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L’arrogance des patelins et le triomphe du MCG

Des municipalités qui interdisent une banale affiche UDC, un parti de gendarmes et de chômeurs plébiscité: quand la classe politique marche sur la tête.

large141009.jpgLes municipalités disent désormais le bien et le mal. Des petites villes, des bourgades, des patelins — Morges, Neuchâtel, Fribourg, Lausanne, Nyon — brandissent les gris ciseaux de la censure avec emphase, mains sur le cœur, trémolos dans la gorge et bonne conscience au creux de l’estomac. Au nom de quoi? Mystère, sinon quelques vagues principes bien éthérés, entendus sans doute à la radio, vus à la TV, copiés-collés dans les gratuits.

Tout cela pour décréter telle affiche UDC «haineuse et irrespectueuse», véhiculant un «message infamant qui ne peut être autorisé dans le domaine public», un message lui aussi «totalement irrespectueux de la communauté musulmane et de l’esprit d’ouverture de la population», etc., etc.

Oui, les syndics, maires et autres présidents de communes ne se retiennent plus. Ils savent, eux, ce qu’il faut penser de l’initiative de l’UDC visant l’interdiction des minarets. Ils le savent tellement qu’ils s’estiment dispensés de dialogue et de débat. Débattre? Vous n’y pensez pas, interdiction d’abord. Comme si ces bonnes villes, ces riantes bourgades, ces accueillants patelins n’avaient pas assez d’arguments pour affronter, battre et combattre une initiative pourtant suffisamment grossière et bancale.

L’interdiction des affiches UDC est d’autant plus malvenue que ce qu’elles montrent — burkas et minarets en forme de missiles — évoque très précisément l’argumentaire principal des initiants. À savoir que l’Islam représenterait un danger réel pour notre pays. C’est un point de vue que l’on peut choisir de pourfendre –- et il existe une foule de bonnes raisons pour cela — mais qu’il est bien stalinien de vouloir nier ou bâillonner.

Stalinien et fatalement contreproductif: un bon score éventuel de cette malencontreuse initiative, sans parler de son acceptation, devra être imputé à ces riantes bourgades, ces charmants patelins, ces toutes petites villes et leur suffisante arrogance à détenir les vérités ultimes. La même arrogance exactement que chez les islamistes ou les UDC.

Genève heureusement ne fait pas partie de ces riantes bourgades, de ces bonnes villes vertueuses, de ces patelins de pêcheurs, ennemis du débat et de la démocratie. Les affiches UDC y sont autorisées mais la Cité de Calvin a sans doute fauté ailleurs et s’est pris un sacré coup de bâtons sur les doigts avec le triomphe emblématique d’un parti de gendarmes et de chômeurs.

Et des partis traditionnels, donc, à la ramasse sur ces deux thèmes majeurs qui consacrent la victoire du Mouvement Citoyens genevois (MCG): l’emploi et la sécurité. Le sait-on chez les radicaux, les socialistes, les PDC: le peuple demande rarement plus.

Cette razzia du MCG a obligé chaque camp de l’establishment politique à un mea culpa, toujours un peu sur le même air morfondu: nous n’avons pas été assez à l’écoute. Christian Levrat promet de «mieux communiquer les solutions du PS» dans ces domaines de l’emploi et de la sécurité, des solutions qui, jure-t-il, existent bel et bien. Christophe Darbellay, de son côté, promet désormais «des messages simples mais pas simplistes, populaires mais pas populistes». Fulvio Pelli, enfin, plus sobrement, promet qu’à partir d’aujourd’hui, c’est juré, son parti sera «attentif aux préoccupations des électeurs».

Il est tout de même attristant que ces trois grandes formations, peuplées de fortes têtes, de belles intelligences, dotées d’un passé et d’une expérience gouvernementale sans pareil, se voient rappeler les fondamentaux de toute bonne politique: écoute et débat. Et se le voient rappeler par des citoyens aigris ou des nationalistes obtus.