Ainsi, la Russie dispose d’un nouveau maître au Kremlin. Mieux vaux tsar que jamais, se sont probablement dit les Moscovites qui réveillonnaient joyeusement sur la Place Rouge.
L’histoire retiendra qu’un jour du siècle dernier, le 31 décembre 1999 pour être précis, les Russes se sont débarassés d’un seul coup d’un bandit mafieux porté sur la bouteille et d’un siècle qui leur a réservé les pires avanies. Le 21ème commencera-t-il sous de meilleurs auspices? On voudrait le croire, ne serait-ce que pour faire un sort à la trop fameuse formule du «malheur russe».
Le 1er janvier 2000 était à peine vieux de quelques heures que les images en provenance de l’Est nous ont rapidement ramenés à la réalité. «Le président par intérim Vladimir Poutine a passé le Nouvel-An avec les troupes en Tchétchénie», annonça la télévision. Le Numéro un de Russie, 47 ans dont une vingtaine au service des services secrets, arborait une tenue décontractée pour mieux souligner son appartenance à la nouvelle génération. Son sweat-shirt made in USSR – d’un mauvais goût très sûr – signalait à lui seul ce que Poutine aimerait dire: «Regardez comme je suis cool».
Le Président par intérim avait spécialement apporté des présents à la soldatesque: des poignards effilés sur lesquels la caméra officielle zooma avec complaisance. Mais il fallait encore étayer ce symbolisme aussi léger que l’acier. On nous donna donc à lire l’inscription sur la lame: «Cadeau du Premier Ministre de Russie».
Le commentateur nous expliqua alors l’ironie de l’histoire. «Quand Poutine fit graver les couteaux, il n’était encore que chef du gouvernement»; au même moment ou presque, le déluge d’acier reprenait sur Grozny.
Avec sa gueule d’espion qui venait du froid (dans le dos), cet homme qui ne sourit jamais aurait facilement eu sa place dans un mauvais thriller. Dans son regard, on peut lire toute sa détermination à éradiquer la vermine tchetchène afin d’assurer, dans trois mois, son élection au poste qu’il occupe déjà. Le premier acte présidentiel de l’ancien spécialiste du KGB a consisté à signer un décret assurant l’immunité à Boris Eltsine et sa kleptocratie sortante. La Russie entame le troisième millénaire exactement comme elle a terminé le second.
A plusieurs milliers de kilomètres de là, Bill Clinton a donc dû entériner le changement au sommet en Russie. A l’issue de sa première conversation téléphonique avec le «Président Poutine», il lui a décerné le brevet de démocrate de circonstance avec cette formule aussi vieille que la diplomatie: «Le ton de l’entretien a été encourageant». Pourvu que ça dure.
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Pour suivre l’actualité russe, deux excellents sites: Russia Today et Radio Free Europe.
Pour suivre les passants sur la Place Rouge, une webcam au sommet de l’Hotel Rossia.