«Le haut de gamme représente 15% des ventes mondiales de chocolat et connaît une croissance annuelle à deux chiffres. En phase avec les attentes du consommateur, ce segment reste encore largement inoccupé en Suisse.» Elias Gharbi, 43 ans, a donc décidé de combler ce vide et de lancer sa propre marque, baptisée «Le Carré des Chocolatiers».
Le concept de cet ancien cadre de Nestlé consiste à regrouper plusieurs artisans afin d’améliorer l’offre. Pour ce faire, il emploie sous mandat cinq chocolatiers romands, dont un «alchimiste du goût» avec lequel il a défini ses neuf gammes de produits. A l’image des capsules Nespresso, modèle dont l’entrepreneur déclare ouvertement s’être inspiré, ses produits sont disponibles en ligne au prix de 40 francs la boîte de 200 grammes, soit 200 francs le kilo. A titre de comparaison, le prix moyen des pralinés vendus en confiserie est de 85 à 120 francs le kilo.
La clientèle visée se veut donc exigeante et urbaine. «Mon investissement initial s’est élevé à 300’000 francs, indique Elias Gharbi. Je compte atteindre en trois ans un volume de vente de 15 à 20 tonnes puis initier, dans un second temps, des partenariats avec des fleuristes, des spas ou des restaurants afin d’établir de nouveaux «moments chocolats». J’envisage aussi de proposer des séminaires de dégustation aux entreprises.»
Au niveau mondial, le marché de la confiserie à base de chocolat, estimé à 90 milliards de francs, a connu une croissance de l’ordre de 3,5% cette année. Selon l’institut Euromonitor International, la maturité du marché des chocolats industriels en Europe occidentale et en Amérique du Nord fait que la croissance dans ces régions proviendra de plus en plus des produits haut de gamme, vendus plus chers. Dès lors, le secteur n’intéresse plus uniquement les artisans (au nombre de 150 en Suisse), mais aussi de grands groupes comme le géant zurichois Barry Callebaut, leader mondial des fabricants de produits à base de cacao. Fondée par le célèbre entrepreneur Klaus Jacobs, la firme fournit à la fois les multinationales et les artisans.
Preuve de l’évolution du marché: le poids relatif du secteur artisanal ne cesse de croître au sein du groupe. Sur un chiffre d’affaires de 4,1 milliards de francs en 2006/2007, les ventes du groupe aux artisans se sont élevées à 590 millions de francs, contre 492 deux ans plus tôt, soit une croissance de 20%. La demande en produits de qualité provenant de la région méditerranéenne, du Royaume-Uni et d’Europe orientale, en particulier de Russie où Barry Callebaut vient de construire une nouvelle usine, se montre particulièrement soutenue.
Le chocolat artisanal ne se différencie pas que par les ingrédients utilisés et son prix beaucoup plus élevé. «Pour être qualifié de haut de gamme, il doit être fabriqué à une température ambiante de 20 degrés par des pâtissiers confiseurs professionnels, puis consommé le plus frais possible», souligne Stefan Romang, président de l’union suisse des patrons pâtissiers-confiseurs.
Qu’en est-il des saveurs les plus demandées actuellement? «Les préférences des consommateurs s’orientent de plus en plus vers le chocolat noir, qui permet de nombreux mélanges, et celui fabriqué à partir de fèves spécifiques à un pays d’origine, remarque Josiane Kremer, porte-parole de Barry Callebaut. Nos clients sont en outre de plus en plus conscients des avantages du cacao pour la santé.» Raison pour laquelle le groupe, qui compte 37 sites de production dans 23 pays et emploie 8000 personnes, accorde une importance particulière au développement de produits «tooth-friendly» non calorifique ou incluant des saveurs exotiques et des épices telles que le chili, la lavande ou même des champignons.
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 15 novembre 2007.