L’oligarque milanais jubile. Si les Italiens sont appelés aux urnes en avril, il pourrait retrouver le fauteuil de président du Conseil des ministres.
Suite à la démission de Romano Prodi, la campagne électorale a démarré sur les chapeaux de roues. Pour qui en douterait, une photographie parue dans les journaux du dimanche 27 janvier en témoignerait. On y voit la photo d’un baptême prise dans l’église romaine de San Lorenzo. La jeune mère est la fille d’un haut dirigeant de Forza Italia, le parti berlusconien. A sa droite, Walter Veltroni, est le parrain du bébé.
Veltroni n’est autre que le chef de file du centre gauche, secrétaire général du parti démocrate. Le personnage est très populaire. Né en 1955, élu en 2006 maire de Rome avec plus de 61% des voix, plusieurs fois ministre, il appartint successivement aux groupes dirigeants du parti communiste et des démocrates de gauche avant de fonder en automne dernier le parti démocrate en fusionnant avec une fraction de l’ancienne démocratie-chrétienne.
Depuis quelques semaines Veltroni a semé la zizanie dans les rangs de la coalition gouvernementale en prenant ouvertement langue avec Silvio Berlusconi afin de concocter une réforme de la loi électorale.
Cette loi, fondée sur une proportionnelle presque intégrale, n’a pas permis lors des élections de 2006 de dégager une majorité de gouvernement. La coalition Prodi, avec 25’000 voix d’avance seulement, n’obtint au Sénat qu’une majorité infime en dévoyant des élus tels que Domenico Fisichella, un monarchiste ancien ministre de Berlusconi!
Dire que cette absence de majorité stable a contraint Romano Prodi de naviguer à vue en louvoyant entre des écueils chaque jour plus nombreux tient de l’euphémisme. Mais à partir du moment où les leaders des deux principaux partis italiens, Veltroni et Berlusconi, ont fait semblant de négocier pour éviter la fragmentation des forces politiques en imposant un quorum pour avoir droit à des élus, la vie du gouvernement était suspendue à un fil.
Ce fil a cassé la semaine dernière avec le retrait du ministre de la justice Mastella et de son parti (1% des voix!) de la coalition. Le prétexte? Sa mise en cause (et l’arrestation de sa femme) dans un trafic d’influence d’odeur mafieuse. Mais surtout, sa crainte de disparaître politiquement en cas d’introduction d’un quorum. Si les élections sont anticipées, le scrutin se déroulera selon la loi actuellement en vigueur.
L’arbitrage de la crise repose sur les solides épaules d’un ancien stalinien, Giorgio Napolitano (83 ans), aujourd’hui président de la République. Il doit, selon la constitution, soit charger une personnalité de former un gouvernement capable de réunir les soutiens nécessaires dans les deux Chambres, soit renvoyer tout le monde devant les électeurs.
Il est possible que le président cherche à favoriser la formation d’un gouvernement de transition dont l’objectif quasi unique serait de modifier la loi électorale. Sont en principe favorables à cette solution les démocrates de Veltroni, quelques petits partis suicidaires mais (probablement) déjà casés, le patronat et les syndicats.
Or sans Berlusconi, cela ne fait pas une majorité.
Il y aura donc quelques tours de piste, mais en fin de compte, il est vraisemblable que les Chambres seront dissoutes et les électeurs convoqués aux urnes. Donné largement gagnant, Silvio Berlusconi pourra ainsi retrouver pour la troisième fois le fauteuil de président du Conseil des ministres. Comme en 1994, comme en 2001.
Est-ce à dire que ce retour devant les électeurs va faire le désespoir de Veltroni? Pas du tout. Dans un pays voué à la gérontocratie, le maire de Rome avec ses 53 ans passe presque pour un gamin. L’avenir lui appartient. Le pari de Berlusconi est somme toute assez aléatoire: c’est lui qui risque, grâce à une loi concoctée par ses services, de se retrouver avec à la tête d’une majorité très étriquée et fort peu stable. Mais il n’en a cure tant son désir de revanche sur les «communistes» est violent.
Cela donnera à Veltroni le temps nécessaire pour consolider son parti démocrate à grand coups de discours centristes, mais sans risque pour personne quand le moment sera venu d’accéder au pouvoir. On n’a jamais vu, sous quelque latitude que ce soit, des centristes réformer quoi que ce soit.