A la suite de l’annonce par Ringier du lancement d’un nouveau journal dominical, Largeur.com a reçu un message d’une personnalité connue sous le pseudonyme d’Innocent. Largeur.com le reproduit ici en intégralité.
Qui a vraiment besoin d’un nouveau journal du dimanche? Les annonceurs, peut-être. Les éditeurs, certainement. Les journalistes, sans aucun doute. Mais les lecteurs? Ont-ils vraiment, sérieusement, impérativement besoin d’un nouveau journal du dimanche? Sans blague?
«S’il existe un seul consommateur en manque, un seul individu ayant manifesté son souhait spontané de voir apparaître un nouveau titre dominical dans la presse lémanique, je veux qu’on me l’amène sur le champ. Avec un espresso La Semeuse et un jus d’orange bien sanguine.» Ainsi parla Pussy Tempora.
OK, les opérateurs en télémarketing répondront qu’une majorité de lecteurs s’est déclarée a) «très favorable» ou b) «plutôt favorable» à l’apparition d’un nouveau journal du dimanche. OK. Et d’autres sondés ont répondu d) «ne sait pas», comme Innocent l’aurait fait si on lui avait posé la question. Etes-vous favorable à l’apparition d’un nouveau journal? Innocent veut dire «ne sait pas».
Les cerveaux de Ringier, eux, préfèrent dire qu’ils savent. Que la mode est aux journaux dominicaux, que l’agenda politique s’oriente vers le jour du Seigneur, amen, et surtout que «Matin Dimanche» signifie millions. Ils savent aussi qu’un deuxième journal pourrait sucer quelques budgets publicitaires au complexe d’Œdipresse. Ils ont flairé un marché, ou plutôt une niche. «Alors à la niche!», dit Pussy Tempora.
Il y a les éditeurs qui lancent un journal pour faire entendre une voix et ceux qui lancent un journal pour occuper une niche. Ne parlons pas de ceux qui lancent un journal parce que la maison d’en face veut occuper une niche.
C’est une question de besoin. Pour Ringier, il s’agit maintenant de faire croire aux consommatrices et aux consommateurs qu’ils (elles) ont toujours eu besoin. Besoin d’un nouveau journal pour accompagner la dose de caféine à l’heure du brunch dominical. Vous ne le savez pas encore, chère consommatrice, cher consommateur, mais vous avez besoin d’un nouveau journal du dimanche.
Vous ne le savez pas? Innocent veut dire «ne sait pas». Innocent préfère lire «L’idiot» qu’un journal de plus. Des journaux, Innocent en lit toute la semaine et le dimanche, Innocent s’énerve en regardant Mise au point.
Les journalistes lémaniques, eux, ont vraiment, sérieusement, impérativement besoin d’un nouveau journal du dimanche. Combien de fois ont-ils jalousé leurs confrères alémaniques et leurs scoops à propos de Carla, de Rita et de Dino? Ils s’imaginent qu’un nouveau journal leur permettra de produire davantage de nouvelles exclusives (surtout celles des confrères alémaniques, mais traduites en français). L’honneur médiatique de la Lémanie est à ce prix.
Pendant ce temps, Œdipresse congédie le rédacteur en chef de son «Matin» et le maintient à son poste jusqu’à l’arrivée du successeur. On a vu manière plus habile de préparer l’arrivée imminente d’un nouveau concurrent.
Innocent se dit qu’Œdipresse ferait mieux de soigner son complexe.
Innocent se dit que Ringier ferait mieux d’offrir un toilettage à L’Hebdo plutôt que d’essayer de combattre une mauvaise vitamine avec un mauvais café.
Innocent se dit que Le Temps ferait mieux de resserrer les mailles de ses correcteurs orthographiques plutôt que d’essayer de vendre une nouvelle édition à l’heure de la messe.
La Lémanie ne manque ni de journaux, ni d’informations. Elle manque de regards littéraires sur l’actualité et de résumés limpides des affaires du monde. Vous n’imaginez pas tout ce qu’Innocent peut faire pour vous.