GLOCAL

Bons baisers de Corée du Nord

Le régime stalinien s’entrouvre aux visiteurs étrangers, mais multiplie les tracasseries. Témoignages.

«La Corée du Nord a beaucoup à offrir à ses hôtes: les splendides montagnes de Miohyang, les monuments, parcs et musées de Pyongyang et, surtout, la chance de voir une société socialiste!»

Cette publicité nord-coréenne vise les quelque 2000 touristes occidentaux qui se rendent chaque année dans le pays le plus fermé du monde. Le marché est limité: jusqu’à l’été dernier, l’office du tourisme national disposait d’une antenne à Zurich, qui vient d’être fermée car il y avait «trop peu de demande», explique-t-on à la mission diplomatique nord-coréenne de Genève.

Quatre agences de voyage, qui sont toutes basées en Suisse alémanique, proposent cette destination. Elles s’occupent de l’ensemble des procédures (réservation, vol, visa) en collaboration avec l’agence de tourisme nord-coréenne qui se chargera de définir l’itinéraire et de trouver des hôtels, ainsi que des guides. Car «le guide accompagne l’hôte pendant toute la durée de son séjour», précise l’agence Tourasia.

Autre contrainte: les touristes sont obligés de réserver un voyage en pension complète. «Il n’est pas possible de réserver uniquement l’hôtel à Pyongyang, par exemple», relève-t-on chez Indo-Orient Tours.

Chaque année, malgré la lourdeur des procédures, une soixantaine de Suisses se rendent en Corée du Nord, ce qui leur coûte entre 1500 francs (voyage en groupe) et 3500 francs (voyage individuel) pour une dizaine de jours sur place. Ce prix comprend les hôtels, les repas et le vol aller-retour Pékin-Pyongyang avec la compagnie nationale Air Koryo — laquelle, souci supplémentaire, figure depuis le mois d’août sur la liste noire des compagnies aériennes interdites en France pour des raisons de sécurité…

«Nous avons volé à bord d’un Iliouchine russe des années 70 qui faisait un bruit pas possible», raconte Mathieu Fraschina, de retour de Corée du Nord. Le jeune Lausannois dit avoir eu l’impression qu’«on cherchait à nous masquer les défaillances de l’appareil».

Sur place, le programme, quasiment immuable, est fixé par l’agence de voyage étatique. On visite les monuments à la gloire de Kim Il-Sung, son mausolée, la Bibliothèque du peuple et le métro. «A notre arrivée, nous avons dû nous prosterner devant la grande statue de Kim Il-Sung», raconte Mathieu Fraschina. Son groupe s’est ensuite rendu au mausolée du «cher leader»: «Les gens se recueillaient devant sa Mercedes, qui trône au milieu de la pièce.»

Il arrive que les voyages coïncident avec une fête nationale. C’est l’occasion pour le régime stalinien de déployer 100 000 gymnastes pour une gigantesque parade synchronisée. Le 10 octobre (date du 60e anniversaire de la fondation du Parti des ouvriers nord-coréens), le groupe de Mathieu devait assister à l’une de ces «fêtes de la gymnastique», mais à la dernière minute, la présence des touristes a été interdite.

Ces tracasseries rappellent que le régime nord-coréen, intégralement verrouillé, n’autorise les Occidentaux à fouler son sol que pour améliorer son image à l’extérieur. Ces voyages ont pour but de montrer que «la Corée du Nord respecte l’idéal socialiste et que les gens y sont heureux dans leur choix de vie», relève Patrick Kohler, secrétaire général du Comité suisse de soutien à la réunification de la Corée, un mouvement regardé d’un bon oeil par le régime de Pyongyang.

«Le gouvernement nous encourage car nous contribuons à casser l’isolement international du pays», note de son coté Nick Bonner, qui organise des tours en Corée du Nord depuis Pékin. Cette année, pour la première fois, une centaine de touristes américains ont ainsi pu se rendre à Pyongyang.