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L’Allemagne veut expérimenter un consensus à la suisse

Traduit en jargon helvétique, le choix gouvernemental allemand s’appelle formule magique. Mais attention, cette valorisation du centrisme comme idéologie dominante comporte sa dose de risque. Surtout à l’échelle de l’Allemagne.

La classe politique allemande a fait son choix. A un chancelier sortant opportuniste en diable, battant comme pas deux, elle a préféré Angela Merkel.

Respect de la lettre du vote, mais pas de son esprit dans la mesure où Merkel, en tête pour une poignée de suffrages, a été politiquement déconfite. Rétamée même, tant la chute fut vertigineuse. Cela dit, elle peut fort bien avoir puisé dans cette dure expérience l’énergie pour rebondir. On ne prend pas la tête d’un parti comme la CDU sans avoir au fond de sa besace quelques qualités à faire valoir le moment venu.

La vraie nouveauté du gouvernement à venir tient moins à la personne qui va le diriger qu’à sa structure de grande coalition fondée sur la recherche d’un consensus à la suisse.

Car, traduit en jargon helvétique, le choix gouvernemental allemand s’appelle Zauberformel ou formule magique. C’est la valorisation du centrisme comme idéologie dominante, c’est le refus de l’opposition binaire gauche/droit. C’est le renvoi sec, dur et net du tiers exclu dans les filets.

En Suisse, la formule peut déployer toute sa magie paralysante parce que, depuis Marignan — cela fait tout de même cinq cents ans! –, nous avons cultivé un surmoi neutre dont l’hypertrophie dégoulinante a transformé le vaillant peuple des bergers en un troupeau de béni-oui-oui.

L’Allemagne a évidemment une histoire un peu moins placide, et on voit mal ses citoyens s’accommoder longuement d’une gestion bipartisane et exclusive du pouvoir politique. Elle s’y est d’ailleurs essayé, en 1966, quelques années après l’institutionnalisation de notre consensus, en portant au pouvoir une équipe placée sous la direction d’un chancelier démocrate-chrétien, l’ex-nazi Kiesinger et d’un vice-chancelier social-démocrate, l’ex-résistant Brandt.

L’expérience finit plutôt mal: l’opposition extra-parlementaire (APO) tint au sens propre le haut du pavé et quand les pavés s’avérèrent insuffisants apparurent les kalachnikov.

Aujourd’hui, avec le recul, chaque fois qu’un journaliste parle de cette expérience, il se plaît à rappeler que Willy Brandt put inaugurer la fameuse Ostpolitik, mais il passe sous silence les ravages causés par la Rote Armee Fraktion, plus connue sous le nom de Bande à Baader.

Cette radicalisation des extrêmes est inévitable dès qu’en se regroupant au centre, les forces politiques laissent les marges à découvert. Nous en avons d’ailleurs un bel exemple ces jours-ci à Genève, la ville la plus turbulente du pays.

Le problème est que les énergies libérées par un pays comme l’Allemagne ont une autre intensité. S’il y a quarante ans, c’est l’extrême gauche qui déborda et mit en crise le centrisme gouvernemental, la conjoncture fait qu’aujourd’hui, c’est l’extrême droite qui en profitera.

D’autant plus que la gauche de la gauche, pour la première fois dans l’Allemagne d’après-guerre, est parvenue à trouver un exutoire parlementaire grâce à la fondation de la Linkspartei. Ce parti n’a rien de gauchiste, mais il occupe le terrain, ce qui n’est pas le cas des libéraux à la droite de la droite. Là, les néo-nazis ont le champ libre, ils sauront se faire remarquer.

Et le bruit qu’ils feront risque fort de détourner les citoyens comme les politiciens de la seule réflexion qui compte désormais: comment faire du chômage, ouvertement, sans arrière-pensée honteuse, une nouvelle manière de vivre. Soit en d’autres termes, accepter enfin que le travail salarié ne soit plus la seule aune à laquelle on mesure la capacité de le l’individu à vivre en société.

Vaste programme dont ni les sociaux-démocrates, ni les démocrates-chrétiens ne soufflent mot.