importing cialis

Jon Stewart (et l’Amérique est prête à se remettre en question)

Le comique a acquis un statut de culte aux Etats-Unis grâce à son humour abrasif qui n’épargne pas l’administration Bush. Il présentera dimanche la cérémonie des Oscars.

«Je suis prêt à perturber l’Amérique», a répondu du tac au tac Jon Stewart. Mardi dernier, je m’étais rendue à l’enregistrement de son émission pour voir de près le comédien qui présidera la 78e cérémonie des Oscars dimanche prochain. Hourrahs dans le studio.

Quand l’Académie des arts et des sciences du cinéma a annoncé qu’elle avait choisi Jon Stewart pour animer le pince-fesses annuel du tout Hollywood, la nouvelle a fait se dresser plus d’un sourcil aux Etats-Unis. Le quotidien Variety, la bible très sérieuse des coulisses de Hollywood, lui a consacré sa Une: «Jon Stewart est-il vraiment l’homme du moment?» Bonne question, à laquelle je réponds oui.

Car si Jon Stewart, 43 ans, est un quasi-inconnu en Europe, il a acquis un statut culte aux Etats-Unis avec son émission désopilante, le Daily Show, un faux journal d’actualités diffusé quatre soirs par semaine depuis 1999 sur Comedy Central, une chaîne du câble.

Sa popularité, Jon Stewart la doit aussi bien à un humour décapant et caustique qu’à sa propension à prendre pour cible aussi bien les politiciens de tous bords — avec une préférence pour l’administration Bush — que les médias. Pas étonnant que ces derniers aient mis du temps à l’admettre: Stewart est désormais une figure incontournable du paysage médiatique américain.

L’ascension de Jon Stewart et de son équipe — ils sont une dizaine à écrire le show — commence avec les élections de 2000 et le pataquès de Floride quand les superviseurs électoraux s’échinent à deviner la forme des trous laissés par les machines électorales sur les bulletins de vote pour en déterminer la validité.

Face ce qu’il considère comme l’incapacité de la presse à décrypter un système corrompu, Stewart se déchaîne. Et surprise, les spectateurs (surtout la tranche des 18-34 ans tant convoitée par les publicitaires et qui a depuis longtemps déserté les JT traditionnels) se passionnent pour ce trublion.

Une majorité de ses spectateurs affirme même s’informer prioritairement par le Daily Show. Les médias le prennent de haut, mais les politiciens, acteurs et autres stars en quête de reconnaissance, n’en manquent pas un mot. Ils se pressent au portillon du studio sur la 11e avenue à Manhattan pour participer à l’émission.

John Kerry, le prétendant démocrate à la présidentielle 2004, boude Fox News, mais se précipite chez Jon Stewart. Le démocrate John Edwards lui a donné la primeur de l’annonce de sa candidature. Le pompon est tombé quand Stewart s’est vu décerné deux fois le Peabody, équivalent du Pulitzer pour l’info radio-télévisée, pour sa couverture des élections en 2000 et à nouveau en 2004.

La guerre en Irak allait redonner du matériau en or à son équipe. Exemple d’échange avec son correspondant Steve Colbert (qui sort rarement du studio, même si un fonds bien choisi pourrait donner l’illusion du contraire) sur les armes de destruction de Saddam Hussein.

Stewart: Il y aurait des rumeurs disant qu’il n’en aurait pas (des armes).

Colbert: Ce serait un terrible casse-tête pour Saddam. Il faudrait qu’il construise des usines, fabrique des armes, admette qu’il en a et les détruise ensuite. Mais cette hypothèse est impossible, Jon, à moins qu’il ne possèdes des armes, dans ce cas il pourrait les utiliser pour détruire son arsenal d’armes de destruction massive.

Stewart : Je suis confus, nous pensons qu’il a des armes….

Colbert: Jon, ne confondez pas le fait qu’il puisse en avoir, avec la menace posée par le fait que nous pensons qu’il en a. Imaginez ce que Saddam pourrait faire s’il faisait ce que nous imaginons qu’il puisse faire. Franchement c’est inimaginable.

Ces faux dialogues de sourds sont la marque de l’émission. Déformer l’information au point d’en faire de l’info.

On comprend pourquoi certains à Hollywood craignent le pire pour la cérémonie de dimanche. On se souvient du tollé qu’avait provoqué Michael Moore en 2003 en affirmant son opposition à la guerre. Car si Hollywood a ses libres penseurs, l’Académie n’aime pas faire des vagues. A moins que le vent ait tourné?

C’est ce que je me plais à penser. Après l’entrée en guerre contre l’Irak et la chappe de plomb qui a pesé sur toute l’Amérique, l’opposition a à nouveau droit de cité. Il n’y a qu’à voir la liste des films nominés, de «Good Night, And Good Luck», de George Clooney, à «Syriana» en passant par «Crash» et le controversé mais huit fois nominé «Brokeback Montain», le ton est à nouveau sinon à la dissidence, au moins à la critique et au questionnement des valeurs sociales et politiques.

——-
Maria Pia Mascaro, journaliste, est la responsable du bureau de Largeur.com à New York.