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L’Union méditerranéenne fait une première victime: l’entente franco-allemande

Pour les Romains, la Méditerranée était tout simplement Notre mer, «Mare nostrum»: ils en contrôlaient le pourtour, y naviguaient librement d’une rive à l’autre.

Vers 1500, les Modernes, confrontés à la présence du Turc et des pirates, en modifièrent le nom en en faisant la mer née au milieu des terres. Sans changer de place, elle leur était devenue largement hostile, la nuance tenait compte de la modification des rapports de force.

La victoire de Lépante (1571) laissa le champ libre aux républiques italiennes qui purent y commercer mollement (mais avec profit!), l’essentiel des flux commerciaux s’étant déplacé vers l’Atlantique et l’Europe du Nord.

Or voici que la Méditerranée fait un retour remarqué sur la scène internationale grâce à l’imagination de Nicolas Sarkozy. Pendant sa campagne électorale, il avait extrait de son inépuisable boîte de Pandore le projet d’une Union méditerranéenne regroupant les pays riverains et ceux qui dans l’Union européenne seraient intéressés.

Réunis à Rome à la veille de Noël, les dirigeants italien, français et espagnol officialisaient le démarche en convoquant une réunion de tous les chefs d’Etat concernés à Paris les 13 et 14 juillet prochains. Histoire pour Sarkozy d’aligner une belle brochette sur les Champs-Elysées pour sa fête nationale. Et de se pavaner en glorieuse compagnie pour donner du relief à sa présidence européenne. Nul doute que la présence de quelques dictateurs comme Bouteflika, Kadhafi ou Moubarak fera remonter sa cote dans les sondages.

Comme le notaient les agences au lendemain de l’appel de Rome, il s’agira de définir une vision commune et les contours des projets qui seront mis en œuvre dans l’espace méditerranéen. Quand on voit l’entente qui règne entre Grecs et Turcs, entre Chypriotes grecs et turcs, entre Libanais chrétiens ou chiites, entre Israéliens et Palestiniens, il saute aux yeux que le flou sera de mise et que cette belle idée coulera aussi sûrement qu’un migrant africain jeté à la mer au large des récifs de Pantelleria.

C’est dommage car cela aurait pu être une belle idée. Dans un monde globalisé, des ententes régionales permettent aux partenaires d’élaborer des politiques communes pour ne pas être avalés tout crus par plus puissants qu’eux. Dans un monde juste, cela donnerait aussi aux plus forts l’occasion d’aider les plus faibles. Mais cela suppose, quel que soit le niveau de collaboration interétatique, une longue préparation diplomatique, un lent travail d’approche, une fine étude des crispations possibles. Rien de tout cela n’a été fait.

Une fois de plus, Sarkozy la joue clinquant. Pis même, il sème le trouble dans l’Union européenne. Tenue à l’écart du projet de son homologue français, la chancelière allemande boude. Alors qu’elle devait rencontrer Sarkozy ce lundi 3 mars, elle s’est arrangée pour renvoyer le sommet de trois mois. Autant dire aux calendes grecques. Il est désormais clair qu’Angela Merkel n’a pas l’intention de cautionner plus longtemps les fantaisies d’un homme qui se permet de surcroît de lui taper sur l’épaule comme s’ils avaient naguère gardé les vaches ensemble.

Si l’Union européenne ne mourra pas d’un coulage prématuré de l’Union méditerranéenne, elle risque par contre, elle qui n’est déjà plus très vaillante, de s’étioler si Berlin et Paris commencent à se tirer dans les pattes.

De ce point de vue, la situation est aggravée par le fait que l’Allemagne entre dans une campagne électorale qui s’annonce très dure et que Sarkozy, blessé dans son ego par sa soudaine impopularité, va multiplier les coups d’esbroufe sans se soucier de ce qu’il écrase sous ses gros souliers.