KAPITAL

Les femmes, plus fidèles au luxe en temps de crise

Les marques dont la clientèle est davantage féminine ont mieux réussi à tirer leur épingle du jeu durant la crise que certaines marques horlogères ou automobiles, plus ciblées sur un public masculin. Explications.

Les femmes seraient-elles les salvatrices de l’industrie du luxe en période de crise? Au regard des résultats au premier semestre 2009 du groupe LVMH (7,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires, en légère progression par rapport à la même période de 2008, avec une croissance à deux chiffres pour la seule marque Louis Vuitton) et ceux de l’horlogerie suisse, dont les exportations chutaient durant la même période de 26%, la question mérite d’être posée.

On observe en effet des explications comportementales ou psychologiques différentes, en fonction des sexes, en matière de consommation de produits haut de gamme. «Pour les femmes, l’essentiel consiste à se sentir bien avec elles-mêmes, à se faire plaisir avec de belles choses, relève Diana Jaffé, de l’agence berlinoise Bluestone, spécialisée en marketing des genres. Pour les hommes, l’achat d’objets de luxe renvoie davantage à leur statut. Ils cherchent à démontrer qui ils sont en société.»

En résumé: les mâles préfèreraient se serrer la ceinture et les femelles se remonter le moral. Par ailleurs, selon cette spécialiste, des professionnels comme les banquiers, se sentant en quelques sortes «coupables» de la crise, limitent depuis plusieurs mois leur consommation d’objets de prestige.

Le facteur prix joue également un rôle important: les produits de luxe s’adressant aux hommes (montres, voitures) sont globalement plus chers que ceux destinés aux femmes (maroquinerie, prêt-à-porter). «Ceux-ci commencent à des prix plus bas et concernent un public plus large», résume Diana Jaffé. Ainsi, les femmes se montrent plus fidèles que les hommes au luxe en temps de crise, comme en témoigne le chiffre d’affaires stable au premier semestre 2009 d’une entreprise comme Hermès (875 millions d’euros).

Directeur de l’agence Nelly Rodi à Paris, Pierre-François Le Louët nuance quelque peu le propos: «La différence entre les sexes joue mais pas seulement. Les marques suisses ne sont pas porteuses d’un style de vie clairement identifié mais plutôt d’une excellence au niveau technique. Or, certaines se sont plus récemment galvaudées dans un style un peu trop «bling-bling». Maintenant que la fête est finie, tout a changé et cela oblige les acteurs de ce marché à une réorientation radicale.» Il admet que les hommes ont ouvert ces dernières années de nouveaux «espaces de consommation ostentatoire, particulièrement dans le domaine des montres», mais la baisse des bonus, les tensions sur l’emploi et leurs nouvelles priorités, clairement identifiées sur la préservation du pouvoir d’achat de leur famille, les «incitent à des arbitrages peu favorables à la consommation superflue».

Attention toutefois aux généralisations hâtives: ce qui se vérifie en Occident, n’est pas forcément vrai ailleurs. Selon Pierre-François Le Louët, dans certains pays asiatiques durement touchés par la crise, les hommes — qui étaient plutôt moteurs dans la consommation de mode — ont pris exemple sur les femmes qui ont commencé à réduire leur consommation il y a une dizaine d’années déjà…