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Sauvetage des riches, sauvetage des pauvres

Le «ministère russe des Situations d’urgence» surveille de près des énergumènes, plus nombreux chaque printemps, qui semblent comme aimantés par le pôle Nord. La semaine dernière, c’est un Suisse qui s’est retrouvé piégé par la glace dès le deuxième jour de son périple polaire.

Considéré comme une «aventurier de l’extrême» dans son pays d’origine, le Bernois Thomas Ulrich a été qualifié de «touriste» dans les communiqués de presse des agences russes qui ont déjà relaté les péripéties de maintes expéditions avortées.

On n’a pas oublié le sauvetage de Mike Horn, rapatrié d’urgence pour cause de doigts gelés en 2002. Le «surhomme» apprenait à ses dépends que le grand froid peut avoir des conséquences fâcheuses: «Dix secondes ont suffi. Mes mains étaient humides. J’ai voulu mettre mes chaussures sans mes gants. A moins 50 degrés, cela ne pardonne pas», avait-t-il raconté à son arrivée à Genève.

Thomas Ulrich, un photographe de 39 ans, a appris de son côté qu’une couche de glace insuffisante peut céder sous le poids d’un homme et de son chargement. Il avait commencé le 7 mars son expédition depuis le cap Arktitcheski équipé d’un téléphone satellite, d’un bateau gonflable et d’un traîneau avec des réserves de nourriture pour 100 jours. Son objectif: traverser le pôle Nord de la Sibérie au Canada, soit une distance de 1725 kilomètres.

Le lendemain de son départ, il appelait au secours. La glace sur laquelle il se déplaçait s’est détachée, une partie de son matériel a coulé et il se trouvait sur un morceau de banquise à la dérive. Le pauvre homme n’a pu être secouru que deux jours plus tard, en raison du mauvais temps.

Deux hélicoptères, après un vol de 1400 kilomètres, ont découvert «un sportif de l’extrême qui, en dépit des circonstances stressantes, se portait bien et disposait du matériel nécessaire», dixit Hans Ambühl, chef de son fans club basé à Interlaken et resté en contact régulier avec l’«aventurier», par ailleurs père de trois enfants.

Ouf! On ne tremble plus dans les chaumières suisses tenues en haleine par les médias. Voilà notre héro bien au chaud, prêt à répondre à des interviews. Comme tout «aventurier» qui se respecte, on l’entendra affirmer qu’il compte repartir rapidement pour accomplir de nouveaux «exploits» grâce à ses généreux sponsors.

Combien de kilomètres peut-on parcourir en moto avec les litres d’essence consommés pour un tel sauvetage héliporté en Sibérie? Je me suis posée la question en apprenant que des motos étaient immobilisées au Mali, faute de carburant, alors qu’elles seraient à même de sauver non pas une personne, mais des milliers.

«Les hôpitaux et dispensaires disposent de vaccins. Le personnel soignant utilise des motos pour mener des campagnes de vaccination. Là où le bât blesse, c’est qu’ils n’ont pas les moyens de se payer l’essence pour la moto», constate Amandine Schaller, étudiante en médecine à Lausanne et membre de l’Association humanitaire Bandiagara (in Le Quotidien jurassien du 16.3.2006).

Créée en 2004 par des étudiants en médecine de Lausanne et Genève, cette organisation apporte du matériel médical en pays Dogon et cherche 30’000 francs pour concrétiser ses projets 2006. Les sponsors ne se ruent pas au portillon, c’est vous, c’est moi.