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Trois étudiants menacés de mort pour une pièce de théâtre

La pièce, qui a seulement été publiée dans une revue de campus, met en scène un universitaire qui veut réussir ses examens et un Imam disparu il y a 1300 ans. Le procès de ses jeunes auteurs s’ouvre mercredi à Téhéran.

C’est une plaisanterie de collégien qui pourrait coûter la vie à ses auteurs. Le procès d’Abbas Nemati, Hamed Ahangari et Mohammad Reza Namnamat, tous trois étudiants à l’école polytechnique, s’ouvre ce mercredi à Téhéran. Ils ont écrit une pièce de théâtre d’un seul acte, jamais portée à la scène et photocopiée à 150 exemplaires dans «Mowj» (la vague), une obscure revue de campus.

Il n’empêche, cet opuscule a déclenché un scandale sans précédent en Iran. Pour les religieux purs et durs, opposés aux réformes du président Khatami, l’occasion était trop belle de montrer que l’ouverture culturelle multiplie les blasphèmes, comme celui que Salman Rushdie est accusé d’avoir commis en 1989 avec ses fameux «Versets Sataniques».

Les conservateurs sont montés unanimes au créneau pour défendre les «valeurs sacrées» de l’Islam. Ils ont aussi crié au «complot», mené par les ennemis de la Révolution. Durant des années, ces ennemis désignaient les Etats-Unis (aussi appelés l’«Arrogance Globale») et Israël (appelé l’«Entité Sioniste»). Désormais, les «ennemis» désignent les jeunes et les religieux réformateurs du président, qui sont assez populaires pour remporter haut la main les élections parlementaires de février 2000.

Le bazar de Téhéran, toujours très proche des conservateurs, a même fermé ses portes un jour entier pour protester contre ce «blasphème», et de nombreux responsables religieux ont appelé à une exécution immédiate des coupables. La polémique allait tellement loin qu’au début octobre, le Guide suprême de la Révolution, l’ayatollah Ali Khamenei, a dû lancer un spectaculaire appel au calme pour empêcher que les étudiants ne soient lynchés.

La pièce, intitulée «Les examens universitaires et l’heure de l’apparition», met en scène le douzième descendant du Prophète, l’Imam Mahdi, aussi appelé Imam du Temps ou Imam Caché, disparu il y a 1300 ans. Les musulmans chiites s’attendent à ce qu’il revienne lorsque le monde sera trop injuste et trop dépravé. Il devrait alors recruter 313 disciples et rétablir l’ordre divin sur terre grâce à son gouvernement de complète justice. Le martyre, dont il est question dans la pièce, est un élément central du chiisme, religion mortifère.

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Largeur.com s’est procuré le texte intégral de la pièce.

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Serge Michel, journaliste, est basé à Téhéran.