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Après l’apolitisme financier, retour à l’économie politique

Les sommets de Londres (G20) et Strasbourg (Otan) ont confirmé le charisme d’Obama. Mais le bilan est en demi-teinte: bonnes intentions en matière de régulation financière et ferme rappel des ambitions militaires.

A Londres, une page d’histoire a été tournée le 2 avril. Le libéralisme débridé, néoconservateur à l’origine mais vite dévoyé en un apolitisme cynique sur fond de fièvre financière, va devoir faire une petite place à l’économie politique. Avec une perte d’autonomie de la haute finance internationale et un retour en force de gestionnaires contrôlés par les politiques.

C’est pour le moment la principale leçon que l’on peut tirer du sommet du G20. Les décisions annoncées sont en elles-mêmes trop vagues pour que l’on sache concrètement de quoi demain sera fait. Nous en avons un exemple criant dans la manière dont la guerre aux paradis fiscaux a été transformée en une faible chiquenaude: mettre en noir quatre chiens galeux, couvrir de gris une poignée de concurrents et blanchir ceux qui sont américains, britanniques ou chinois n’a pas de quoi susciter l’engouement des petits contribuables qui sont, eux, trop fréquemment étranglés par les impôts. Mais une tendance se dessine qui ne peut que croître. Dans les relations internationales, il faut des années pour qu’un projet prenne consistance, a fortiori s’il s’agit de gros sous.

De même, les mesures annoncées pour réguler le système financier (contrôles des établissements financiers, augmentations par sécurité de leurs fonds propres, renforcement des institutions financières internationales…) permettent de constater que plutôt de poser les bases d’un renouveau du capitalisme mondial, le G20 s’est surtout attaché à parer aux tâches les plus urgentes. Notamment en cherchant à fluidifier la circulation des capitaux. Ce sont des mesures cosmétiques qui évitent d’achopper sur le fond du problème, le type de société dans lequel nous vivons.

Or si la crise actuelle perdure comme l’annoncent de savants augures, il faudra bien avoir le courage de mettre sur la table des prochains sommets les fondamentaux:

  • Les disparités mondiales (nord/sud; ville/campagne) et la croissance vertigineuse de mégalopoles invivables et incontrôlables.
  • La société de consommation et ses gaspillages monstrueux.
  • La destruction de l’environnement à commencer par l’air et l’eau.

Au lendemain de la réunion du G20, le sommet anniversaire de l’OTAN a été plus clair. Sans que cela soit exprimé formellement dans les textes, on sait aujourd’hui que l’OTAN prend, volens nolens, le rôle de gendarme mondial prévu (mais jamais vraiment activé) dans la charte fondatrice de l’ONU. Un rôle bancal puisque le président Obama suit ses généraux dans leur guéguerre contre la Russie en maintenant l’installation d’un bouclier antimissile en Pologne et en République tchèque.

Le renforcement de l’intervention armée en Afghanistan et au Pakistan rappelle quant à lui les errements de la politique vietnamienne de Kennedy dans les années 1962/1963 quand il accrut la présence militaire américaine dans le Sud du Vietnam, se laissant prendre dans un engrenage qui, peu à peu, provoqua la catastrophe dont Obama ferait bien de se souvenir.

Kennedy aussi misait sur un Etat fantoche (comme l’est celui de Kaboul aujourd’hui) pour encadrer les villages avec l’aide de conseillers et isoler l’ennemi communiste. Il s’ensuivit dix ans de sanglante boucherie et, pour finir, un retrait humiliant.

Un bilan en demi-teinte, donc. Avec des bonnes intentions en matière de régulation financière et un ferme rappel des ambitions militaires. Deux éléments contradictoires en apparence seulement. En réalité, le sympathique président américain a annoncé au monde que ses pouvoirs sont limités. Et que les Etats-Unis dépendent toujours et avant tout, pour la satisfaction des besoins quotidiens de leur population, de la croissance de leur complexe militaro-industriel.