Après avoir lancé sa maison de production, l’ancien patron de l’info de la TSR Philippe Mottaz s’offre un retour inattendu dans le service public, à la tête de la chaîne nationale anglophone WRS qui a démarré ses programmes la semaine dernière.
Le nouveau bureau de Philippe Mottaz donne sur l’arrière de la tour TSR. Il y a une certaine ironie à le retrouver ainsi, dans l’ombre de cette grande maison qu’il rêvait de diriger. Célèbre correspondant aux Etats-Unis, puis directeur de l’info de la chaîne romande, Mottaz s’était démené pour digitaliser les esprits (et accessoirement les processus de fabrication du Téléjournal) dans la grande Tour. Une mission ponctuée par une déception: celle de ne pas avoir été choisi comme directeur général de la chaîne.
Après avoir lancé Anyscreen, une maison de production spécialisée dans les nouveaux médias, Philippe Mottaz s’offre un retour dans le service public SSR-SRG-Idée Suisse par une porte dérobée: la direction de la nouvelle chaîne anglophone World Radio Switzerland (WRS), dont les émissions ont démarré lundi. «Cela s’est fait complètement par hasard, confesse l’intéressé. C’est vrai que j’avais le profil de l’emploi, mais je ne voulais pas devoir abandonner mon activité indépendante. On m’a offert la possibilité exceptionnelle de prendre le poste à 80% et de poursuivre Anyscreen en parallèle, alors j’ai accepté.»
La nouvelle WRS est née du changement de statut et de l’extension nationale de World Radio Geneva (lire ci-dessous). De fait, la chaîne prend une nouvelle dimension: elle conserve sa présence sur la bande FM 88.4 sur l’arc lémanique mais sera désormais aussi diffusée par satellite dans toute l’Europe, sur le câble dans toute la Suisse, puis grâce au réseau numérique terrestre DAB mis en place sur l’ensemble du territoire national. «La population anglophone et anglophile, à laquelle s’adresse la chaîne, ne cesse de croître. Entre le recensement de 1990 et celui de 2000, les habitants du pays qui pratiquent régulièrement l’anglais sont passés de 15% à 30%.»
Pour la première fois en Suisse, un média électronique pourra réunir des auditeurs de tout le pays autour d’une même langue. «Nous allons en profiter pour organiser des débats politiques, en anglais, entre des Alémaniques et des Romands. Ce sera une sorte de terrain neutre linguistique.» La chaîne jouera aussi le rôle de vulgarisateur de la chose publique helvétique, réputée complexe. «Nous voulons dire à nos auditeurs: vous vivez ici, nous allons vous expliquer simplement ce qui est important pour vous, quels sont les débats qui agitent la nation et ce que vous devez en retenir. La radio devient ainsi un outil d’intégration.»
Le programme du matin – 6h-9h – sera logiquement orienté autour de l’actualité, avec une partie internationale reprise de la BBC puis dès 6h20 des infos nationales et locales maison qui s’achèvent, entre 9h et 10h, par une partie interactive pendant laquelle les auditeurs interviennent à l’antenne. «La tranche 16h-19h se veut plus détendue. Avec une approche originale: les journalistes racontent en direct leurs observations du jour, en relation ou pas avec les sujets qu’ils ont traité. Je veux mettre l’accent sur ce genre de constats à chaud, pour que l’auditeur réalise que nous sommes comme lui: nous découvrons les choses.» Le site Web de la chaîne proposera les programmes en podcast ainsi que des clubs thématiques. «La présence online sera développée progressivement, y compris avec de la vidéo.» Côté audience, les ambitions ne sont pas encore affichées car WRG n’était pas mesuré avec les outils usuels. La chaîne revendiquait, de manière statistique, 50’000 auditeurs réguliers.
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De «Geneva» à «Switzerland»
La chaîne World Radio Geneva a démarré sur les ondes en 1996. L’actionnariat se partage alors entre la SSR, l’agence britannique Reuters et le défunt Journal de Genève. Voyant les comptes systématiquement dans le rouge, Reuters n’a cessé de vouloir se retirer de l’entreprise. En 2000, c’est le soulagement pour l’agence britannique lorsque la BBC lui rachète l’essentiel de ses parts. Ensuite, la chaîne sera possédée à 40% par la BBC, 40% par la Radio suisse romande, et 20% par un groupe d’investisseurs mené par Le Temps et Reuters. La licence particulière, octroyée au lancement, donnait le droit à WRG de commercialiser des espaces publicitaires, malgré un financement majoritairement public qui devait le lui interdire. C’est en partie pour régulariser cette situation «hybride» que SSR-SRG-Idee Suisse a repris l’ensemble de la chaîne, profitant au passage des nouvelles fréquences numériques pour la rendre nationale. La BBC reste un partenaire de la chaîne, en tant que prestataire de service, mais n’a plus de part dans l’entreprise.