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Blocher, une victoire à la Poutine

Un style, plus qu’un parti, a triomphé le 21 octobre: l’autoritarisme émotionnel, dont un bon exemple nous vient de la Russie.

Cela valait bien la peine: inonder le pays d’affiches moutonnières pour nous expliquer que certaines couleurs étaient plus jolies que d’autres, et se retrouver avec le premier Noir élu au Conseil national, Richard Lumengo, ancien requérant d’asile. Avec aussi, en sus, une volée de bois vert, dont s’indigne le «Matin» qui ne digère pas le traitement réservé à nos belles élections par la presse étrangère.

Son rédacteur en chef Peter Rothenbüler crie même à la calomnie et, ce faisant, donne un peu raison aux détracteurs de la Suisse blochérienne: la paranoïa nationaliste, hurlant au complot contre la patrie, fustigeant des journalistes étrangers qui ne comprennent rien aux admirables particularités locales et au génie du peuple, est, en effet, une caractéristique des pays où règne un pouvoir autoritaire. On a vu par exemple refleurir ce genre de diatribes en Russie dès l’arrivée de Vladimir Poutine au Kremlin.

Certes, la presse étrangère n’a pas vraiment fait dans la nuance après le raz de marée UDC: «Le racisme arrive au pouvoir» (El Pais); «Frappez fort, ayez le soutien des milieux économiques, ne soulevez pas les vrais problèmes mais jetez le discrédit sur l´étranger. Demain, vous aurez le pouvoir» (Le Soir, Bruxelles); «La droite xénophobe a triomphé en Suisse» (La Repubblica); «La victoire du tapage, de la simplification et de la provocation» (Handelsblatt, Hambourg), etc.

Mais parler, comme Peter Rothenbüler, d’une Suisse «attaquée dans son intégrité et son honneur» est plus qu’exagéré: c’est prendre le monde entier de très haut, une attitude plutôt vulgaire qui avait longtemps épargné la Suisse.

C’est au fond assez logique: avec l’UDC les mœurs changent, se font plus grossières. On a vu les blochériens se gausser très grassement, pas loin des cris de singes qui résonnent dans les stades, lorsque Doudou Diène, le rapporteur de l’ONU pour les questions de racisme, s’était avisé d’adresser quelques remarques critiques à la Suisse. Comme on avait vu le Kremlin en plein conflit tchétchène tourner ouvertement, publiquement en bourrique, cacochyme gentleman britannique, Lord Judd, représentant du Conseil de l’Europe qui lui aussi la ramenait avec de vieux principes rances les droits de l’homme par exemple.

A propos d’instances européennes, l’OCDE avait envoyé des observateurs scruter les élections suisses, ce qui a provoqué l’ire du conseiller national UDC Ulrich Schluer, fustigeant «ces contrôleurs étrangers» qui seraient «du pain béni pour les fonctionnaires, les medias et les ONG».

Que diable viennent faire ici les ONG ici? Notons, pour rester dans la comparaison russe, que les ONG sont également l’une des cibles préférées du poutinisme qui a fait voter une loi leur interdisant de recevoir des fonds de l’étranger, cet étranger malfaisant qui était leur seul donateur.

On a vu, enfin, dimanche soir, Ueli Maurer tranquillement dicter la prochaine composition du Conseil fédéral, comme aussi Poutine dicte les conditions de sa succession. Avec la même arrogance satisfaite, le même ricanement au bord des lèvres, au nom du peuple, contre les médias étrangers, et le reste du monde. Bien sûr, jamais Blocher et les siens n’auront la même mainmise sur le pouvoir. Il y a juste une similitude d’attitude, et de vision du monde, une vision qui s’arrête aux frontières politiques intronisées limite entre le bien — ici — et le mal — là-bas.

A cet égard pour tous ceux qui ont vécu le 21 octobre comme une bérézina attendue de la raison et de l’esprit, l’élection de Richard Lumengo fait figure de consolation symbolique. Lui que le parti de la Liberté — sous officine caricaturale de l’UDC — décrivait récemment ainsi: «Pour nous, le nom Lumengo ne désigne pas une personne en particulier. Il s’agit simplement d’un synonyme pour un Noir qui tôt ou tard s’installe illégalement en Suisse.»

Notons qu’à Moscou, après 8 ans de poutinisme, de glorification émotionnelle, irrationnelle du peuple russe et de ses infinies qualités, par opposition aux intellectuels cosmopolites et autres étrangers sournois, les rares Noirs qui restent n’osent plus sortir dans la rue.