfait n’est pas fait pour nouer les deux bouts à la fin du mois, mais pour les frais liés à l’entretien et à l’utilisation des chiens pour malvoyants». En plus, à la fin, si la situation devient vraiment critique, l’aveugle pourra toujours manger son chien.

C’est vrai ça, a-t-on idée, tous ces sans-yeux, sans-bras, sans-jambes, sans-langue ou sans-oreilles qui n’ont même pas non plus le sens des responsabilités? Contrairement aux banquiers, cadres, traders et autres bons bougres émargeant à l’UBS ou à Dieu quelle pompe à phynances de la place.

La timidité du Conseil fédéral et des deux chambres, leur crainte de céder au chantage de la gauche aura fini par braquer les socialistes et l’UDC — pour des raisons inverses — et fait capoter au conseil national la ratification de l’accord sur UBS.

On se réjouit de voir, en cas de refus définitif, l’explication qui sera donnée aux Américains, entre une gauche qui voulait des garanties et des coups de semonce, du genre «plus jamais ça messieurs les boursicoteurs», et une droite dure qui souhaitait au contraire, à l’image de l’UDC, que tout continue comme avant. Au nom de la sacro-sainte liberté d’entreprendre qui est aussi parfois celle de dissimuler, de spolier, de voler, de gruger et de flamber.

Il subsiste en tout cas à droite un drôle de paradoxe. Plutôt que les banquiers, on préfère dénoncer leurs clients, qu’ils ont pourtant encouragés dans ces voies sans issue de l’évasion fiscale ou de la spéculation à outrance. Pas question en revanche contre les princes de la finance du moindre petit frein à ce qu’il faut bien appeler leur gloutonnerie navrante… Eux, c’est sûr, n’ont besoin ni de cannes blanches ni de chiens noirs. Ils ont des yeux en parfait état. Et surtout plus gros que le ventre.