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Un nouvel engouement pour le nucléaire

Les centrales atomiques sortent du sol comme les primevères ces jours-ci. Tout le monde en veut. La France est comme toujours à l’avant-garde, avec ses experts qui se penchent sur l’avenir des déchets radioactifs.

Rien ne vaut le nucléaire pour faire avancer la démocratie à pas de géants! L’Italie nous en donne un nouvel exemple. Fort de sa dernière victoire électorale en Sardaigne à la mi-février, fort surtout de son excellente position dans les sondages de popularité, Silvio Berlusconi a décidé d’imposer le retour de son pays au nucléaire civil. Bien que plus des deux tiers des électeurs italiens aient, il y a vingt ans, ordonné à leurs gouvernants de renoncer à cette forme d’énergie. Bien que la loi annulant l’effet de cette loi n’ait pas encore été présentée au parlement.

Le Cavaliere sait ce qu’il fait: transgresser une loi lui sera pardonné, ce qui compte, c’est de profiter de l’embellie, de se fondre dans la masse des Etats qui ont décidé d’oublier Tchernobyl. Il a de bons exemples à faire valoir: la Suède et les Pays-Bas n’ont-ils pas décidé de revenir au nucléaire? Et la Grande-Bretagne aussi, pas plus tard qu’en janvier? En Europe, droites et gauches confondues marchent désormais du même pas vers le nucléaire salvateur, source de grands profits et de solutions faciles pour résoudre la douloureuse question de l’approvisionnement énergétique de pays qui doivent urgemment relancer la croissance pour sortir de la crise économique.

Il y a actuellement en Europe 13 centrales en construction, qui vont s’ajouter aux dizaines de centrales existantes. Le pays le plus nucléarisé est sans conteste la France, suivie par les poids lourds de l’Est, Russie et Ukraine. A considérer cette profusion d’installations nucléaires civiles, à imaginer de surcroît le nombre de bombes atomiques qui nous passent quotidiennement sur la tête ou qui sillonnent les mers, on peut se rassurer en se disant que, somme toute, ces technologies sont sous contrôle et que les risques qu’elles représentent sont minimes. C’est vrai.

Cela l’est d’autant plus que les conséquences des catastrophes nucléaires sont difficilement quantifiables. Ainsi, pour Tchernobyl, il est pratiquement impossible d’établir un bilan fiable de la catastrophe. Il existe des photographies des victimes ou des régions dévastées, mais pas de chiffres précis, indiscutables. Cela favorise toutes les manipulations, surtout de la part du lobby nucléaire qui peut minimiser les dégâts, mais aussi chez les antinucléaires qui, souvent, dérapent dans l’autre sens. Il n’en reste pas moins que la grande peur semée par Tchernobyl a porté un important coup d’arrêt au développement du nucléaire et contraint ses partisans à se faire discrets.

Un quart de siècle après la catastrophe, la peur est oubliée. Portés par la virulence de la crise économique, les pronucléaires relèvent la tête et commencent à répéter les mêmes idioties qu’il y a vingt ou trente ans. En se heurtant au même casse-tête: que faire des centaines milliers de tonnes de déchets radioactifs?

Dans un entretien publié par Le Monde (7-8 septembre 2008), un haut responsable français du stockage des déchets radioactifs permet de mesurer le flou qui préside encore en la matière dans un pays qui a 19 centrales en activité. Ses propos font froid dans le dos.

Après avoir affirmé que les déchets faiblement ou moyennement radioactifs (durée de vie de quelques dizaines à quelques centaines d’années) sont entreposés dans des centres de stockage construits en surface, il précise: «Les centres de stockage, qu’ils soient en surface, semi-enterrés ou situés dans des couches géologiques profonde, ont été conçus pour être sûrs.» Comment? Pourquoi? Jusqu’à quand? On n’en sait rien, il faut croire.

Les déchets hautement radioactifs (9% du total) à vie longue («des centaines de milliers d’années, voire un million d’années») attendent toujours la construction d’un lieu de stockage à 500 mètres de profondeur. Pour le moment (depuis 1956 pour la première centrale), ils sont conservés sur le lieu de production. Cela n’a pas l’air de troubler ce haut fonctionnaire. Ce qui l’intéresse, c’est de trouver le langage qui permettra dans mille, cent mille ou un million d’années au promeneur du dimanche de reconnaître que les produits découverts dans telle grotte sont vraiment très nocifs.

L’étude avance à grand pas: les médiévistes (qui s’occupent donc de vieilleries datant d’au moins cinq siècles) consultés ont attiré son attention sur le fait que, des documents moyenâgeux, ceux qui ont survécu étaient illustrés. L’Agence nationale française de gestion des déchets radioactifs (comme les autres) n’a pas encore de solution pour les déchets vraiment dangereux, mais met au point des pictogrammes destinés à les faire reconnaître par l’humanité future. Merci EDF. Heureusement que nous savons depuis Tchernobyl que la radioactivité ne franchit pas la frontière franco-suisse.