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Grande ruée sur la proximité

«Environ 80% de mes clients achètent des produits de chez nous, assure Gérard Feuz derrière ses étals de fruits et légumes du marché de Moutier. Un exemple? Je me suis retrouvé ce printemps avec des dizaines de cageots d’asperges péruviennes invendues.»

Du Jura à Paris, les comportements d’achat privilégient désormais les offres locales. Le magazine parisien «Bonbon», contemporain de la crise, se présente comme le premier «journal gratuit de proximité». En offrant des bons à présenter aux commerçants du quartier pour bénéficier d’offres attractives (un pastis à 1 euro le mercredi dans un bar du coin, 20% de réduction aux 100 premiers clients achetant un lapin dans telle et telle boucherie, etc.), il s’inscrit dans une époque qui, après avoir goûté au global, redécouvre le charme et les avantages du local.

Les fruits venus du bout du monde n’ont plus le goût de l’exotisme d’hier. Ils sentent soudain très fort le kérosène. Ainsi, l’opération Des fraises au printemps, lancée par la fondation de Nicolas Hulot, souhaite favoriser les circuits courts et faire partager ses fondamentaux: qualité, proximité, saisonnalité.

Se nourrir est devenu un acte citoyen décliné de diverses manières. Déjà, des intégristes se sont signalés. Les locavores forment une tribu qui regroupe des consommateurs autour de l’idée qui consiste à manger exclusivement des produits cultivés dans un rayon de 160 kilomètres. En publiant «Pourquoi manger local» il y a trois ans déjà, le politicien genevois René Longet avait précédé le phénomène.

Un phénomène qui va bien au-delà du contenu de nos assiettes. On prête à la proximité des vertus dans les registres les plus divers. Même le Pape, plus que jamais attentif au choix de son vocabulaire, a cru bon d’exprimer aux Mexicains sa «proximité» au moment où leur pays est frappé par la grippe.

Pour lutter contre la délinquance de proximité, les villes romandes plébiscitent une police de proximité. Les bonnes vieilles banques de proximité sont extrêmement prisées. En matière de santé, les hôpitaux de proximité conservent toute leur attractivité et leurs défenseurs. Idem pour la justice de proximité réclamée partout à grands cris. Les services sociaux privilégient les interventions de proximité bien plus efficientes.

Face à la crise, les commerces de proximité résistent plutôt bien. Avec des vacanciers privilégiant la proximité, le tourisme suisse pourrait bien récupérer cet été des clients locaux qui optaient jusqu’ici pour des destinations lointaines.

Les offres du lausannois Pierre Corajoud, surnommé «l’aventurier du proche», connaissent un succès sans pareil. Son credo: pas besoin d’aller sous les tropiques pour éprouver une expérience originale. «Il est possible de vivre des aventures passionnantes à quelques kilomètres seulement de son domicile», affirme-t-il. Alors qu’il y a quelques années, ils peinaient à trouver un éditeur, ses guides de balade en Suisse romande se vendent aujourd’hui comme des best-sellers. On ne s’étonnera pas que l’agence de communication qui vient de recevoir quatre médailles d’or lors des Golden Awards de Montreux soit Proximity BBDO. Elle est au bénéfice d’une appellation propice!

L’étiquette «proximité» permet d’écouler facilement légumes ou offres touristiques. Le phénomène survivra-t-il à la crise ou lui est-il consubstantiel? Un sujet à suivre de près.