KAPITAL

La stratégie online, décisive pour la fusion Edipresse/Tamedia

Contrairement à Edipresse, Tamedia a réussi à imposer des marques nationales sur le net suisse, comme «20 Minutes» ou Tilllate. Martin Kall, directeur général, détaille la stratégie online de son groupe.

Pour Martin Kall, directeur général de Tamedia, cela ne fait pas un pli: l’internet, aussi bien comme expérience commune que comme perspective future, est au centre du rapprochement des deux entités. «Notre collaboration avec Edipresse dans la plateforme immobilière Homegate, qui existe depuis 2004, a été décisive pour nous. Elle nous a montré que nous pouvions travailler efficacement avec Edipresse, même si, par ailleurs, nous sommes devenus concurrents sur le marché des quotidiens gratuits. Et puis, nous devons faire face à la même évolution des habitudes des lecteurs et des annonceurs.»

L’avenir des éditeurs (et notamment celui que le milieu appelle désormais “Heidipress”), se joue aujourd’hui online, où ils doivent faire face à des géants mondialisés extrêmement efficaces. Google ou Facebook, qui commercialisent des espaces publicitaires régionaux (destinés uniquement aux internautes suisses ou genevois par exemple), concurrencent en effet frontalement les médias nationaux. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: «Google est leader du marché publicitaire online suisse, avec 20% de parts de marché, ce qui représente 60 millions de francs sur un total estimé à 290 millions, constate Martin Kall. Malgré tous nos efforts, nous n’arrivons aujourd’hui qu’à 8% de parts de marché avec l’ensemble des plateformes des deux groupes.»

Comment augmenter les revenus et la rentabilité des activités online face à pareils géants? «En premier lieu en faisant ce que les autres ne font pas et que nous savons faire: en mettant du journalisme sur le net. En misant sur la qualité, l’utilité et l’unicité de nos contenus éditoriaux, nous rendons nos sites incontournables, aussi bien pour les internautes que les annonceurs.»

Edipresse pourra désormais s’appuyer sur la stratégie du groupe alémanique en la matière, qui s’est révélée plus convaincante que la sienne jusqu’ici. «Au-delà de rachats de sites existants, Edipresse a eu de la peine à imposer ses produits online, constate Bruno Giussani, éminent spécialiste romand de l’internet. Il y a d’abord eu Edicom, puis l’entité Edipresse Online, toutes deux disparues, puis des atermoiements dans les blogs avec des plateformes comme Bleublog, sans que se dégage une marque forte. En face, 20 Minutes s’est rapidement imposé comme un acteur leader du net suisse.»

Martin Kall veut désormais tirer dans toutes les directions: «Nous rassemblons 1,8 million de lecteurs de 20 Minutes chaque jour en Suisse, dans les deux langues. Or, nous ne comptons que 200’000 visiteurs sur leurs sites internet. Il y a donc un potentiel important. Nous allons continuer le développement de nos autres plateformes, notamment les annonces d’emploi, les rencontres, l’immobilier, l’automobile… Et nous avons un site communautaire, Tilllate, qui connaît un succès important et sur lequel nous misons, car il est en quelque sorte notre réponse à Facebook.»

Des questions stratégiques de base devront encore être tranchées, comme celle de savoir s’il faut accepter les Google Ads (les annonces vendues par Google) sur les sites du groupe…. «J’aurais tendance à dire non, car il faut conserver un maximum d’indépendance, mais, en même temps, Google reste un outil formidable qu’il serait dommage de négliger…» Et faudra-t-il créer une grande régie nationale pour commercialiser les espaces publicitaires de l’ensemble des sites de Tamedia? «Chez nous, chaque produit est séparé et dispose de sa propre structure de vente. C’est notre culture d’entreprise, nos employés s’identifient à leur titre, pas au «groupe Tamedia». Mais le marché nous encouragera peut-être à procéder différemment…»

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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 5 mars 2009.