LATITUDES

La prévention par les «sniff kits» dans les clubs

A Genève, le collectif Nuit Blanche distribue du matériel aux amateurs de cocaïne et d’ecstasy. Pour favoriser le dialogue.

Imaginez la scène: dans une boîte de nuit, des travailleurs sociaux distribuent aux amateurs de coke de petits sniff kits contenant une paille et un miroir. Incitation à la consommation?

L’association Nuit Blanche pense au contraire qu’il s’agit d’une méthode de prévention efficace, notamment pour éviter le risque d’une transmission de l’hépatite C par l’usage d’une même paille.

Le collectif distribue aussi des sucettes aux consommateurs d’ecstasy (pour éviter les crispations de la mâchoire), ainsi que de l’eau fraîche, des flyers d’information, des alcotests et des préservatifs.

Née d’un partenariat entre une dizaine d’organisations, cette opé-ration originale est financée à hauteur de 115’000 francs par le Fonds Drogue, un budget alimenté par la saisie de l’argent résultant du trafic de stupéfiants. Quant aux partenaires (Groupe sida Genève, Prevtech, Carrefour Prévention, Première Ligne, etc.), ils mettent à disposition le personnel et le matériel d’information.

Ces dernières semaines, le collectif Nuit Blanche est intervenu dans des clubs genevois tels que l’Usine, le Chat Noir et le Bout du Monde. Mais les sniff kits n’ont pas pu être utilisés: «Cela m’a paru trop incitatif, explique Pierre-Edmond Gilliand, directeur du Chat Noir. Je préfère faire en sorte que mes clients ne sniffent pas dans mon club. Cela dit, les gens de Nuit Blanche font un excellent travail, et il n’est pas exclu que nous acceptions les sniff kits à l’avenir.»

Les responsables de Nuit Blanche sont convaincus de l’efficacité du projet: «Nos quinze ans d’expérience ont montré que ce genre de méthode ne pousse pas à la consommation. Au contraire, cela permet de mettre à l’aise la personne qui souhaite dialoguer», explique Christophe Mani, responsable de l’association Première Ligne.

Car ici, il s’agit avant tout de conseiller à propos des attitudes à adopter pour réduire les risques. Les gens viennent au stand pour chercher du matériel ou boire de l’eau, puis la conversation s’installe avec les volontaires. «Lors de la dernière soirée, nous avons par exemple alerté les personnes de la présence à Genève d’une cocaïne frelatée qui venait de provoquer de nombreuses hospitalisations», explique Sekinha Todesco, coordinatrice de Nuit Blanche.

Pour l’instant, l’initiative est bien reçue. Seul le sniff kit a encore du mal à passer auprès de certains propriétaires de clubs. «Accepter de le distribuer signifierait que l’on accepte la substance, dit Sébastien Courage, codirecteur du Moa, à Genève, qui accueillera bientôt le collectif. Nous ne voulons pas donner ce signal. Pour le reste, nous soutenons l’opération.»

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Le site de Nuit Blanche.

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Une version de cet article a été publiée dans L’Hebdo du 1er décembre 2005.