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Blocher éjecté: le sursaut du ventre mou

On ne les croyait pas cap. Les timorés du PDC ont pourtant réussi à fomenter la chute de la maison Blocher. Récit d’une journée haletante.

On était prêt à se gausser du ventre mou et du centre flou. Les plumes étaient affûtées pour fustiger la couardise et l’indécision du PDC, incarné par Darbellay, l’ambitieux pour la galerie, et Schwaller, le fantôme des travées, incapables d’oser attaquer Blocher de front et louvoyant pendant une bonne semaine.

Au matin du 12 décembre, le dernier scénario qui se dessinait, dit «écran de fumée», et consistant à élire un autre UDC que Blocher, ne semblait pas convaincre grand monde. Cela ressemblait à une misérable façon de réélire Blocher sans le dire, sans se salir les mains, sur le thème du «essayé pas pu, l’honneur est sauf».

Au final, boum, badaboum, le putsch paraît avoir été conduit de main de maître. Un assassinat tout en finesse et élégance: sans revendiquer le siège de Blocher pour eux-mêmes, en respectant le sacro-saint dogme de la concordance, les PDC, avec l’aiguillon des Verts et de la candidature Recordon, ont su catalyser et fédérer un rejet de Blocher qu’on n’imaginait pas aussi solide.

Mais tous, PDC, socialistes, Verts et les quelques radicaux qui ont participé au complot, se rejoignaient dans le même verdict sans pitié.

A commencer par l’ex-collègue de Blocher, le ci-devant et futur président Pascal Couchepin: «Ce résultat montre que le Parlement demande à un Conseiller fédéral de ne pas être en même temps leader ou trop proche d´un parti… De se mettre au service de son pays plutôt que d´une idéologie.» Et toc pour le Duce.

Quant au corsaire Darbellay, il interprétait le non à Blocher comme «un oui à un gouvernement plus serein, à la concordance, à cette volonté de gouverner ensemble, de trouver des solutions et non pas de faire du spectacle».

Et il sait de quoi il parle, le grand Christophe, qui veut néanmoins y voir une «journée historique» et un «réveil républicain, dans le bon sens du terme».

Pour le président des radicaux Fluvio Pelli, l’UDC ne peut s’en prendre qu’à elle-même et l’échec de Blocher serait dû «à ses provocations». Il aurait donc lui-même «tout fait pour rendre sa réélection difficile».

Même son de cloches chez le vice-président du PDC Dominique de Buman, pour qui ce vote exprime un «sentiment de ras-le-bol vis-à-vis de toutes les atteintes portées à la démocratie».

Le vaudois Claude Ruey, lui, faisait partie de ceux qui en 2003 avaient voté Blocher, avant de se sentir rapidement «le cocu de cette élection» avec un Conseiller fédéral «resté chef de l’opposition et incapable de se montrer homme d’Etat».

Bref, à force de danser sur le ventre de tout un chacun, de bousculer la collégialité, d’avoir un pied au Conseil fédéral et un pied contre, d’étaler sa morgue et son arrogance par militants interposés, Blocher a fini par lasser une majorité de parlementaires.

Il a assez été dit que les institutions suisses abritaient en leur sein une impitoyable et muette machine à broyer le pouvoir personnel, pour ne pas s’étonner que le piège se soit refermé, aussi, in fine, sur Blocher.

Furibards, les spadassins UDC annoncent donc vouloir quitter le gouvernement au motif que Samuel Schmid et l’éventuelle Eveline Widmer Schlumpf seraient «de faux UDC». Mais le 21 octobre dernier, lorsqu’il s’agissait de compter les sièges UDC au parlement, on n’a pas fait cette distinction et accepté les bulletins de vote bernois comme grisons.

Au demeurant les réactions outrées –- celle par exemple d’un Oskar Freysinger comparant le vote du 12 décembre à «cinq secondes d’orgasme» qu’il faudrait payer «de 20 ans de pension alimentaire» –- ont montré une dernière fois que l’UDC blochérienne, par son idéologie et son style, se situait au-delà de toute concordance civilisée.

La veille déjà, tous les partis, sauf l’UDC prônant des coupes claires dans tous les secteurs, avaient accepté l’entrée en matière sur le budget 2008.

Bon vent donc à la nouvelle force d’opposition et puisse-t-elle le rester aussi longtemps que nous le promet le poète Freysinger.