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L’immobilisme s’organise en France et en Allemagne

En France, les socialistes se rassemblent autour d’un non projet commun. Un même blocage menace l’Allemagne avec le gouvernement de grande coalition dirigé par Angela Merkel.

Il n’aura fallu qu’un court week-end et une longue nuit aux socialistes français pour parvenir à ce qu’ils appellent joliment la «synthèse» et qui n’est autre que la quintessence de l’antipolitique. Le tour de passe-passe, l’escamotage malin qui permet tout juste de masquer les contradictions internes alors que l’on prétend gommer les divergences. Comme si les Fabius, Hollande, Strauss-Kahn, Emmanuelli et autres Peillon allaient, comme mus soudain par un coup de baguette magique, marcher main dans la main.

Ces synthèses-là ne font que souligner un peu plus la vraie raison de leur existence: la vacuité du projet politique, la prolifération des ambitions personnelles. Les idées nouvelles? Elles sont bonnes pour les journaux, comme en témoigne l’excellent numéro spécial que Libération consacrait il y a quinze jours aux «30 idées pour réveiller la gauche».

Les socialistes français ne dorment pas, ils sont encore dans le coma de la défaite de Jospin. Et, à bien lire ce qui signifie leur synthèse, c’est le retour de Jospin qu’ils ont préparé. Un Jospin qui, tel Zorro, surgira au moment opportun pour terrasser Sarkozy. Et distribuer à ses amis fidèles prébendes, sinécures et gros fromages. Mais sans projet d’avenir, sans réponse à la mondialisation, sans relance européenne.

C’est ce qui se passe en Allemagne, non au niveau d’un parti mais de l’Etat avec le gouvernement de grande coalition dirigé par Angela Merkel. Cela fait déjà des années que, faute la plupart du temps d’avoir la double majorité au Bundestag (chambre des députés) et au Bundesrat (chambre haute des Länder), Kohl puis Schröder étaient contraints de négocier consensuellement l’adoption des réformes importantes.

Aujourd’hui, la pensée unique s’étale sur la place publique, mais les perspectives sont toujours aussi sombres. Comme ses prédécesseurs, Angela Merkel va répétant avec conviction qu’il s’agit d’amaigrir l’Etat, de flexibiliser l’emploi, de baisser les charges des entreprises. Comme ses prédécesseurs, elle constatera rapidement que cela ne mène pas très loin, que le taux de chômage ne faiblit pas, que l’insatisfaction se répand. Il faudra alors conquérir les suffrages des électeurs avec d’autres susucres.

Et c’est là que la culture politique de Madame Merkel risque de lui jouer de mauvais tours, comme elle a desservi jusqu’à ce jour la quasi totalité des dirigeants politiques issus de l’ex-empire soviétique. Pour faire bref, disons que, formés dans la lutte contre le dogmatisme d’un parti tout-puissant, ils versent en général dans le mal contraire en recourant à un libéralisme sectaire et, c’est le moins qu’on puisse dire, peu réfléchi.

Cette faiblesse intrinsèque de la pensée politique postsoviétique n’en finit pas de semer des gouvernements calamiteux en Europe de l’est. Mais, dira-t-on, Angela Merkel est solidement encadrée! Certes, mais elle dirige un gouvernement de coalition où les deux grands partis se neutralisent, ce qui, sous les apparences d’une gouvernance paisible et courtoise, ne peut qu’augmenter les risques d’instabilité et de rupture.