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La Russie ne recule plus

Le monde post post-guerre froide est né le 8 août avec le début de la guerre en Géorgie. Faut-il isoler Moscou ou composer avec un Kremlin qui peut à nouveau dire «niet»?

Dix jours pour un nouvel ordre mondial. La guerre de Géorgie sanctionne ce que l’on pressentait depuis quelques années — depuis, précisément, que le prix du baril de brut et des matières premières qui abondent sous la Sibérie a explosé: à nouveau, la Russie a les moyens de dire non.

Cela fait des années que les Russes rêvaient de cette revanche, de ce moment où ils pourraient tenir tête à ce qu’il convient d’appeler l’Occident et retrouver un rang majeur sur l’échiquier géopolitique mondial. Autant dire qu’à cette table des puissants, la Russie nouvelle, à l’instar de la Chine, ne sera pas un joueur cordial.

Présentée comme une contre-offensive rendue nécessaire par le danger imminent auquel faisaient face des « ressortissants » (ces Ossètes du sud à qui Moscou a généreusement distribué des passeports russes ces dernières années), l’annexion des provinces séparatistes géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud — et la captation par la force brute d’un bon tiers du territoire d’un État indépendant, la Géorgie – n’est que le premier mouvement d’une symphonie énergétique et militaire qui pourrait prendre des tours plus surprenants encore.

Comment ne pas penser, au vu du précédent géorgien, à l’invocation possible tout prochainement par Vladimir Poutine du sort peu enviable de la minorité russe d’Ukraine? Quid de la Crimée, cette presqu’île stratégique de la Mer Noire, peuplée d’un mélange ethnique détonnant (Ukrainiens, Russes, Tatars) et qui, depuis que la Grande Catherine en fit l’un des postes avancés de son empire, est toujours considérée par le Kremlin comme une dépendance de fait de la Russie alma mater?

Sébastopol a beau se situer en territoire ukrainien, c’est une ville russe, qui abrite la Flotte de la Mer Noire, celle-là même qui a envoyé par le fond ces derniers jours les rares bâtiments de la marine de guerre géorgienne.

Polonais et Baltes, qui ont éprouvé dans leur chair l’impérialisme russe, sont, parmi les membres de l’Union européenne, les seuls à avoir fait part ouvertement de la vive inquiétude que leur inspire cette résurgence d’un nationalisme russe affranchi des pudeurs de l’après-guerre froide, quand la Russie appauvrie n’osait même plus affirmer qu’elle méritait davantage que de la commisération.

Pressés d’étendre à l’Est leur avantage, les États-Unis avaient imposé l’élargissement de l’OTAN. De Vilnius à Bucarest, des pans entiers de l’ancien bloc soviétique tombaient dans l’escarcelle de l’Alliance Atlantique. Un projet paresseux, entretenu à la fois par l’administration Clinton et par les néo conservateurs bushiens. Paresseux parce qu’il rejetait de fait l’hypothèse d’une Russie intégrable à un Occident agrandi à sa surface eurasienne.

En pratiquant de la sorte, par défaut plutôt que sciemment, les Occidentaux ont gravement et durablement vexé Moscou — ce sont des choses qui ne se font pas. Nous venons d’entrer dans l’ère des conséquences. Le pétro-poutinisme musclé dessine désormais des lignes rouges, comme le faisait autrefois l’Union soviétique.

Que peut faire l’Europe? Premièrement, elle doit insister sur quelques principes simples: pas d’annexion d’un territoire souverain par la force, retrait des troupes russes de Géorgie, négociation, diplomatie. Ce qu’elle essaie de faire depuis le début de la «médiation» française — sans grand succès jusqu’ici.

En cédant trop facilement à la poussée du nouvel ours russe dopé aux hydrocarbures, elle s’exposerait à l’ouverture d’un cycle menaces-conflit-rétorsion avec Moscou. Qui dispose d’une carte maîtresse: l’énergie.

A trop dépendre du robinet à gaz sibérien, l’Union européenne (a-t-on entendu le silence assourdissant de l’Italie, grosse cliente de Gazprom, sur la guerre de Géorgie?) prend le risque d’affaiblir sa position face au Kremlin, ce qui revient à oublier ses principes.

Seul moyen de pression vraiment efficace, l’UE doit diversifier ses sources d’approvisionnement, pour se libérer d l’encombrante tutelle énergétique russe, jusqu’ici librement consentie. Du pétrole et du gaz? On en trouve de vastes quantités en Algérie… et en Iran.

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Intéressant papier dans le New York Times de l’éditorialiste Thomas Friedman, sur l’erreur majeure qu’a été l’extension du périmètre de l’OTAN à l’Est.

Courte, mais passionnante interview dans Libération de l’expert moscovite en questions militaires Pavel Felgenhauer, qui explique que l’avancée du rouleau compresseur russe en Géorgie n’est qu’une triomphe en trompe-l’œil.