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Coups de chaleur et pisse-froid

Pas facile, sous un cagnard agressif, avec encore le goût du farniente au bout des orteils, non, pas facile de reprendre, d’un coup, le collier.

Ainsi Christian Levrat s’est un peu ensablé en proposant l’instauration d’une procédure officielle qui permettrait au parlement d’éjecter fissa un membre du Conseil fédéral dont la tête, les manières, l’action ou les propos ne lui reviendraient pas. Et cela alors même que le PS, dont Levrat est tout de même le président, s’était clairement et bruyamment prononcé contre la démission de Samuel Schmid. Au contraire des Verts et de l’UDC, sans pitié et dans une concordance verte-brune inédite, réclamant la tête du bon Samy.

Justement, rétorque en substance Levrat, il s’agirait de contrer «ces manœuvres détestables» par une clarification de la procédure d’impeachment. Mettre à mort l’adversaire oui, mais dans les règles d’une corrida officielle, codifiée et civilisée.

Les explications de Levrat n’ont convaincu personne et le malheureux président du PS s’est vu soupçonner de vouloir à tout prix faire parler de lui, sur le mode «eh les gars, je suis là, voilà, les vacances c’est fini, mon portable fonctionne à nouveau».

Un art d’occuper la scène et l’avant-scène, même lorsque la salle est déserte, et dans lequel son collègue PDC Christophe Darbellay est passé depuis longtemps grand maître. Encore humide des embruns de la plage, ou serait-ce de l’écume des torrents alpins, le grand Christophe, lui a, au contraire, choisi de rallier le clan des manœuvriers détestables et de réclamer «la démission de Samuel Schmid». Puis d’effectuer dans la foulée, sur un tout autre sujet, un énième virement sur l’aile, en annonçant, contrairement à ce qui avait été décidé d’abord, que le PDC ne soutiendrait pas l’initiative «Contre les rémunérations abusives» lancée par l’industriel Thomas Linder. Motif: l’initiative va trop loin. Tandis que les salaires des grands patrons, eux, c’est bien connu, restent toujours dans le raisonnable et l’admissible.

Tout aussi inspiré, du fond de son Toggenburg bucolique, le boss UDC de façade Toni Brunner, jamais en vacances comme tout paysan qui se respecte, a lui plaidé pour un retour de Blocher au Conseil fédéral. Et pourquoi pas celui de Fidel Castro aux affaires?

Entre les ravages de la canicule sur des crânes mal protégés et la tendance du politicien d’aujourd’hui à être prêt à tout pour exister médiatiquement, il y a suffisamment d’explications pour justifier ces doux délires estivaux, ces envies furieuses, une fois fendus les flots, de battre la campagne. Soyons justes, les chefs de parti ne sont pas les seuls à souffrir du syndrome de la mi-août.

La Commission fédérale pour les problèmes liés au sida (CFPS) a par exemple profité du Congrès mondial contre le sida qui se tient à Mexico pour se faire remarquer et créer un semblant de polémique mondiale. En soutenant que les personnes séropositives devraient très bien pouvoir, d’un point de vue médical comme légal, pratiquer des relations sexuelles non protégées. Sous certaines conditions quand même, par exemple que «la thérapie ait supprimé les virus dans le sang depuis au moins six mois et qu’elle soit suivie systématiquement». Ou encore que «la personne ne doit pas être atteinte d’une autre infection sexuellement transmissible. » Ce qui semble en effet un minimum.

Tellement émue par ce joli coup, l’une des représentantes de la délégation suisse, interrogée au TJ par Maître Rochebin sur son prompteur perché, terminait son intervention depuis Mexico par cette précision péremptoire: « …ici, à Toronto».

Et puis il y a cette pauvre Esther Maurer. Qui? La municipale socialiste zurichoise en charge de la police.

Maurer, un nom qui paraît porter malheur à Zürich. D’autant que la dame s’est lancée dans un combat sinon douteux, du moins appelé à battre des records d’impopularité: désalcooliser la fameuse Street Parade, notamment en interdisant aux bistrotiers du Niederdorf et des Limmatquai d’ouvrir des stands en plein air.

«Nous ne pouvons plus tolérer que des prises de vue de jeunes attaquant les samaritains et urinant contre les ambulances, quand ils ne tombent pas ivres morts, fassent le tour de la planète, cela nuit à l’image de Zurich».

La bière, pourtant, voilà une manière pas plus sotte, ni plus inefficace qu’une autre, de lutter contre les coups de chaleur qui semblent n’épargner plus personne. Même pas les pisse-froid.