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L’Italie va dans le mur

Face à un Berlusconi omniprésent dans les médias, la gauche avance désunie autour d’un programme illisible. Les lendemains italiens ne chanteront pas…

Dans un mois et demi, les Italiens devront décider de leur avenir en se rendant aux urnes. Leur choix est limité. A droite, la coalition sortante dirigée par Silvio Berlusconi demande le renouvellement de son bail.

Paradoxalement, alors que cette coalition a battu tous les records de longévité ministérielle, ce dont elle ne manque pas de se vanter, elle est aussi responsable d’une gestion économique si désastreuse que le pays est en récession depuis deux ans, ce qu’elle nie avec force.

Conscient de sa faiblesse, notamment en raison de sondages très défavorables depuis longtemps, Berlusconi a, non sans habileté, décidé de prendre ses adversaires de court en lançant sa campagne électorale au lendemain des fêtes de fin d’année. Depuis début janvier, il occupe toutes les estrades médiatiques possibles et martèle, en acteur consommé, quelques assertions qu’il croit électoralement porteuses – dans le genre «Je suis le seul à lutter contre les communistes» ou «A bas les juges rouges» – et qui le sont peut-être.

Cela ne fait pas un programme politique ni n’indique la voie à suivre pour remonter l’économie du pays, mais de cela Sua Emittenza s’en tape: ce qui l’intéresse, ce sont ses affaires et elles se portent très bien.

Persuadé que ses concitoyens aiment la rigolade, il ne craint pas les bons mots en s’attribuant, avec un sourire béat, tantôt les vertus de Napoléon, tantôt celles de Jésus-Christ. Il rigole, mais le mot reste, roule d’un média à l’autre, rebondit de Milan à Palerme, fait parler de lui, lui confère une omniprésence de tous les instants qui est justement le nec plus ultra d’une campagne électorale bien faite. Le résultat est tangible: alors qu’à Noël son retard était de huit à dix points, il ne serait plus que de trois ou quatre aujourd’hui. C’est dire que les jeux sont loin d’être faits.

En face, la coalition de centre-gauche emmenée par Romano Prodi en est déjà à se répartir les portefeuilles tant la victoire lui semble assurée. Ainsi, Fausto Bertinotti, le très élégant et disert leader du parti Refondation communiste se voit déjà présider le parlement. Cette perspective lui donne des ailes: accusé par la droite d’avoir mis sur ses listes un trotskiste osant traiter les Irakiens tirant sur l’armée italienne de résistants et non de terroristes, il l’a mis sur la touche en quelques heures, sans barguigner.

Outre sa trop grande confiance en une victoire acquise, les problèmes de la gauche sont multiples. Politiquement les formations qui constituent l’Union dirigée par Prodi sont toutes plus à droite que leur électorat, à tel point que des organisations comme la «Margherita» de Francesco Rutelli ou les démocrates-chrétiens de Clemente Mastella sont carrément à droite, porte-parole déclarés du Vatican qui distribue chaque dimanche ses consignes. Un Bertinotti, censé rechercher une nouvelle voie vers le communisme, n’est guère plus à gauche qu’un Emmanuelli ou un Montebourg en France.

Cette hypocrisie généralisée a une conséquence programmatique: la coalition de Prodi est incapable de dire où elle tend, vers quoi elle penche, ce qu’elle veut. Pour noyer le poisson, le staff de centre-gauche a pondu un programme de 284 pages qui a peu de chance d’être lu mais qui permet de répondre à toutes les questions en renvoyant le curieux à la page x. Sauf que la réalité est différente.

Sur les sujets qui fâchent, le centre-gauche est divisé. Ainsi sur le Pacs, Prodi précisait il y a deux semaines qu’il partageait l’opinion des conservateurs espagnols (soit du pape) contre l’extrémisme de Zapatero.

Sur le TGV Lyon-Turin qui a mobilisé des foules déterminées, Prodi va aussi droit dans le mur. C’est lui-même qui a fait avancer le projet quand il présidait la Commission européenne. Comment répondra-t-il à la colère populaire au lendemain des élections quand les travaux reprendront?

Autre point sensible, l’éducation. Alors que Berlusconi a largement alimenté les caisses de l’enseignement catholique, Prodi n’a pas l’intention de revenir en arrière pour dynamiser l’école publique. Sur l’Irak enfin, le flou est aussi de rigueur. Prodi affirme vouloir retirer les troupes italiennes, mais refuse de fixer une date précise.

Tout cela risque de déclancher une abstention massive à gauche. Et une chose est certaine, quel que soit le vainqueur le 9 avril prochain, les lendemains italiens ne chanteront pas forcément.