GLOCAL

L’Apache sur le pied de guerre: fiche technique

L’opération alliée en Yougoslavie se rapproche de l’intervention terrestre. Les redoutables hélicoptères Apache doivent arriver à Tirana ces prochains jours. Comment fonctionnent-ils? Explications de Jean-Bernard Desfayes.

Quand le premier bataillon de quinze hélicoptères d’attaque Boeing AH-64 Apache sera déployé ces prochains jours en ex-Yougoslavie, il sera déjà en terrain presque connu. De décembre 1995 à janvier 1996, vingt-quatre exemplaires du plus redoutable ennemi des blindés s’étaient installés sur la base aérienne de Tuzla, en Bosnie, et à Sarajevo d’où ils assuraient la protection et l’appui tactique de l’IFOR, la force internationale.

Si les esprits se sont calmés dans la région, dit-on, le mérite n’en revient pas seulement à la dipolomatie mais aussi à la crainte, assez justifiée il faut le dire, qu’inspire ce papillon venimeux. On se rappellera aussi que ce sont les Apache de la 101e division aéroportée américaine qui ont ouvert le feu les premiers, le 17 janvier 1991, contre les blindés irakiens.

L’Apache n’est pas un engin récent: son premier vol remonte au 30 septembre 1975. Développé par Hughes, repris par McDonnell Douglas qui a ensuite été absorbé par Boeing, cet hélicoptère a été construit à plus d’un millier d’exemplaires, dont 937 dans la variante de base AH-64A.

Les débuts ont été difficiles pour ce chasseur de chars qui devait répondre à un cahier des charges démentiel et parfois contradictoire; les maladies de jeunesse ont mis du temps à guérir mais l’appareil a aujourd’hui un degré de maturité que ne peut revendiquer aucun de ses concurrents, tel le Mi-28 Havoc russe ou l’Eurocopter Tigre franco-allemand.

L’Apache doit être capable d’opérer de jour comme de nuit, emporter un armement lourd tout en conservant une agilité optimale et en assurant à son équipage une garantie de survie maximale, même en cas de crash. Pour répondre à la mobilité stratégique, il doit pouvoir être transporté sans trop de difficultés par les avions Galaxy (six à la fois), Globemaster III (trois) et même Starlifter (deux à la fois).

Avec son fuselage de 16 mètres de long, son rotor quadripale de 15 m de diamètre et sa masse à pleine charge de plus de 10 tonnes, l’Apache a besoin de toute la puissance de deux turbines de 1700 CV (1900 et 2100 CV pour les versions les plus récentes) pour passer à grande vitesse d’un couvert à l’autre, s’élever instantanément à 17 m/s pour observer l’ennemi, le prendre en charge et tirer avant de se remettre aussi vite à l’abri. Un jeu de yo-yo impressionnant pour un engin de cette taille.

L’armement standard comprend un canon de 30 mm en tourelle sous le fuselage, qui peut tirer pas moins de 1200 coups au maximum par mission. Pour détruire les chars, l’équipage dispose de missiles Hellfire (50’000 francs pièce), jusqu’à seize par vol. Contre des cibles peu blindées, il peut utiliser 76 roquettes de 70 mm et se défendre contre des avions ou des hélicoptères de combat avec des missiles air-air Sidewinder, Stinger ou Mistral. Impossible bien sûr de prendre tout cet armement à la fois; il s’agira de choisir l’armement en fonction de la mission et de la défense ennemie.

L’Apache peut se piloter depuis le siège avant mais c’est normalement la place du tireur-navigateur. Le pilote, lui, se trouve en arrière du tireur, dans une position surélevée qui lui offre une meilleure vision.

Toutes les parties vitales de la machine, et donc le cockpit, sont protégées par un «blindage» de kevlar. Le bruit des moteurs de l’hélicoptère à couvert est presque imperceptible à 1 km de distance, bruit généré à 75% par le rotor de queue; l’échappement des réacteurs est refroidi pour le rendre moins sensible aux têtes infrarouges de certains missiles sol-air ou air-air.

En opération, six Apache se déploient en général en compagnie de quatre hélicoptères légers Kiowa ou des commandos au sol qui désignent les cibles. Avec l’arrivée des derniers modèles, renommés Longbow (long nez) en raison de la présence d’un radar au-dessus du rotor, les éclaireurs ne sont plus aussi indispensables.

Reste qu’un incident mécanique ou les défenses ennemies peuvent avoir raison d’un Apache. L’équipage devrait s’en tirer si la vitesse de chute ne dépasse pas 45 km/h; le train d’atterrissage absorbe le premier choc, les sièges font de même et les deux occupants amortissent le reste. Lors d’un vol d’essai, un Apache s’est abattu comme une pierre depuis une centaine de mètres de hauteur: l’équipage s’en est tiré. Depuis, la protection a encore été améliorée à l’aide d’airbags frontaux et latéraux.

Les premiers Apache coûtaient 10 millions de dollars; les derniers modèles reviennent à plus de 18 millions, et le radar du Longbow 3 millions de dollars.

——-
Jean-Bernard Desfayes est journaliste scientifique. Il travaille notamment pour la Radio suisse romande.