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Portraits de Suisses qui migrent à l’Est

Alors que de nombreux Suisses redoutent l’arrivée de travailleurs de l’Est, d’autres ont choisi d’aller tenter leur chance en Pologne ou en Estonie. Voici les histoires de quelques uns d’entre eux.

Markus, 31 ans, est parti s’installer à Varsovie il y a six ans. Ce jeune Zurichois avait toujours rêvé de vivre en Pologne, pays de ses grands-parents. Il y a fondé le groupe d’investissement Centurion, qui emploie aujourd’hui une vingtaine de personnes.

Arrivé à Varsovie par l’intermédiaire du cabinet McKinsey, l’entrepreneur a rapidement compris qu’il était facile d’y lancer sa propre entreprise.

«Même si les choses évoluent vite, il y a très peu de concurrence ici, notamment dans mon secteur. De plus, le fait de connaître le polonais donne ensuite accès à tout le marché d’Europe de l’Est.»

L’exemple de Markus Matuszek est de moins en moins isolé, notamment dans l’Europe des Quinze, où la libre circulation est déjà entrée en vigueur et a considérablement simplifié la vie des Suisses souhaitant s’y établir.

Prenons l’exemple de la France. Il n’y a pas si longtemps, un détenteur du seul passeport suisse désireux de s’installer outre-Jura se heurtait à un mur d’incompréhension administrative.

Depuis 2003, il n’est plus nécessaire d’acquérir un titre de séjour en s’annonçant dans une préfecture française. Depuis le 1er juin 2004, l’obligation d’obtenir une autorisation de travail est également tombée. Il suffit donc de trouver un emploi, ou d’avoir les moyens financiers de pourvoir à ses besoins.

Les prestataires de services peuvent, quant à eux, travailler en France 90 jours par an sans entreprendre de démarches administratives particulières.

La libre-circulation des personnes n’est pas une seulement concession que l’Union européenne demande aux Suisses: elle leur ouvre aussi de belles opportunités, comme le montrent les histoires qui suivent.

Peter et Elke Wüthrich, en Estonie depuis 1999

Partis de Suisse sans projet précis, Peter et Elke Wüthrich vendent aujourd’hui des cartes de voeux et des bougies en Estonie. Quand ils sont arrivés, ils ne connaissaient ni la langue, ni les moeurs estoniennes. Leur société emploie aujourd’hui une vingtaine de personnes en région rurale.

Peter, qui a eu un coup de coeur pour l’Estonie alors qu’il était enfant, s’est installé avec son épouse allemande dans la petite ville de Vohma en 1999, avec quelques maigres économies. «On voulait alors faire quelque chose pour les habitants, souvent très pauvres, mais nous n’avions pas de but précis», explique Peter Wüthrich, qui dit n’avoir bénéficié d’aucune formation professionnelle particulière.

Leurs voisins les sollicitant fréquemment pour emprunter de l’argent, les Wüthrich ont alors décidé de créer une entreprise pour que ces gens puissent gagner leur pain. «Ma femme étant assez créative, elle a commencé à fabriquer des cartes de voeux en papier ondulé avec quelques Estoniens qu’elle payait. Nous vendions les cartes en Suisse, puis en Estonie, et ça marchait bien.»

De fil en aiguille, le couple a créé sa société, en se spécialisant dans l’impression sur papier, sur tissus et dans la fabrication d’étiquettes de bougies. Puis, Peter Wüthrich s’est lancé dans la fabrication de bougies. Il a acquis un vieux hall de supermarché, y a construit des tables et employé une dizaine de personnes.

«Mon succès m’a alors poussé à créer un troisième volet à notre entreprise afin de gérer la vente des produits», ajoute-t-il, enthousiaste. Il vient d’engager un représentant. Ces trois entités sont regroupées aujourd’hui sous le nom de Gift Line. Les Wüthrich viennent d’inaugurer une vieille bâtisse rénovée pour regrouper toutes les activités.

Dès le premier jour, Peter confie s’être senti comme à la maison. Il déclare ne manquer de rien. «Mon épouse m’en a voulu au départ, ce n’était pas facile, mais elle ne veut plus repartir.»

Le couple a aujourd’hui trois enfants, dont l’aîné de 6 ans est scolarisé à l’école publique. D’après Peter Wüthrich, si les frontières s’ouvrent, les Suisses ne doivent pas s’attendre à une «invasion» d’Estoniens: «Premièrement, parce qu’il n’y en a pas beaucoup. Ensuite, la majorité d’entre eux tiennent beaucoup à leur terre. Enfin, ceux qui veulent partir sont déjà partis en Finlande ou en Suède, où la langue leur est plus accessible.»

Marc Pinter, à Budapest depuis 1992

Diplômé de l’Université de Saint-Gall, Marc Pinter, économiste de 39 ans, est arrivé en Hongrie, le pays d’origine de ses parents, en 1992. Six ans plus tard, il y a fondé l’entreprise Medea, spécialisée dans la sous-traitance économique.

«C’était assez facile pour moi de démarrer seul mon entreprise. Je suis binational et je parlais déjà la langue, explique-t-il. J’emploie aujourd’hui 200 personnes, dont 120 dans ma succursale en Roumanie.» Il n’a eu aucun problème à y engager des employés polyglottes.

Le Zurichois vit aisément en Hongrie, avec son épouse et sa fille de 2 ans. «La vie coûte peu cher ici, ma femme fait venir une masseuse à la maison pour 18 francs la séance et nous pouvons nous permettre d’avoir une baby-sitter 24 heures sur 24», confie-t-il.

Mais les Pinter envisagent malgré tout de retourner vivre en Suisse. «On ne peut pas faire confiance aux gens ici. Vous donnez rendez-vous à un technicien pour réparer la machine à laver et il arrive avec trois jours de retard, par exemple. Tout prend du temps.»

De plus, Marc Pinter explique qu’à son arrivée en Hongrie en 1992, «il y avait une ambiance euphorique. J’étais un pionnier dans mon domaine. Aujourd’hui, c’est différent, le travail n’est plus aussi intéressant car de nombreuses entreprises se sont implantées à Budapest».

Katja Schläfli et Martin Aeschlimann, à Budapest depuis 2002

Ces jeunes Suisses d’une trentaine d’années sont une référence dans toute la Hongrie. Leur entreprise de décoration florale, Arioso, compte cinq employés hongrois. Les plus grands hôtels de la ville, comme le Four Season’s Gresham Palace, figurent parmi leurs clients.

Katja est fleuriste de formation, Martin est jardinier. Alors que Katja s’occupe des arrangements floraux, Martin a un rôle administratif. «Nous avions toujours eu pour rêve de monter notre entreprise, confie la fleuriste. Mais en Suisse, c’était difficile pour des raisons de liquidités et de forte concurrence.»

Katja et Martin ont donc recommencé à zéro dans un pays inconnu, sans même en parler la langue. Ils ont choisi la Hongrie lorsqu’une amie à eux, installée à Budapest, les encourageait à venir y développer ce marché de niche. «Ce n’était pas facile la première année, dit Katja. Car nos créations florales ne sont pas adaptées à toutes les bourses et nous avons dû nous faire un nom auprès de la clientèle plus fortunée.» Mais l’entreprise est aujourd’hui en pleine croissance. D’ici la fin de l’année, cinq employés supplémentaires seront engagés.

Le couple, qui parle désormais l’anglais et un peu de hongrois, se plaît à Budapest. Ces jeunes pionniers, qui se sont heurtés à quelques difficultés administratives, se réjouissent du fait que les nouveaux accords rendent l’établissement des Suisses plus facile en Hongrie.

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Diaspora suisse

Nombre de Suisses et de binationaux installés dans les nouveaux pays membres de l’UE

Suisses
Binationaux
Estonie
10
16
Lettonie
16
2
Lituanie
15
5
Malte
96
49
Pologne
151
372
République slovaque
57
157
Slovénie
62
200
République tchèque
293
706
Hongrie
518
1048
Chypre
210
210


Et, à titre de comparaison, chez nos principaux voisins:

Suisses
Binationaux
France
27’611
138’588
Allemagne
27’511
42’944
Italie
10’805
34’637

Source: Département fédéral des affaires étrangères (31 décembre 2004).

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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 15 septembre 2005. Collaboration: Chantal Tauxe.