GLOCAL

Subventionner les écoles privées? Le débat est relancé

Le PDC demande à l’Etat de faire un geste pour ceux qui scolarisent leurs enfants dans le privé. Réactions outragées. Mais au niveau fédéral, les choses ont bougé.

Subventionner l’école privée? L’idée semble paradoxale. Mais c’est une affaire tout à fait sérieuse pour le PDC genevois. Le parti prépare une motion demandant une déduction fiscale pour les parents souhaitant envoyer leurs enfants dans un établissement privé.

Après un premier texte rejeté en décembre, «nous allons revenir à la charge avec une proposition qui fixera le montant du rabais à 5000 francs», indique Guy Mettan, chef du groupe PDC. Coût de la mesure: «Moins de 10 millions par an.» Michel Besson, secrétaire général de l’Association des écoles privées genevoises (AGEP) propose, lui, un «chèque formation» de 2000 francs, distribué aux ménages qui inscrivent leurs enfants dans le privé. Une idée «intéressante» qui pourrait être incluse dans la proposition démocrate-chrétienne, selon Guy Mettan.

Pour ce dernier, il s’agit de régler une injustice fiscale: «Les parents qui placent leurs enfants dans le privé paient double: une fois dans le cadre de leurs impôts, l’autre pour les frais d’écolage.» Et de préciser qu’une telle mesure s’adresse aux très nombreuses familles de la classe moyenne qui se saignent pour donner aux enfants une éducation privée, parfois rendue nécessaire par un profil particulier (handicap, problèmes disciplinaires, enfant surdoué).

Il y voit une traduction du «libre choix de l’écolage, que tout contribuable devrait avoir», notamment lorsque l’offre ne répond pas aux besoins de la population. Ainsi, dans le canton, la demande pour les formations anglophones dépasse les capacités de l’école publique. L’argument est économique: pour garder son statut de ville internationale, Genève doit soigner son offre en matière d’écoles bilingues.

Mais le PDC se trouve bien seul, face à un «bloc laïc» décidé à défendre le système public. «La priorité est de financer l’école publique, obligatoire, laïque et gratuite», assure le radical Gabriel Barrillier. Or, la subvention déguisée que propose le PDC «risque de péjorer l’instruction publique au profit du privé». Une position que partage le chef du Département de l’instruction publique Charles Beer: «Cette proposition renforce certaines inégalités et remet en cause le principe d’équilibre entre privé et public», affirmait-il en décembre devant le Grand Conseil.

Le député socialiste Christian Brunier, membre de la Commission de l’enseignement, s’insurge contre une proposition qui mène à «l’injustice so- ciale». «Pour être cohérent, il faudrait accorder des rabais fiscaux également à tous les usagers de voiture qui n’utilisent pas les transports publics», note-t-il avec ironie.

La partie est donc loin d’être gagnée pour le PDC genevois. Ailleurs, le jeu s’annonce tout aussi serré. En 2000, les constituants vaudois ont enterré une proposition de bons scolaires proche de celle de l’AGEP. Aujourd’hui, l’Association vaudoise des écoles privées (AVDEP) tente, sans succès pour l’instant, d’associer les écoles privées au système cantonal de bourses. Au Tessin, le peuple a refusé en 2001 une initiative émanant des milieux ecclésiastiques demandant l’introduction de chèques formation pour les enfants scolarisés dans une école privée, notamment confessionnelle.

Le débat oppose en fait deux conceptions foncièrement différentes de l’éducation. L’idée radicale, héritée du XIXe siècle, d’une école laïque forte et ouverte à tous se heurte au soutien démocrate-chrétien pour les établissements privés, souvent liés à l’Église. «C’est une vieille histoire qui est irrémédiablement liée à celle de votre parti», n’a pas manqué de faire remarquer Charles Beer à Guy Mettan.

Mais le renouveau pourrait bien venir d’en haut. La nouvelle plateforme du Parti radical suisse sur la formation, adoptée début avril, veut accorder aux parents le droit de choisir un gymnase (secondaire supérieur) sur la base des prestations offertes et non plus d’une seule logique territoriale. «Les radicaux ont fait un pas important en direction du libre choix de l’écolage. La faction nationale est allée plus loin que la genevoise», analyse le libéral Pierre Weiss, qui soutient la proposition du PDC et qui dirige le groupe de travail pour l’Union libérale-radicale.

Cependant, ce libre choix ne serait accordé que pour les établissements publics. «En subventionnant les écoles privées, on prend le risque d’affaiblir le système public», note la conseillère nationale Christa Markwalder, en charge du volet formation pour le PRD. En attendant que le vent tourne, les établissements privés s’organisent entre eux: la Fédération suisse des écoles privées a constitué un fonds de bourses. En 2005, elle a distribué pour 260’800 francs d’aides aux élèves du privé.

——-
Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 13 avirl 2006.