Se gonfler soi-même les lèvres avec du collagène, c’est désormais possible. Les fabricants exploitent ainsi la popularité des méthodes chirurgicales. Qu’en pense la médecine?
«De belles lèvres pulpeuses», «un visage juvénile sans subir de douloureuses injections». Ces arguments séduisants vantent les derniers venus dans l’univers des cosmétiques, soit les crèmes réductrices de rides, les crayons et autres «gloss repulpeurs», tous à base de collagène. Connue pour ses vertus «volumisantes» en chirurgie et médecine esthétique, cette protéine se trouve désormais au rayon parfumerie des grandes surfaces.
L’engouement actuel pour la chirurgie esthétique n’a pas échappé aux grandes marques du secteur. Disponible depuis quelques semaines sur le marché suisse, le «Combleur Collagène» de L’Oréal promet «des résultats spectaculaires dès la 1re application».
Selon le fabricant, une nouvelle technique permet la pénétration des molécules de collagène dans la peau: sto-ckées sous leur forme déshydratée, elles se gonflent ensuite au contact de l’eau qui se trouve à l’intérieur même de l’épiderme.
«C’est un succès extraordinaire et rapide, s’enthousiasme Agnès Jarlet, la porte-parole de L’Oréal. C’est bien simple, la crème au collagène sera bientôt le produit le plus vendu de notre gamme dermatologique. Les clients ne semblent pas craintifs vis-à-vis de ce soin. En revanche, ils nous posent des questions sur ses différentes utilisations, ainsi que sur sa compatibilité avec d’autres crèmes.»
Autre cosmétique à base de collagène, LipFusion, de l’américain Fusion Beauty, connaît un succès immense aux Etats-Unis, grâce notamment à des campagnes associant des stars. Présenté comme le produit adulé par les célébrités, LipFusion «adoucit les fines lignes et ridules et repulpe» par le même processus de réhydratation du collagène.
«Si les molécules fibreuses sont vectorisées à travers l’épiderme à l’aide de supports adéquats, il est possible qu’elles se réhydratent et prennent un peu de volume», admet le Dr Patrick Micheels, médecin genevois qui connaît bien les traitements esthétiques.
S’il confirme que la cosmétologie ne cesse de progresser, le médecin tempère l’optimisme des messages publicitaires: «Ces produits restent des cosmétiques qui ne peuvent être comparés aux injections médicales utilisées en chirurgie esthétique. Surtout parce que leurs effets ne se maintiennent que quelques heures, parfois quelques jours, alors qu’une injection résiste plusieurs mois. Mais c’est vrai qu’ils estompent légèrement les petites ridules.»
L’avantage? Pour moins de 50 francs, on retouche soi-même son visage à domicile. Sans conséquences? «Les risques sont les mêmes que pour tout autre cosmétique, c’est-à-dire les réactions allergiques ou d’intolérance», poursuit Patrick Micheels.
Un avis partagé par le Dr Gürkan Kaya, chef de clinique scientifique au service dermatologique des Hôpitaux universitaires de Genève: «Les produits cosmétiques contenant du collagène peuvent engendrer de rares réactions cutanées locales, comme des rougeurs, un oedème ou une dermite de contact.» Des risques finalement réduits si on les compare aux ratages possibles des injections chirurgicales, si souvent visibles dans les pages mondaines des magazines…
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 8 juin 2006
