On y parlera économie et finances. On rira de Berlusconi. Mais c’est une fois de plus l’Iran qui retiendra l’attention.
Jamais peut-être un sommet des grands de ce monde n’aura si bien reflété le désordre mondial dans lequel nous sommes plongés. Dès mercredi, le premier ministre Berlusconi recevra ses pairs à L’Aquila, ville sinistrée par un récent tremblement de terre.
Le lendemain, ils seront épaulés par une quinzaine de représentants de puissances dites émergentes. A condition qu’ils posent un pied dans la ville en ruine, les dirigeants du monde pourront prendre la juste mesure de l’inefficacité de leur hôte et l’incurie de son régime: des gens parqués dans des campements de fortune, des maisons détruites, pas trace dans cette région hautement exposées aux tremblements de terre de constructions réalisées selon les normes antisismiques élémentaires. Une population contrainte, pour survivre, de faire appel à l’une des grandes spécialités italiennes, la débrouillardise.
Rentrés le soir dans leur gîte, une vaste caserne de gendarmerie construite par Mussolini dans la montagne, ces mêmes présidents pourront échanger leurs impressions sur les réalisations du Duce qui, lui, savait construire du solide à l’épreuve des forces de la nature. L’un d’entre eux osera-t-il s’interroger sur l’absurdité d’un rendez-vous fixé en un tel lieu, à un tel moment?
Au menu officiel de ce sommet, la crise économique et financière et la question iranienne figurent au premier plan. Depuis ce week-end, un bombardement des installations nucléaires iraniennes par l’armée israélienne est à nouveau évoqué par diverses sources. Le vice-président étasunien Jo Biden déclarait le week-end dernier qu’en cas d’attaque, Washington ne bougerait pas.
Selon lui, Israël est un pays souverain et les Etats-Unis ne sauraient lui dicter sa conduite. Par ailleurs, l’Arabie saoudite (un autre Etat souverain!) aurait fait savoir qu’elle ne s’opposerait pas au passage d’avions israélien à travers son espace aérien.
Y aurait-il une conception lunatique de la stratégie antiiranienne de la part des généraux israéliens? L’an dernier, à la même époque exactement, ils faisaient planer la même menace.
Depuis, la situation a toutefois changé. L’Iran est toujours travaillé en profondeur par l’éclatement de son groupe dirigeant et les pulsions révolutionnaires d’une importante partie de sa population. Une intervention israélienne aurait évidemment comme conséquence de donner un sursis au groupe intégriste Khamenei/Ahmadinejad, aucun politicien digne de ce nom ne pouvant attaquer un gouvernement en place quand le pays est victime d’une agression étrangère.
Que, selon son programme, le premier ministre Nétanyahou joue la carte du pire n’est pas surprenant. Une vraie négociation entre l’Iran et l’Occident signerait son arrêt de mort politique. Mais il est difficile de croire que les Européens laisseront faire. A la veille d’élections difficiles, Angela Merkel n’a aucun intérêt à se distancer de la ligne modérée adoptée depuis longtemps par l’Allemagne.
De son côté, Nicolas Sarkozy (considéré comme juif par l’opinion publique musulmane) vient tout de même d’avoir le beau courage politique de fermer sa porte à Libermann, le très fasciste ministre des Affaires israélien et même de conseiller à Nétanyahou de s’en débarrasser au plus vite.
Il ne faut pas non plus oublier le poids de Moscou avec lequel l’administration Obama tente de se rabibocher par la signature d’un nouveau traité de désarmement. Et de la Chine qui n’a jamais caché son soutien au régime en place à Téhéran.
Ce bref rappel des positions des uns et des autres place une fois de plus Washington au centre de la mêlée proche-orientale. On commence à mieux comprendre la position d’Obama sur les rapports internationaux. Elle n’est pas réjouissante du tout.
Comme nous l’avons déjà souligné ici-même, le nouveau président américain, faute de pouvoir lutter sur tous les fronts pour consolider son pouvoir, semble avoir décidé de laisser la bride sur le cou à ses militaires et au puissant lobby militaro-industriel qui assure une importante partie du PIB des Etats-Unis.
Au-delà du mirage publicitaire de l’autonomisation de l’Irak, la vraie partie se joue un peu en Afghanistan et beaucoup au Pakistan. Or comme Israël, le Pakistan est un pays souverain qui a même la particularité d’avoir, en son sein même de pays souverain, une armée souveraine, des services secrets souverains et des intégristes islamistes encore plus souverains que tout le reste.
Ce pays aux souverainetés différenciées a 170 millions d’habitants et un bel arsenal nucléaire. Depuis une quinzaine de mois, ce puissant pays est confronté à des raids incessants de l’armée américaine sur certaines de ses vallées périphériques.
Faire la guerre en Afghanistan et au Pakistan, faire itou bombarder l’Iran, n’est-ce pas beaucoup, même pour une aussi grande puissance sur le déclin que les Etats-Unis?